Coalition, blocage, NFP au pouvoir… Un spécialiste nous aider à y voir plus clair sur l’après-législatives

Le Nouveau Front populaire peut-il gouverner ? Si oui, sur quelle base et avec qui ?
EMMANUEL DUNAND / AFP Le Nouveau Front populaire peut-il gouverner ? Si oui, sur quelle base et avec qui ?

POLITIQUE - Flou et incertitude. Les résultats des élections législatives ont plongé le pays dans l’inconnu. Le gouvernement est sur le départ, mais aucun nom de Premier ministre potentiel n’émerge et surtout aucune majorité ne semble se dégager. Qui pour gouverner la France dans les prochaines semaines ?

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Le simple fait de poser cette question montre toute l’étendue du vertige. Seule une coalition des forces républicaines dont l’équilibre serait au centre gauche peut permettre au pays de sortir de l’enlisement, estime le directeur de Terra Nova Thierry Pech dans une interview au HuffPost.

Le HuffPost. La gauche revendique la victoire. La majorité dit que personne n’a gagné. Qui a raison ?

Il y a un bloc qui est arrivé en tête, le Nouveau Front populaire, mais qui demeure très loin de la majorité absolue. Les deux autres blocs sont arrivés encore plus loin. Si gagner signifie arriver en tête, c’est le NFP qui a gagné. Si gagner signifie disposer d’un mandat pour appliquer une politique, personne n’a gagné. Le seul mandat qui pourrait être tiré de l’élection de dimanche, c’est un gouvernement d’union républicaine le plus large possible.

Une telle hypothèse de gouvernement large est-elle crédible ?

En souscrivant à la logique d’un large front républicain, ce que les Français ont demandé à leurs représentants, c’est de former une coalition républicaine. Et pour cela de faire eux-mêmes l’effort que des millions de concitoyens ont consenti en votant pour des candidats qui n’étaient pas leurs candidats préférés. N’oublions pas que beaucoup de députés ont été élus dimanche avec des voix de leurs adversaires. L’élection s’est transformée en référendum dont la question implicite était : « Voulez-vous un gouvernement RN ? » Les Français ont répondu non, mais, ce faisant, ils ont d’une certaine façon dit oui à un gouvernement d’union républicaine. Politiquement, une coalition est très difficile à mettre en place, car c’est très étranger à notre culture politique. Mais c’est la seule option qui soit conforme au message des urnes.

Pour construire une nouvelle majorité, il faudra probablement partir des propositions du NFP parce que c’est lui qui est arrivé en tête.

La gauche est-elle en mesure de gouverner seule, à 100 députés de la majorité absolue ?

Si la gauche forme seule un gouvernement, elle sera vite confrontée à la nécessité de proposer un budget pour 2025. Si un gouvernement du NFP venait à proposer un budget conforme à son programme, c’est-à-dire avec des augmentations d’impôts et de dépenses significatives, il est probable que de nombreux députés des formations opposées disent non. Le gouvernement pourrait alors recourir à l’article 49.3 ; la Constitution le permet pour tous les textes budgétaires. Mais il y a alors de fortes chances pour qu’une motion de censure soit déposée et qu’elle recueille les 289 signatures nécessaires pour être adoptée. Ainsi, un gouvernement minoritaire serait renversé à brève échéance. Je ne pense pas que le NFP souhaite gouverner de façon éphémère. Il faut donc trouver de nouveaux alliés à l’Assemblée. C’est arithmétique. Il est difficile de croire qu’un gouvernement dont la base est aussi étroite puisse ne pas être renversé.

Emmanuel Macron peut-il faire comme si de rien n’était et maintenir son gouvernement ?

Le pouvoir du Président est indexé sur le nombre de députés susceptibles de soutenir sa politique à l’Assemblée. Dans une démocratie parlementaire comme la nôtre, le pouvoir a toujours été à l’Assemblée. Et en l’occurrence, Emmanuel Macron n’a quasiment plus aucun pouvoir. En revanche, pour construire une nouvelle majorité, il faudra probablement partir des propositions du NFP parce que c’est lui qui est arrivé en tête.

Macron est très affaibli : il ne pourra pas se représenter et les urnes lui ont infligé, à deux reprises, une défaite cinglante.

Avec ses 60 députés, certains chez LR revendiquent Matignon. Est-ce fondé ?

Cette option d’une coalition entre la droite républicaine et le bloc central atterrit à un niveau inférieur à l’option d’une coalition entre le NFP et le centre. Et donc elle est encore plus fragile. Cette coalition ne pourrait pas survivre plus de quelques semaines, sauf à imaginer un soutien sans participation du RN. Mais ce serait une trahison de ce qui s’est passé dans les urnes dimanche.

L’unité du camp présidentiel est-elle fissurée ? Peut-on assister au morcellement du camp présidentiel, avec une réactivation du clivage gauche/droite ?

La cohésion du bloc central est fragile, plus fragile encore que celle du NFP, qui s’est pourtant constitué dans l’urgence. Le bloc central est travaillé par une résurgence du clivage gauche/droite. Cette résurgence est due au fait que ce bloc tenait essentiellement par la personnalité du Président de la République et la confiance que lui avaient accordée les Français. Ce personnage est désormais très affaibli, d’abord parce qu’il ne pourra pas se représenter, ensuite parce que les urnes lui ont infligé, à deux reprises, une défaite cinglante.

Combien de temps va-t-on rester dans le flou ?

Il y a une échéance : le 18 juillet. Les députés vont devoir élire le ou la Président(e) de l’Assemblée nationale et son bureau. On connaîtra dès lors la géographie des groupes et l’équilibre des forces en présence. Peut-être qu’à partir de là des négociations plus sérieuses pourront s’engager. En revanche, si on en reste aux postures actuelles, on va vers quelque chose de beaucoup plus chaotique. Ce risque d’un pays ingouvernable, et dont le Parlement ne parvient même pas à donner un budget à la nation, est très réel.

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