Climat : récompenser le stockage de CO2 ? Une bonne idée de l’UE pour la planète, mais à une condition

Les députés du Parlement européen ont validé un cadre commun pour certifier le captage du CO2, aussi bien dans les champs que dans les usines, ce mercredi 11 avril. Photo d’illustration.
Les députés du Parlement européen ont validé un cadre commun pour certifier le captage du CO2, aussi bien dans les champs que dans les usines, ce mercredi 11 avril. Photo d’illustration.

CLIMAT - Un texte moteur de la transition écologique qui flirte avec le greenwashing. Les députés du Parlement européen se sont félicités ce mercredi 10 avril d’avoir validé un cadre commun pour certifier le captage du CO2. Ce cadre doit permettre à l’avenir de rémunérer les agriculteurs mais aussi les usines qui font des efforts pour réduire leurs émissions du principal gaz à effet de serre responsable du changement climatique.

« J’attends avec impatience de voir se réaliser un avenir dans lequel ceux qui éliminent et stockent activement le carbone seront (financièrement) encouragés », s'est ainsi réjouie l’eurodéputée (PPE, droite) Lidia Pereira, rapporteure sur la proposition, après l’adoption du texte. Cependant, derrière l’idée de « capter du carbone » se cachent des procédés très divers, allant de la plantation d’une haie à l’installation d’un aspirateur géant.

Des revenus supplémentaires pour les agriculteurs

Cette nouvelle législation, qui doit encore être formellement adoptée par les Vingt-Sept, s’adresse tout d’abord aux agriculteurs. « Nous allons permettre aux agriculteurs de toucher plus d’argent lorsqu’ils stockent du carbone dans les prairies ou réduisent leurs émissions de méthane dans l’élevage, c’est cela aussi le Pacte Vert », a résumé dans un tweet Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement, et proche d’Emmanuel Macron.

Pour atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, l’UE a en effet tout intérêt à transformer son agriculture, qui représente son deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre.

Concrètement ce nouveau cadre permettra une récompense financière (dont le montant n’est pas précisé dans les 100 pages de la résolution) lorsqu’une haie est préservée ou des arbres plantés. Ce sont en effet en quelque sorte des aspirateurs naturels de CO2. Grâce à la photosynthèse, les arbres absorbent le dioxyde de carbone, ils s’en servent pour grandir, puis le stockent dans leur tronc, leurs branches et leurs racines.

L’UE prévoit également de récompenser les pratiques agroécologiques telles que l’absence de labours, les cultures de couverture, ou encore la réduction d’engrais, à condition qu’elles soient maintenues « au moins cinq ans ».

« Comme un pot d’échappement sur les cheminées d’usines »

Une autre partie du texte explore une solution bien différente pour le climat : les technologies captant le CO2 sur des sites industriels (sidérurgie, cimenterie…). « C’est l’idée de mettre un gros pot d’échappement sur les cheminées d’usines fortement émettrices, pour en récupérer le CO2, le mettre sous pression et l’enfouir dans le sous-sol, ou le réutiliser pour d’autres usages industriels », résume au HuffPost Pierre Gilbert, expert prospectiviste en matière de risques et d’adaptation climatique.

Dans le texte voté mercredi, l’UE prévoit de « soutenir les activités de recherche, d’innovation et de démonstration précoce de technologies industrielles novatrices d’absorption du CO2 ». Et c’est peu dire qu’il reste beaucoup à faire.

Malgré une cinquantaine d’années de recherche et développement, abondés par des financements généreux, ces technologies ne sont toujours pas au point. « Environ 80 % des projets pilotes de CCUS (Carbon Capture, Utilisation and Storage) menés au cours des 30 dernières années ont échoué », pointait en novembre un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement.

Elles sont souvent identifiées par les ONG, mais aussi par certains scientifiques, comme un moyen de faire du greenwashing. « Ces mécanismes ne permettent d’absorber qu’une partie très faible des émissions, de l’ordre d’un millionième », souffle auprès du HuffPost Jean Jouzel, éminent paléoclimatologue et membre du GIEC.

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