TOUT COMPRENDRE - Que se passe-t-il au Haut-Karabagh?

TOUT COMPRENDRE - Que se passe-t-il au Haut-Karabagh?

L'exode des Arméniens de l'enclave du Haut-Karabagh se poursuit ce samedi, après l'annonce jeudi de la dissolution de la république séparatiste autoproclamée et malgré les appels de l'Azerbaïdjan à rester. Plus de 100.000 personnes ont quitté la région.

Cette région à majorité arménienne, qui avait fait sécession de l'Azerbaïdjan à la désintégration de l'URSS, s'est opposée pendant plus de trois décennies à l'Azerbaïdjan. La semaine dernière, Bakou a lancé une offensive militaire pour la reprendre et poussé les séparatistes à capituler en 24 heures.

• Que se passe-t-il au Haut-Karabagh?

Le 19 septembre, après la mort de quatre policiers et deux civils azerbaïdjanais dans l'explosion de mines, l'Azerbaïdjan a annoncé avoir lancé des opérations militaires visant les forces séparatistes arméniennes au Haut-Karabagh. L'Arménie a refusé de se laisser entraîner dans une nouvelle guerre avec l'Azerbaïdjan et annoncé qu'elle n'interviendra pas, laissant ses alliés séparatistes seuls face à la puissance de feu de Bakou.

Bakou a fait état le 20 septembre d'un accord pour un cessez-le-feu et de la tenue de premiers pourparlers le lendemain en vue de la "réintégration" de ce territoire à l'Azerbaïdjan. Les séparatistes arméniens ont annoncé parallèlement qu'ils déposaient les armes dans le cadre d'une trêve. L'Arménie "n'a pas participé" à la rédaction de l'accord de cessez-le-feu, a précisé son Premier ministre Nikol Pachinian, jugeant toutefois "très important" que les combats cessent.

Les tensions étaient vives depuis plusieurs semaines, l'Arménie accusant l'Azerbaïdjan d'avoir causé une crise humanitaire au Haut-Karabagh en bloquant en 2022 le corridor de Latchine, l'unique route qui la relie directement au territoire sécessionniste.

• Qu'est-ce que le Haut-Karabagh?

La région montagneuse du Haut-Karabagh a été rattachée en 1921 à l'Azerbaïdjan par les autorités soviétiques et a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991, avec le soutien de l'Arménie. Une guerre qui a fait 30.000 morts et des centaines de milliers de réfugiés s'y déroule de 1988 à 1994. Erevan, victorieuse, contrôle la région et des zones azerbaïdjanaises proches.

Un nouveau conflit à l'automne 2020 (6500 morts en six semaines) s'est soldé par une écrasante défaite de l'Arménie, contrainte de céder à l'Azerbaïdjan d'importants territoires dans et autour de l'enclave. Moscou, parrain du cessez-le-feu, avait alors déployé un contingent de maintien de la paix. Mais ses quelque 2000 soldats n'ont pu empêcher les accrochages de se multiplier ni le blocus de l'enclave imposé depuis des mois par Bakou.

Ce jeudi, le dirigeant de l'enclave, Samvel Chakhramanian, a annoncé par décret la dissolution "de toutes les institutions gouvernementales (...) au 1er janvier 2024" et qu'en conséquence, "la République du Haut-Karabagh" cessait "son existence".

• Pourquoi tant de personnes fuient-elles?

Depuis le début de l'offensive, 100.417 personnes, soit plus de 80% des 120.000 habitants du Haut-Karabagh, se sont réfugiées en Arménie, a affirmé ce samedi Nazeli Baghdassarian, la porte-parole du Premier ministre. Les autorités azerbaïdjanaises se sont engagées à permettre aux séparatistes qui rendraient leurs armes de partir.

Elles ont cependant arrêté mercredi l'homme d'affaires Ruben Vardanyan, qui a dirigé le gouvernement séparatiste de l'enclave de novembre 2022 à février 2023, alors qu'il tentait de rejoindre l'Arménie.

Dans leur fuite sur l'unique route montagneuse reliant le territoire à l'Arménie, au moins 170 habitants ont par ailleurs péri dans l'explosion lundi d'un dépôt de carburant, selon un nouveau bilan communiqué vendredi par la police des forces séparatistes.

• Les Arméniens peuvent-ils rester sur place?

À ceux qui ont décidé de rester sur place, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a promis que les droits des Arméniens de l'enclave seraient "garantis". Devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, l'ambassadeur arménien a accusé l'Azerbaïdjan de mener un "nettoyage ethnique" et de commettre un "crime contre l'humanité".

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a assuré en réponse que "les habitants arméniens quittent le Karabakh de leur plein gré". Il les a appelés à "ne pas quitter leurs maisons" et à "faire partie de sa société multiethnique".

Une perspective difficilement envisageable pour beaucoup. "Personne ne croit en la possibilité de cohabitation des deux communautés. Ni les Arméniens, ni les Azéris ne sont préparés à cette option", a estimé auprès de l'AFP Bayram Balci, chercheur à Sciences Po spécialiste du Caucase.

• Quelle aide internationale?

Seule une minorité des nouveaux arrivants a pu trouver un toit grâce au gouvernement arménien, qui ne "pourra pas y arriver sans aide étrangère", selon l'analyste politique Boris Navasardian, interrogé par l'AFP.

Les États-Unis, qui avaient annoncé une aide humanitaire de 11,5 millions de dollars (10,9 millions d'euros) plus tôt dans la semaine, ont confirmé jeudi l'envoi d'une équipe pour coordonner le soutien humanitaire.

Mercredi, la France a annoncé "une aide financière supplémentaire de 7 millions d’euros destinée aux ONG, aux agences des Nations unies et au mouvement de la Croix-Rouge en Arménie pour l’accueil et la prise en charge sociale, médicale et financière de ces populations". Elle s'ajoute aux 5,5 millions d’euros déjà alloués par la France depuis le début de l’année 2023, a précisé le ministère des Affaires étrangères dans son communiqué.

Article original publié sur BFMTV.com