Colonna se rend en Arménie et Azerbaïdjan, en pleine tension entre les deux pays

Catherine Colonna se rend en Arménie et Azerbaidjan, en pleine tensions entre les deux pays
Catherine Colonna se rend en Arménie et Azerbaidjan, en pleine tensions entre les deux pays

DIPLOMATIE - La ministre française des Affaires étrangères se rend cette semaine en Azerbaïdjan et en Arménie au moment où de fortes tensions entre Bakou et Erevan font redouter un nouveau conflit dans cette région au sud de la Russie.

Catherine Colonna arrivera ce mercredi 26 avril et achèvera sa tournée vendredi à Tbilissi en Géorgie, pays qui comme l’Ukraine et la Moldavie, a demandé son adhésion à l’Union européenne peu après l’invasion russe de l’Ukraine.

« J’effectue ce déplacement important dans le cadre des efforts de la France pour faire baisser les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce qui est indispensable après les affrontements récurrents des derniers mois », a souligné la ministre auprès de l’AFP.

Conflit autour du Nagorny Karabakh

Les deux ex-républiques soviétiques sont en conflit depuis une trentaine d’années pour le contrôle de l’enclave du Nagorny Karabakh, région majoritairement peuplée d’Arméniens ayant fait sécession de Bakou à l’effondrement de l’Union soviétique.

L’Arménie avait remporté la première guerre en 1994, l’Azerbaïdjan la seconde en 2020.

Le cessez-le-feu parrainé par la Russie n’a toutefois pas abouti à un traité de paix. Et, malgré le déploiement de soldats de la paix russes, des échauffourées meurtrières au Nagorny Karabakh ou à la frontière entre les deux pays continuent d’éclater périodiquement.

Un « signal positif »

La tournée régionale de Catherine Colonna est « un signal positif », estime Leyla Abdullayeva, ambassadrice de la république d’Azerbaïdjan à Paris, se disant « plutôt confiante sur les discussions bilatérales ».

La diplomate redoute néanmoins que la ministre n’adresse un message public favorable à l’Arménie depuis Erevan, pour ménager l’importante communauté arménienne de France.

Le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a récemment vertement critiqué Paris, l’exhortant « à s’abstenir » de faire des déclarations de soutien à l’Arménie.

Erevan accuse Bakou de vouloir procéder à un « nettoyage ethnique » au Karabakh en forçant les Arméniens à quitter ce territoire coupé du monde en raison du blocage du couloir de Latchine, unique axe d’approvisionnement.

Bakou réfute le terme de blocage. Accusant les Arméniens d’avoir utilisé Latchine à des fins autres qu’humanitaires, ils ont installé ce week-end un checkpoint à l’entrée du couloir, ce que Paris a « déploré », soulignant que cela « contrevient aux engagements pris dans le cadre des accords de cessez-le-feu et porte préjudice au processus de négociation ».

« Établir une paix juste et durable »

Erevan affirme de son côté que les Azerbaïdjanais qui coupent l’accès au couloir de Latchine et se présentent comme des militants écologistes voulant protester contre les mines illégales dans la région, sont en réalité manipulés par Bakou à des fins politiques.

« Auprès des deux pays, je marquerai notre détermination à travailler pour la stabilité de la région, la réouverture immédiate du corridor de Latchine, conformément à la décision de la Cour internationale de justice, et le rétablissement des conditions d’une reprise des négociations » pour un traité de paix, explique Catherine Colonna.

Pour Hasmik Tolmajian, ambassadrice d’Arménie en France, la visite de la ministre française « sera un message fort de solidarité » de Paris.

En outre, la France a « la capacité et la responsabilité de jouer un rôle de premier plan pour contribuer à établir une paix juste et durable », dit-elle, rappelant qu’elle dispose d’un « mandat international, en tant que Coprésident du Groupe de Minsk de l’OSCE, tout comme la Russie et les États-Unis, pour parvenir à une solution pacifique ».

Reconnaître l’intégrité territoriale

La semaine dernière, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a souligné qu’un traité de paix « deviendra réalité si les deux parties reconnaissent (...) sans ambiguïté, ni piège, l’intégrité territoriale de l’un et de l’autre et s’entendent pour ne pas avoir à l’avenir de prétentions territoriales ». En signe de bonne volonté, Erevan confirmait reconnaître « entièrement l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan » tout en attendant que Bakou « fasse de même ».

Pour Taline Ter Minassian, professeur d’histoire contemporaine spécialiste de la Russie et du Caucase, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, est en position de force grâce à sa « supériorité économique » et « sa capacité à être une plateforme de contournement d’approvisionnement en gaz par rapport à la Russie ».

En juillet dernier, lors de la signature, à Bakou, d’un accord pour doubler les livraisons annuelles de gaz à l’Union européenne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait loué « un partenaire fiable » disposant d’un « énorme potentiel d’énergie renouvelable ».

Une initiative qui va « irriter » la Russie ?

L’Arménie, « totalement enclavée », est, elle, « prise entre sa position d’alliée » de Moscou et ses velléités d’« ouverture avec l’Europe », observe Taline Ter Minassian.

Aux côtés de Paris, Washington s’active pour parvenir à un traité de paix. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a multiplié depuis septembre réunions et entretiens téléphoniques avec les deux parties.

Taline Ter Minassian doute pourtant de la capacité des Occidentaux à instaurer la paix.

« Je crains fort que toute tentative n’irrite l’autre puissance, la Russie, qui se veut la puissance traditionnelle dans la région », dit-elle.

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