“Compliqué d’être sereins”: les escrimeurs français préparent leurs Jeux malgré les turbulences

Ils paraissent détendus, arborent de grands sourires. Ce mardi à l’Insep, les escrimeurs français continuent de préparer leurs Jeux olympiques, à 45 jours de la cérémonie d’ouverture. Rien, si ce n’est le rideau qui protège l’entraînement des épéistes des regards extérieurs, ne laisse entrevoir les turbulences incessantes que traverse l’escrime française depuis le début de saison.

Pourtant, elles perturbent la préparation des Bleus depuis des mois. “C’est quelque chose qui a pris de l’ampleur ces derniers jours, mais c’est de longue date”, regrette Romain Cannone. Champion olympique en 2021, l’épéiste a ouvertement contesté la non-sélection d’Alexandre Bardenet, pourtant troisième meilleur Français dans cette spécialité.

“D’une certaine manière, je pense que c’est injuste. C’est un choix de commission, on ne sait pas trop sur quoi il est basé… Avec l’équipe actuelle on peut faire une médaille, mais est-ce qu’on est serein? C’est un peu compliqué”, continue le natif des Hauts-de-Seine.

Avec l’absence d’Alexandre Bardenet, Romain Cannone perd un de ses “meilleurs amis” aux Jeux. Une décision qui passe mal, après une saison déjà perturbée par des tensions internes. En février dernier, l’entraîneur de l’épée Hugues Obry avait démissionné. Côté sabre masculin, le manager général Alain Coicaud a quitté le navire à la fin du mois dernier, à deux mois des JO.

"Des gens vous mettent des bâtons dans les roues"

“Ça nous a impacté, ce serait mentir de dire que non, on a été victime d’énormément d’actualité”, se désole Sébastien Patrice, membre de l’équipe, qui décrit une ambiance pesante cette saison. “C’est comme quand vous essayez de faire votre travail, et que des gens censés être avec vous vous mettent des bâtons dans les roues”, dépeint l’athlète de 24 ans.

Comme Romain Cannone ou Yannick Borel en épée, Sébastien Patrice a pris ses distances avec l’Insep cette saison, à l’image des trois autres français sélectionnés au sabre pour Paris 2024. “Les trois-quarts de l'équipe s'entraînent dans la même structure, on a une certaine cohésion de groupe. On est passé par tant de choses cette année que ça nous a soudé”, rassure-t-il.

Mais même chez les féminines, impossible d’ignorer les différentes polémiques qui ont rythmé la saison des confrères. “On est impactés, ce sont des collègues. Il y a une forme de tristesse et de compassion, on a envie d’aider”, compatit Cecilia Berder, spécialiste du sabre. “Ce n’est pas facile de voir tout ce qui se passe, des situations difficiles à vivre. On peut rapidement être affectée par tout ça mais il ne faut pas l’être. Il faut prendre du recul”, ajoute Sara Balzer, numéro 1 mondiale de la discipline.

Prendre du recul, rester concentré, car au bout il y a l’objectif des Jeux à la maison. “En tant qu’équipe et que coéquipiers, on reste solidaires. En interne le jour de la compétition on communique beaucoup et on est focalisés sur notre objectif”, promet l’épéiste Yannick Borel.

Ysaora Thibus de retour à l’Insep

Cet objectif, c’est que chaque équipe rapporte une médaille selon la présidente de la fédération française d'escrime, Brigitte Saint-Bonnet. Pour le directeur technique national, Jean-Yves Robin, un total de 8 médailles serait “honorable” cet été. Il préfère voir le verre à moitié plein. “Des problématiques fédérales il y en a toujours eu. Ça ne s'est jamais fait dans le calme et la sérénité. D’ailleurs quand on est trop calme, on n'est jamais trop bon. Si on doit être performant par rapport au tumulte dans notre fédération, on va être très performant”, ironise-t-il.

Un motif de satisfaction pour lui ces derniers mois: le retour d’Ysaora Thibus. Suspendue provisoirement en février après un contrôle antidopage anormal, la fleurettiste devrait bien pouvoir participer aux Jeux. Sa reprise des entraînements, et sa future participation aux Championnats d’Europe du 18 au 24 juin à Bâle avec le reste des équipes, booste forcément le moral des troupes. “Ça fait 15 jours qu’elle pratique tous les jours des petits matchs. Elle revient très vite au niveau où elle était avant sa suspension. Elle sera prête”, conclut l’entraîneur Yann Detienne.

A Tokyo il y a deux ans, les escrimeurs français avaient décroché 5 médailles, dont deux en or. Une petite partie des 123 médailles rapportées par l’escrime tricolore dans son histoire, soit plus de podiums bleus que dans n’importe quel autre sport.

Article original publié sur RMC Sport