CNews assimile l’avortement à une « cause de mortalité », des députés saisissent l’Arcom

Le présentateur de l’émission dominicale de CNews « En quête d’esprit » Aymeric Pourbaix a présenté l’IVG comme « la première cause de mortalité dans le monde », devant le cancer ou le tabac.

Aymeric Pourbaix, présentateur d’« En quête d’esprit » sur CNews, a cité l’avortement comme « première cause de mortalité dans le monde » ce dimanche 25 février.
Aymeric Pourbaix, présentateur d’« En quête d’esprit » sur CNews, a cité l’avortement comme « première cause de mortalité dans le monde » ce dimanche 25 février.

POLITIQUE - CSignalé. La chaîne Cnews suscite une nouvelle polémique pour avoir assimilé l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à une cause de mortalité, au même titre que le cancer ou le tabac, ce dimanche 25 janvier au cours de l’émission En quête d’esprit. Un programme diffusé en partenariat avec France catholique, hebdomadaire également détenu par le groupe Bolloré.

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« En 2022, il y avait 234 300 avortements enregistrés en France. C’est aussi la première cause de mortalité dans le monde, selon l’institut Worldometer : 73 millions en 2022, soit 52 % des décès », a lancé le présentateur Aymeric Pourbaix, visuel à l’appui, dans une émission présentée comme liée au vote du Sénat, cette semaine, concernant l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

De quoi susciter la colère de nombreux responsables politiques. Pour eux, la chaîne – déjà épinglée à de multiples reprises pour sa vision particulière du pluralisme ou pour « manquement à l’honnêteté de l’information » – entretient à sa façon une forme de propagande anti-IVG.

Face à ce tollé, Laurence Ferrari, une des présentatrices vedettes de Cnews a présenté les excuses de la chaine, ce lundi en fin d’après-midi, en reconnaissant « une erreur qui n’aurait pas dû se produire. » Avant elle, Sonia Mabrouk avait de son côté pris publiquement ses distances avec les propos polémiques.

« Une volonté d’orienter le débat »

Il faut dire que les réactions sont vives, à gauche et dans le camp présidentiel. « CNews participe à la remise en question pernicieuse du droit des femmes à l’avortement en partageant ce type d’information viciée qui les accuse de meurtres », a ainsi fustigé la députée membre du groupe écologiste Sophie Taillé-Polian, en annonçant avoir « saisi l’Arcom. » « Toujours plus loin dans l’abject. Pour rappel le délit d’entrave à l’IVG est pénalement condamné en France », renchérit la présidente des députés insoumis Mathilde Panot, qui en appelle aussi au régulateur des médias.

Dans son courrier au président de l’Arcom que Le HuffPost a pu consulter, la cheffe des députés insoumis pointe un « un sérieux manquement à l’honnêteté de l’information », selon elle, puisque « la source citée, un travail réalisé par le site Worldometer, cite en réalité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimant le nombre d’avortements réalisés chaque année, sans faire aucune référence à la mortalité ».

Tout en rappelant la récente décision du Conseil d’État, qui enjoint l’Arcom à mieux contrôler la pluralité dans les médias, Mathilde Panot estime dans sa saisine que « la tonalité générale de l’émission » en question « semble indiquer qu’il ne s’agit pas là d’une erreur, mais d’une volonté d’orienter l’information. » « La plupart des personnes invitées pour évoquer le sujet du droit à l’IVG semblent être opposées à son inscription dans la Constitution, voire opposées à la liberté des femmes d’y avoir recours », écrit encore la députée du Val-de-Marne.

Argument pour la constitutionnalisation

Au cours de cette émission, la chaîne a également diffusé la Une de l’hebdomadaire France catholique. À savoir, un fœtus accompagné des titres suivants : « Avortement. La bataille de la vie. 14e semaine : Qui peut douter qu’il s’agit bien d’un petit homme ? » L’édito de ce numéro, intitulé « Où sont les fils ? » est d’ailleurs signé par Aymeric Pourbaix.

Emission « en quête d’esprit », sur Cnews dimanche 25 février
Emission « en quête d’esprit », sur Cnews dimanche 25 février

Au-delà de l’émoi provoqué par les propos tenus autour du plateau et les visuels diffusés à l’antenne, plusieurs élus estiment que la séquence illustre l’importance d’inscrire l’accès à l’IVG dans la Constitution, bien qu’aucun parti majeur ne prône ouvertement sa remise en cause.

« Pour toutes celles et ceux qui se demandent pourquoi il faut constitutionnaliser pour définitivement protéger l’IVG. Voilà pourquoi ! », écrit ainsi Sacha Houlié, le président macroniste de la commission des Lois à l’Assemblée sur les réseaux sociaux. « L’avortement doit partout être garanti. C’est une liberté fondamentale de chaque femme. Inscrivons-la dans la Constitution et protégeons-la », ajoute la ministre déléguée à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes Aurore Bergé.

De quoi convaincre les derniers réfractaires dans la classe politique ? Les sénateurs sont sommés de se prononcer mercredi sur la constitutionnalisation d’une « liberté garantie » à l’avortement, une des dernières étapes vers la possible modification du texte fondamental. Pour l’heure, la droite au Palais du Luxembourg reste sceptique sur la proposition du gouvernement.

VIDÉO - Droit à l'avortement dans la constitution : le feu vert des députés français