Colère des agriculteurs : quand l’industrie agroalimentaire et la grande distribution se gavent

Derrière la gronde des agriculteurs se cache la défaillance du système alimentaire, alimentée par les industriels agroalimentaires et la grande distribution.

Les associations demandent plus de transparence de la part des industriels et de la grande distribution, ainsi que la levée de l’opacité sur les marges et les prix (crédit : getty image)
Les associations demandent plus de transparence de la part des industriels et de la grande distribution, ainsi que la levée de l’opacité sur les marges et les prix (crédit : getty image)

D’un côté, des agriculteurs en colère contraints de vendre leur production à petit prix. Près d’un ménage agricole sur cinq vit ainsi sous le seuil de pauvreté, selon une étude de l’Insee de 2021. De l’autre, des consommateurs contraints d’acheter des produits toujours plus cher. Un peu moins d’un Français sur trois déclare avoir déjà renoncé à acheter des aliments et produits alimentaires par manque d’argent, selon une étude de Famille rurales. Entre les deux, des industriels et des acteurs de la grande distribution qui continuent d’engranger d’importants bénéfices.

"Aujourd’hui, on préfère parler des normes environnementales et de la responsabilité des consommateurs que des marges opaques et des profits indécents des géants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, dénonce Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch. C’est irresponsable et ça ne fait que détourner l’attention des vrais problèmes.”

Les marges appliquées sont difficiles à estimer tant le système est opaque. Cependant, la marge brute de l’industrie agroalimentaire est passée de 28 à 48% entre fin 2021 et le deuxième trimestre de 2023, note un communiqué de l’UFC Que Choisir, Foodwatch, la CLCV et Familles rurales. Soit un niveau historique. Comment en est-on arrivé là ?

L’opacité de la construction des prix

Ces profits ont été rendus possibles grâce à la construction des prix. "On parle beaucoup trop peu du rôle des industriels agroalimentaires, notamment des 70 plus gros, et de la grande distribution qui, dans la construction des prix, prennent des marges, explique Karine Jacquemart. Sauf qu’ils ne sont pas transparents. Et tant qu’ils peuvent se cacher et dire que ce n’est pas eux qui contribuent à l’inflation, ils continueront."

Dans les faits, lorsqu’un industriel remporte un marché, il discute du prix avec une enseigne de grande distribution du prix. Le système étant opaque, il est difficile de savoir comment se déroulent les négociations. Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation à l’UFC-Que choisir, explique à Actu.fr que les marges sont essentiellement faites sur les marques des distributeurs et les petites marques nationales dont les prix sont plus difficiles à comparer pour les consommateurs.

Une mainmise sur le marché

Autre problème pointé par Foodwatch : la mainmise des industriels et de la grande distribution sur le marché. "Six distributeurs contrôlent 90% du marché et plus de 60% des dépenses alimentaires. Leur influence est énorme. C’est eux qui décident de ce qu'ils mettent dans les rayons et à quel prix. En toute impunité", ajoute Karine Jacquemart. Cette mainmise leur permet également d’imposer leurs conditions aux agriculteurs.

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Outre le renforcement des contrôles de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) pour assurer l’application des lois Egalim, censées assurer un prix juste de rémunération, les associations demandent plus de transparence et la levée de l’opacité sur les marges et les prix. "L’État n’est pas dans la salle des négociations. On ne s’en sortira pas tant que l’on ne s'attaquera pas aux racines de ce système à la dérive", estime Foodwatch qui appelle le gouvernement à désarmer les distributeurs et l’industrie agroalimentaire. Une pétition en ce sens est en ligne.

VIDÉO - Colère des agriculteurs : la grande distribution dans le viseur des manifestants