Cioran : encore des lettres inédites à découvrir

Cioran dans sa mansarde de la rue de l’Odéon, à Paris, en 1982. - Credit:©Marion KALTER/Opale.photo
Cioran dans sa mansarde de la rue de l’Odéon, à Paris, en 1982. - Credit:©Marion KALTER/Opale.photo

C'était un bouddhiste qui méprisait la sagesse. Un mystique qui rôdait autour d'un Dieu absent. Un Neveu de Rameau qui se moquait de l'être et du néant. Tel était Emil Cioran le contradictoire, l'attachant, le métaphysicien toujours juché « sur les cimes du désespoir » et maniant l'aphorisme comme une dague… Il se trouve que c'est bien lui, soudain, qui ressuscite à travers une correspondance à laquelle, bien que misanthrope, il consacra beaucoup de temps – depuis sa folle jeunesse de Bucarest et de Berlin jusqu'à sa mansarde parisienne de la rue de l'Odéon. Les amateurs de mélancolie, de fureur, d'insomnie, de céphalée, de solitude et de grand style tiennent là un spécimen rare d'individu en querelle contre tout – et d'abord contre lui-même.

D'une manière générale, l'auteur de Syllogismes de l'amertume ne prétendait pas rivaliser avec des épistoliers de haut rang comme Voltaire, Mme Du Deffand ou Flaubert – mais dans chaque missive, contrairement aux lois de la conversation, il revendiquait « le droit de se plaindre, de se montrer misérable » tout en tenant à distance les individus dont la compagnie est inutile. On le découvre ainsi, au fil de ces 171 lettres inédites, tel qu'en lui-même : caricatural (« sur mon spermatozoïde, il était écrit malheur »), querelleur (avec les universitaires qui lui consacrent des thèses), respectueux (quand il s'adresse à Mauriac, Maurois, Beckett ou Paulhan), fraternel (avec son frère Aurel et Mircea Eliade), amoureux de la [...] Lire la suite