Chute des températures: le froid nous rend-il malade?

L'épisode de froid que doit connaître la France cette semaine, avec des températures maximales qui devraient à peine dépasser 0°C, est-il propice aux maladies? Le docteur Patricia Lefebure, médecin généraliste à Limay (Yvelines), entend chaque jour des patients lui expliquant être tombés malades après avoir "attrapé froid".

"Les gens me disent: 'je suis malade parce que je n’étais pas assez habillé' ou 'je suis sorti les cheveux mouillés hier'", explique-t-elle.

"Je leur explique que ce n’est pas le fait d’avoir froid, mais qu’il faut avoir été en contact avec un germe, une bactérie ou en général un virus, pour être malade. On pourrait être tout nu au Pôle Nord, on ne serait pas malade, on serait mort de froid mais pas malade", plaisante celle qui est devenue en juin dernier présidente de la Fédération des médecins de France (FMF).

"La température affecte les muqueuses"

Grippe, VRS, Covid, rhinovirus… Nous sommes en permanence en contact avec des virus, toute notre vie, encore plus quand on prend les transports en commun ou quand on a des enfants à l’école. La plupart du temps, nous nous en défendons en produisant des anticorps. En revanche, lorsque les températures chutent, ce mécanisme est perturbé:

"Le coup de froid peut en quelque sorte sidérer les défenses immunitaires et à ce moment-là, on laisse le virus avec lequel on est en contact se développer", nous détaille le docteur Lefebure.

Stéphane Paul, professeur d’immunologie au CHU de Saint-Étienne, confirme: "Les données scientifiques montrent que la température affecte les muqueuses, et en particulier la sphère nasopharyngée. Au niveau de ces muqueuses, plusieurs composantes affectent la réponse immunitaire. D’abord, le microbiote que l’on a au niveau du nez et des poumons notamment. Plus la température baisse, moins il est efficace."

Lorsque les températures baissent, ce microbiote est donc en moins bonne forme pour aider l’organisme à combattre les virus.

Avec le froid, la muqueuse du nez fonctionne moins bien. "Elle est moins imperméable aux agents pathogènes. Cela va faciliter l’entrée des virus", explique l’immunologiste également membre de la Commission technique des vaccinations de la Haute autorité de santé.

"Risque d’infection plus élevé"

C’est en quelque sorte notre adaptation au froid qui va augmenter notre vulnérabilité, comme nous l’explique le professeur Bruno Lina: "Quand on est dans une période de grand froid, notre havre respiratoire souffre, car il faut qu’il réchauffe l’air pour pouvoir l’amener à bonne température et faire des échanges gazeux au niveau des alvéoles pulmonaires."

"Ce réchauffement de l’air se fait par du transfert d’eau, ce qui va assécher les muqueuses et fragilise le mucus respiratoire qui est une structure protectrice. Le risque d’infection est donc plus élevé car les barrières non-spécifiques ne marchent plus très bien", estime le virologue, directeur du Centre national de référence des virus respiratoires de Lyon.

Les spécialistes mentionnent également un autre élément d’explication: le fonctionnement au ralenti de notre système immunitaire en présence du froid. "Là-dessus, nous avons beaucoup de données depuis 30 ans. On sait par exemple que les cellules macrophages, dont le rôle est de manger les bactéries pour les éliminer, ont tendance à moins bien migrer lorsqu’il fait froid", précise Stéphane Paul.

"Plus sensibles en début de saison"

Il y a enfin un élément indirect à prendre en considération: le froid contribue à une modification de nos comportements propice à l’infection. "Nous sommes plus à même d’être à l’intérieur, les uns à côté des autres, l’aération est moins bien respectée. Le portage du virus, soit via les postillons qui sont susceptibles d’intégrer directement votre fosse nasale, soit via des surfaces que vous allez toucher ensuite, est favorisé par le froid", note Vincent Enouf, responsable adjoint du Centre national de référence des virus respiratoires de l’Institut Pasteur.

Pour autant, il reste une bonne nouvelle selon l’immunologiste Stéphane Paul: cette vulnérabilité face aux basses températures s’estomperait progressivement, après une phase d’adaptation. "Les données dans la littérature montrent que l’organisme arrive à s’habituer à ces conditions de froid au bout de 3, 4 voire 6 semaines dans les modèles animaux, ensuite cela se remet à mieux marcher. C’est pour ça qu’en début de saison, nous sommes plus sensibles. C’est vrai dans le nez, mais aussi au niveau de l’intestin avec les gastros".

"Probiotiques, vitamines D et C"

Quant aux solutions pour se prémunir contre cette entrée facilitée des virus et bactéries lors de la chute des températures, pour Patricia Lefebure, pas besoin de s’automédiquer:

"Le corps est fait pour ça, il faut le laisser s’adapter, on reste dans un pays tempéré", justifie-t-elle.

Stéphane Paul, lui, évoque l’intérêt de renforcer son système immunitaire en début de saison. "Cela peut passer par des probiotiques pour renforcer le microbiote, en privilégiant les bactéries vivantes qui favorisent les interactions entre elles", explique-t-il. Le spécialiste mentionne également le rôle de la vitamine D et de la vitamine C, "car elles ont tendance à stimuler le fonctionnement de l’épithélium, c’est-à-dire de la membrane de cellules qui font barrière contre l’extérieur".

Article original publié sur BFMTV.com