Le coût de l’exemplarité

Vivre selon ses principes peut coûter cher. Pour Gianluca Grimalda, le prix à payer est la perte de son emploi. Le chercheur en psychologie sociale a été licencié par l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale, en Allemagne, parce qu’il refusait de prendre l’avion.

Un refus parfaitement cohérent. L’Italien de 51 ans vient de passer six mois à Bougainville, l’une des îles Salomon, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, pour étudier les conséquences de la mondialisation et du dérèglement climatique sur les populations. Ce membre du collectif Scientist Rebellion, “qui évite de prendre l’avion depuis plus de dix ans, avait promis aux personnes qu’il a côtoyées pendant son enquête de terrain – parmi lesquelles [des réfugiés climatiques] déplacés à cause de la montée des eaux – de minimiser l’empreinte carbone de son trajet retour”, raconte The Guardian.

À l’époque, son employeur était d’accord. Mais lorsque, en raison de diverses péripéties, le séjour à Bougainville s’est prolongé de sept semaines, l’Institut a perdu patience. Le 27 septembre, il a sommé Gianluca Grimalda d’être à Kiel cinq jours plus tard. Obéir signifiait prendre l’avion – et émettre 5,3 tonnes de CO2, au lieu de 420 kilos, écrit le chercheur dans une tribune publiée par le Guardian. Plus que ce qu’un habitant des îles Salomon produit en un an. Cela aurait été d’autant plus absurde, ajoute-t-il, “qu’il n’y a rien dans [son] travail qu’[il] ne puisse faire pendant [son] voyage, rien”.

Gianluca Grimalda croit aux vertus de l’exemplarité. Il fait partie de ces scientifiques qui, en tant que tels, estiment avoir une responsabilité particulière dans la prise en compte du dérèglement climatique. “Faire ce que l’on dit est important”, écrit-il encore. Et “une étude montre que les climatologues qui s’efforcent de réduire leur empreinte carbone sont plus convaincants que ceux qui n’essaient pas”.

C’est sur cette même étude que s’appuie Benjamin M. Sanderson, du Centre Cicero pour la recherche internationale sur le climat, à Oslo, pour critiquer le fonctionnement du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dans un article publié en mai par Nature. Le chercheur, qui, faute de visioconférence, avait été contraint de prendre l’avion quelques semaines plus tôt pour participer à une réunion de cet organisme à Bangkok, lui reproche son “hypocrisie climatique”. D’après lui, la voix du Giec porterait davantage s’il mesurait rigoureusement puis réduisait ses propres émissions de gaz à effet de serre. En toute transparence. “Quoi qu’en pensent certains climatologues, [cela] pourrait autant contribuer à l’efficacité du Giec que des démonstrations scientifiques solides et convaincantes”, conclut-il.

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