Chevaux tués et mutilés: comment travaillent les enquêteurs

Photo d'illustration  - FRANCK FIFE
Photo d'illustration - FRANCK FIFE

Aucune hypothèse n'est exclue, toutes les pistes sont envisagées. Cette formule, largement utilisée dans les affaires criminelles, est on ne peut plus adaptée à la situation à laquelle fait face à la justice depuis quelques semaines et la multiplication des enquêtes sur des chevaux, juments, poneys ou encore ânes tués et mutilés. Au total, une quinzaine d'enquêtes ont été ouvertes par différents parquets un peu partout en France.

Lundi, une jument a été découverte morte, l'oreille droite coupée, dans un champ près de Mauléon, dans les Deux-Sèvres. Un nouveau cas qui s'ajoute à la liste déjà longue de cas similaires. Le premier fait remonte au mois de février, puis les cas se sont multipliés. En Moselle, d'abord, puis en Vendée trois jours plus tard, dans le Loiret, dans la Somme. Le nombre de cas s'est accéléré au printemps: la Seine-Maritime est alors touchée puis l'Essonne, les Côte-d'Armor, la Saône-et-Loire. La mutilation d'un cheval dans le Jura lundi vient rallonger cette liste.

Toutes les hypothèses à l'étude

Le parquet de Lons-le-Saunier a lancé un appel à témoins pour ce nouveau cas de mutilation, le quatrième dans le département depuis le début de l'année. Dans un communiqué, le procureur invite les propriétaires à la plus grande vigilance et "à procéder à un examen régulier de leurs chevaux, ceux-ci ayant pu être victimes de tentatives d'agression qui n'auront laissé que de faibles traces". Toute la difficulté des enquêteurs réside en effet dans la découverte d'indices.

"Nous appelons les propriétaires à déposer plainte, insiste Etienne Thieffry, le procureur de Dieppe joint par BFMTV.com. Il est important que l'on puisse procéder à une analyse technique sur les animaux, sur la zone, le plus rapidement possible."

A l'heure actuelle, aucune piste ne ressort plus qu'une autre. Pour les enquêteurs, il est surtout impossible de savoir s'il s'agit d'actes isolés ou si les attaques sont liées. Le profil des propriétaires ou éleveurs des équidés victimes de ces attaques ne permet pas non plus de renforcer la piste d'une vengeance. Toutefois, plusieurs hypothèses de travail sont évoquées par les enquêteurs comme la superstition, le satanisme, défi macabre, ou encore l'oeuvre d'une secte. Le rite fétichiste est évoqué en raison du prélèvement quasi systématique de l'oreille droite sur les animaux visés.

La difficile recherche d'indices

La possibilité d'attaques réalisées par des imitateurs, donc par plusieurs auteurs, notamment depuis la médiatisation des affaires, est également retenue. Le seul point commun entre les cas réside en effet dans la barbarie des attaques. Les blessures sont elles différentes. Certains équidés ont été égorgés, d'autres ont été attaqués à l'acide. Oeil arraché, coeur poignardé, vagin prélevé sont encore d'autres exemples des actes de cruauté commis sur les animaux.

"Ce sont des enquêtes compliquées sur le plan technique", concède une source judiciaire, qui reconnaît qu'il s'agit d'un "phénomène qu'on ne sait pas attribuer". "Il n'y a pas de piste, pas de fil conducteur", poursuit cette source.

"Les faits se produisent dans des secteurs isolés, où il y a peu ou pas de contrôle", abonde Bertrand Leclerc, le procureur de Saint-Brieuc, pour justifier la difficulté de faire émerger une piste. Le groupement de gendarmerie local a d'ailleurs créé une cellule d'enquête spéciale pour traquer les tueurs de chevaux. Pour le reste, les enquêteurs tentent de travailler comme pour toute enquête, avec des relevés de police technique et scientifique et des recherches d'indices ou de témoignages. Ils comptent également sur la réactivité des propriétaires et la précision des témoignages.

"Nous avons besoin de rebondir que quelque chose dans l'immédiat", insiste le procureur de Saint-Brieuc. Son parquet a ouvert quatre enquêtes, trois pour des faits de mutilation, une pour la mort d'un cheval.

"Moyens importants déployés"

La justice prend très au sérieux ces affaires. Elle peut réquisitionner des vétérinaires pour réaliser les autopsies des animaux. "Des constatations réalisées par des enquêteurs aguerris aux scènes de crime sont reproduites à l'identique pour ces affaires", assure Etienne Thieffry. L'OCLAESP, l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique rattaché à la gendarmerie, a été co-saisi, avec la brigade de recherches qui se consacre à la police judiciaire, pour mener les quatre enquêtes ouvertes par le parquet de Dieppe. "La saisie d'un office central est rare", explique le magistrat.

"Des moyens très importants sont déployés", poursuit le procureur de Dieppe, qui fait un point régulier sur les enquêtes.

Saisi à Dieppe, l'OCLAESP, composé de gendarmes et d'agents administratifs détachés avec une compétence particulière sur ces sujets, est en appui de la quinzaine d'autres enquêtes ouvertes partout sur le territoire national. L'office est en charge des enquêtes complexes. "L'office comptabilise les cas, coordonne, regarde les cas précédents, les cas qui se sont produits à l'étranger", explique-t-on à la gendarmerie. L'objectif est bien de tenter d'établir des liens entre les différentes affaires, de faire des recoupements. Pour l'heure, rien n'a matché.

Une autre difficulté vient désormais s'ajouter au travail des enquêteurs. Depuis quelques semaines, de nombreux cas leur sont signalés. Parfois, les mutilations sont l'oeuvre d'une blessure infligée par un autre animal et non la énième attaque du ou des agresseurs d'équidés. Suspecte pour des propriétaires, la mort de certains animaux est finalement naturelle. "C'est un peu comme lors d'une alerte enlèvement, il y a beaucoup d'éléments qui remontent aux enquêteurs, il y a désormais un gros travail de tri à réaliser", conclut le procureur de Saint-Brieuc.

Article original publié sur BFMTV.com