Un ancien policier chinois raconte les horreurs infligées aux Ouïghours

Depuis 2016, des centaines de milliers, voire des millions, de Ouïghours ont été internés et parfois torturés dans des centres de détention, des camps de rééducation ou des prisons dans la province du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine. (AFP via Getty Images)

Un ancien inspecteur de police chinois désormais en exil a révélé des détails précis des violences commises par les autorités chinoises contre la communauté ouïghoure.

Il s'agit d'une énième preuve du système répressif chinois à l'encontre des Ouïghours. La chaîne de télévision américaine CNN a diffusé le témoignage d'un ancien commissaire de police qui détaille les méthodes d’interrogatoire utilisées durant ses missions au Xinjiang, cette province autonome chinoise où les Ouighours sont persécutés en masse.

Exilé en Europe et désormais "lanceur d'alerte" cet ex-policier chinois se présente sous le pseudonyme de "Jiang" et a parlé à la chaine américaine sous son masque, avec des lunettes de soleil et avec une voix modifiée afin d'éviter les représailles envers sa famille restée en Chine. Comme de nombreux autres policiers chinois, il a accepté de participer à des missions grassement payées au Xinjiang, dans le cadre d'une opération "Frapper fort contre le terrorisme" lancée en 2014

"Parfois, la police ordonnait aux prisonniers de violer un autre détenu"

Jiang raconte avoir participé à des rafles où plusieurs centaines de Ouïghours étaient violemment interpellés en pleine nuit, menottés puis cagoulés avant d'être interrogés et torturés. "Chacun utilisait des méthodes différentes. On leur donnait des coups de pied, on leur cognait la tête sur les radiateurs, on les battait jusqu'à ce qu’ils soient meurtris et gonflés, jusqu'à ce qu'ils s’agenouillent sur le sol en pleurant. Certains policiers utilisaient des barres de démolition ou des chaînes en fer avec des cadenas. Certains leur marchaient sur le visage en leur demandant d'avouer."

CNN évoque d'autres méthodes de torture auxquelles Jiang a assisté ou qu'il a lui-même fait subir comme la "chaise du tigre", qui consiste à immobiliser le détenu dans une situation inconfortable, la suspension des personnes au plafond, l'électrocution ou encore la torture par l'eau. "Parfois, la police ordonnait aux prisonniers de violer un autre détenu", ajoute-t-il.

Obligés d'avouer des actes terroristes non-commis

Les suspects étaient accusés d'infractions terroristes raconte Jiang, mais il pense qu'"aucun" des centaines de prisonniers qu'il a vu n'a commis de crime. "Ce sont des gens ordinaires", déclare-t-il. Les tortures ne s'achevaient que lorsque les membres de la communauté ouïghoure finissaient par avouer, probablement à tort, avoir participé à des activités terroristes. Ils étaient par la suite transférés dans un autre établissement comme une prison ou un camp d'internement ou de "rééducation", tenu par des gardiens de prison.

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Pour prouver la véracité de son témoignage, Jiang a montré à CNN son uniforme de police, des documents officiels, des photographies, des vidéos ainsi que des pièces d'identité de lorsqu'il était en Chine, dont la plupart ne peuvent pas être publiés pour protéger son identité. Ce témoignage fait également écho avec des précédents témoignages d'ancien détenus et ex-employés de centres de détention, de camps de rééducation ou de prison. Au mois de juin dernier, l'ONG Amnesty international a publié un dossier de 160 pages intitulé "Comme si nous étions des ennemis de guerre : l'internement de masse, la torture et la persécution des musulmans au Xinjiang".

Samedi 2 octobre, une manifestation en soutien aux Ouïghours organisée par l'institut ouïghour d'Europe a eu lieu à Paris, place de la Bastille, et a rassemblé près de 2000 personnes. Le député européen Raphaël Glucksmann a appelé Emmanuel Macron à "défendre la cause des Ouïghours" auprès de ses partenaires européens.

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