TOUT COMPRENDRE - En Birmanie, des groupes ethniques ont lancé une offensive contre la junte militaire

La junte militaire, au pouvoir en Birmanie, est bousculée depuis la fin du mois d'octobre. Trois groupes ethniques minoritaires ont coordonné une attaque contre le pouvoir militaire central. Cette offensive est considérée comme la plus importante par ces groupes rebelles depuis le coup d'État et l'éviction d’Aung San Suu Kyi en 2021.

• Où sont menés les combats?

L'Armée de libération nationale Taaung (TNLA), l'Armée d'Arakan (AA) et l'Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) ont attaqué la junte militaire le 27 octobre dernier dans le nord de l'État Shan, près de la frontière avec la Chine.

L'armée affirme qu'ils ont utilisé des "centaines de drones" pour bombarder leurs positions. Et qu'ils se sont emparés de villes, de villages et ont pris le contrôle de routes commerciales vitales reliant le pays à la Chine.

Après s'être étendus à l'État Kayah (est) près de la Thaïlande, les combats touchent désormais l'État Rakhine dans l'ouest du pays. Les combattants de l'Armée d'Arakan (AA, Arakan étant l'ancien nom de Rakhine) ont lancé une offensive en début de semaine rompant la trêve jusqu'à alors en vigueur.

L'État Rakhine abrite environ un million de personnes appartenant à l'ethnie apatride Rohingya, majoritairement musulmane, qui a été victime en 2017 d'une campagne de répression par l'armée birmane. Cette dernière fait d'ailleurs l'objet d'une plainte pour "actes de génocide" auprès de la Cour internationale de justice (CIJ).

Ce jeudi 16 novembre a été marqué par une riposte de la part de la junte birmane qui a bombardé une ville de l'État Rakhine, passée sous le contrôle de ses adversaires.

• Quel est le bilan humain jusqu'ici?

Au moins 75 civils, dont des enfants, ont été tués et 94 personnes ont été blessées, a indiqué ce mercredi le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (UNOCHA) dans un communiqué. Plus de 200.000 personnes ont été déplacées "de force" par les combats depuis le 14 novembre, a ajouté l'UNOCHA.

Certains civils du nord de la Birmanie se sont réfugiés en Chine, où ils ont été relogés par les autorités, a annoncé ce jeudi le ministère chinois des Affaires étrangères. Sa porte-parole, Mao Ning, n'a pas précisé combien d'entre eux ont franchi la frontière.

• Quelle est la cause de ce conflit?

Les tensions entre le gouvernement central et les groupes ethniques remontent bien avant l'arrivée de la junte au pouvoir en 2021.

Les régions frontalières de la Birmanie sont le théâtre depuis des décennies d'affrontements pour le contrôle des richesses naturelles et des ressources liées à des trafics allant de la drogue aux casinos en passant par les arnaques en ligne.

L’État Shan où ont éclaté les combats à la fin du mois d'octobre "est l’épicentre de la production de méthamphétamines en Asie du Sud-Est et de l’Est", note Ouest-France. Une route par laquelle transite plus d’un quart des échanges entre la Birmanie et la Chine le traverse également.

Les revendications d'autonomie politique et de reconnaissance d'identité ethnique font également l'objet de dissensions.

Dans l'État de Rakhine, les combattants de l'AA se battent depuis des années pour l'autonomie de leur région qui abrite l'ethnie Rohingya, considérée comme apatrides par l'État birman depuis 1982.

• Quelles sont les réactions internationales?

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres est "profondément inquiet de l'expansion du conflit" en Birmanie dans une vaste région du pays, a indiqué ce mercredi son porte-parole, Stéphane Dujarric.

La Chine, frontalière d'une des zones principales de combats, se sent quant à elle particulièrement concernée. "Nous suivons de près le conflit dans le nord du Myanmar. Nous exhortons vivement les parties concernées à cesser immédiatement les combats et à assurer la sécurité à la frontière sino-birmane", a déclaré Wang Wenbin, porte-parole de la diplomatie chinois lors d'une conférence de presse le 10 novembre dernier.

Outre sa proximité géographique, les deux pays sont extrêmement proches depuis "plusieurs décennies", explique Emmanuel Véron, spécialiste de la Chine contemporaine et enseignant-chercheur associé à l’Inalco, à 20Minutes.

"La Birmanie est quasiment un Etat satellite de la Chine. Presque entièrement entre ses mains", ajoute-t-il.

Pékin y voit aussi des intérêts économiques: l'État Shan se trouve sur le chemin des "nouvelles routes de la soie".

Article original publié sur BFMTV.com