Classement des meilleurs lycées : pourquoi y a-t-il autant d'établissements privés aux premières places ?

Le ministère de l’Éducation nationale a publié une série d’indicateurs sur les résultats des établissements, dont découlent des classements où le privé règne.

"L'école Alsacienne" un des lycées privés les plus en vues à Paris / Gamma-Rapho via Getty Images
"L'école Alsacienne" un des lycées privés les plus en vues à Paris / Gamma-Rapho via Getty Images

À chaque média son classement, mais une tendance se dégage : les lycées privés se retrouvent souvent en tête. Ce mercredi, de nombreux sites d'information ont publié classements et palmarès des meilleurs lycées de France. Pour établir un classement, chacun des médias a retenu certains des critères fournis par le ministère de l'Éducation nationale : le taux de réussite au baccalauréat, le taux de mentions, le taux d'accès au baccalauréat selon qu'on est en Seconde, Première ou Terminale dans l'établissement ; mais aussi le taux de réussite attendu, étant donné les caractéristiques des élèves, pour chacun de ces indicateurs.

Chez BFMTV, 19 des 20 premiers établissements sont privés, ils sont 15 dans le Figaro Étudiant et 9 dans Le Parisien... "Il ne faut pas regarder que le pourcentage brut de réussite, où des établissements privés sont à 100%. Il faut notamment regarder le pourcentage d'élèves à être allé jusqu'au Bac dans leur lycée, car tous les établissements, y compris certains publics, n'aident pas tous leurs élèves à obtenir le bac. Dans le privé, un élève qui n'est pas bon en seconde est remercié, il n'y a pas d'effort pour le faire progresser, d'autres peuvent inciter à la fin de la Seconde à une réorientation vers une filière technologique, ce qui n'affecte pas les statistiques de réussite du lycée au bac général", nous éclaire Bruno Poucet, enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, pour expliquer la place prépondérante des établissements privés dans ces classements.

"Un renforcement de l'entre-soi"

Mais ce n'est pas la seule explication. "Depuis 20 ans, il y a un renforcement de l'entre-soi social dans un certain nombre d'établissements privés, dans lesquels les élèves sont socialement plus conformes à la réussite au baccalauréat".

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"La sélection par l'argent, avec les droits de scolarité, les frais de cantine, peuvent être parfois particulièrement élevés, et expliquent dans certains établissements la réussite du privé", poursuit le spécialiste, auteur de "La liberté sous contrat : une histoire de l'enseignement privé".

Paris truste les premières places

Autre élément marquant de ces classements, l'omniprésence d'établissements parisiens voire franciliens. Dans le classement de BFMTV, le premier lycée public hors Île-de-France, mis à part les lycées internationaux, est au-delà de la 100e place, et 82e dans le classement du Figaro.

"Paris est le miroir grossissant du renforcement de l'entre-soi, où il y a une exclusion des classes moyennes amorcée il y a vingt ans. Donc ce sont des enfants de gens qui ont des moyens financiers de rester dans la capitale", poursuit Bruno Poucet, qui pousse la remarque jusqu'aux lycées des grandes métropoles comme Bordeaux et Lyon.

Le succès des lycées publics internationaux

Une enquête de l'Insee relayée par le ministère de l'Enseignement supérieur relevait qu'en 2021, 69% des enfants d’ouvriers ou d’employés âgés de 20 à 24 ans avaient le baccalauréat, contre 90% des enfants de cadres ou de professions intermédiaires.

Autre élément marquant de ces classements, la place importante prise par des lycées publics internationaux dans les places d'honneur. Le lycée franco-allemand de Buc (Yvelines) est 18e du classement du Figaro et 33e de celui de BFMTV, le lycée international de Saint-Germain-en-Laye figure en 23e position du classement du quotidien et à la 25e place de celui de la chaine d'informations en continu, soit bien avant le premier lycée public hors-Île-de-France.

"Mieux vaut regarder la valeur ajoutée de l'établissement que le résultat brut"

"Par définition, ils sont élitistes car ils proposent de suivre les cours en deux langues : le français et une autre, durant les cours, qui ont lieu en partie en langue étrangère, c'est plus difficile qu'une scolarité 100% en français. Ce sont des enfants de diplomates, de milieux aisées, qui fréquentent ce type d'établissements", nous explique Bruno Poucet, qui invite surtout les parents à prendre en compte la valeur ajoutée de l'établissement sur les critères, plutôt que le résultat brut.

Cela peut refléter "un environnement favorable aux études ou une stabilité de l'équipe pédagogique, éléments qui favorisent la qualité de l'apprentissage". "Cette approche est indispensable pour différencier ce qui est dû à l’action de l’établissement de ce qui est dû aux caractéristiques et aux compétences qui ont été déjà développées par les élèves avant qu’ils y entrent", explique au Monde Magda Tomasini, à la tête de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.

"Si vous entrez à Louis le Grand, Henri IV ou d'autres lycées élitistes, vous êtes déjà sélectionné à l'entrée, donc l'entre-soi fait que l'établissement n'aura pas de valeur ajoutée voire une valeur ajoutée négative comparée au taux de réussite attendu", conclut Bruno Poucet.