Le combat d'une Israélo-Américaine, mère d’otage et célébrité malgré elle

L'Israélienne Rachel Goldberg-Polin, devant un porrait de son fils Hersh, otage du Hamas, le 29 mai 2024 à Jérusalem (Ahikam SERI)
L'Israélienne Rachel Goldberg-Polin, devant un porrait de son fils Hersh, otage du Hamas, le 29 mai 2024 à Jérusalem (Ahikam SERI)

Au-dessus du coeur, Rachel Goldberg-Polin porte le numéro 236 épinglé sur son haut bleu quand cette Israélo-Américaine reçoit ce mercredi l'AFP dans son bureau à Jérusalem. Autant de jours passés par son fils à Gaza où il est retenu en otage après avoir été enlevé par le Hamas.

A l'entrée, un drapeau israélien côtoie une bannière "Ramenez Hersh à la maison", en anglais et en hébreu avec un dessin du visage de son aîné de 23 ans.

A 54 ans, la native de Chicago, à l'émotion contenue, martèle porter ce numéro, qui augmente chaque jour, comme un "emblème" de sa "souffrance", "un symbole de l'échec de tous" pour libérer les 125 otages retenus dans la bande de Gaza, dont 121 enlevés le 7 octobre, parmi lesquels 37 sont morts selon Israël.

Interrogée sur la volonté politique de les ramener en Israël, elle renvoie: "Vouloir et faire sont deux choses très différentes."

"C'est une honte pour l'espèce humaine de ne pas avoir réussi (à) sauver" ces otages, originaires d'une dizaine de pays et de différentes confessions, ajoute cette petite femme toute menue, installée à Jérusalem avec son mari et leurs trois enfants depuis leur arrivée des Etats-Unis en 2008.

Depuis le 7 octobre et l'attaque du Hamas qui a entraîné la mort de 1.189 personnes du côté israélien, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles, Mme Goldberg-Polin n'a pas fait de sport, ni écouté de musique ni mangé de sucre.

De sa voix douce, elle compare la peine "indescriptible" des familles d'otages à un "camion" qui les a tous renversés. "Le camion continue à me rouler dessus au moment où je vous parle", ajoute la quinquagénaire.

Le 7 octobre, 252 otages ont été emmenées à Gaza. Lors de la trêve fin novembre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien, 105 ont été libérés. Pas son fils. Alors la foi l'aide à tenir.

- Prière quotidienne -

"Je prie, tous les jours, et pour moi c'est une forme de méditation, de thérapie", dit cette juive pratiquante qui travaillait avant le 7 octobre dans le secteur de la santé mentale et n'a "pas (d'autre) choix" que de "garder espoir".

"Sinon je ne pourrais pas sortir du lit", dit celle qui, sous somnifères, parvient à dormir quatre heures par nuit.

Ses filles de 18 et 20 ans aussi la maintiennent debout: "Elles doivent souvent être maternelles avec moi, je me sens mal car c'est mon job de l'être."

Fin avril, Hersh Goldberg-Polin est apparu sur une vidéo non datée du Hamas, une preuve de vie qui a bouleversé ses parents.

La dernière fois que sa mère l'a vu, le vendredi 6 octobre 2023, la famille est allée à la synagogue, puis à un dîner de shabbat chez des amis.

Vers 23H00, le jeune homme, rentré en septembre d'un long voyage en Europe, veut aller camper. Avec son ami Aner Shapira, ils se rendent au festival de musique electro Nova, à la lisière de la bande de Gaza. Sa mère ne le sait pas.

Au petit matin du 7, défiant l'interdit du shabbat, Mme Goldberg-Polin allume son téléphone: "Question de vie ou de mort". Le premier message de son fils lui dit "je t'aime". Le second: "Je suis désolé." Pendant 36 heures, la famille pense qu'il est mort.

- "Reste fort, survis" -

Ensuite, ils apprennent son enlèvement, son avant-bras gauche arraché. Aner Shapira, lui, est tué en héros par une grenade du Hamas, après en avoir renvoyé sept.

Rachel Goldberg-Polin devient célèbre, parle devant l'ONU, rencontre le pape. La semaine dernière, elle s'est entretenue avec Joe Biden, le président américain, "très ému", selon elle.

Quand elle s'adresse à son fils dans ses pensées, elle lui dit toujours, comme un leitmotiv: "Je t'aime, reste fort, survis."

En avril, elle est propulsée par le magazine américain Time comme une des 100 personnalités les plus influentes de 2024.

"C'était clair immédiatement que je ne faisais pas partie de cette liste", nuance-t-elle, un choix symbolique, d'après elle, pour parler des otages et "attirer l'attention sur cette crise humanitaire mondiale".

Un autre drame se déroule dans la bande de Gaza, où plus de 36.200 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre dans les bombardements et les opérations militaires de l'armée israélienne, selon le ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas.

Rachel Goldberg-Polin affirme avoir "depuis le tout début" dit qu'elle était "profondément inquiète" pour "tout civil innocent touché", dont les "centaines de milliers d'innocents à Gaza".

"Ce n'est pas une compétition de la douleur", implore-t-elle.

Pour elle, la célébrité est "terriblement difficile à vivre". "En général les gens m'arrêtent et ils se mettent à pleurer", dit-elle, très émue: "Je prie pour qu'arrive le jour où, en me voyant, les gens, sourient".

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