Des chats, des chiens et des jets privés

Vous préférez quoi, supprimer 3 chats ou un passager de jet privé ? Cette question absurde nous a été inspirée par les propos tenus par le patron de Luxaviation. Le 23 mai, Patrick Hansen a déclaré qu’“un client de sa compagnie aérienne produisait environ 2,1 tonnes de CO2 par an, soit à peu près la même quantité que 3 chats – avant qu’en coulisse un porte-parole ne rectifie, expliquant qu’en réalité le PDG de l’entreprise luxembourgeoise avait voulu dire ‘3 chiens’”, rapporte, pince-sans-rire, le Financial Times.

Patrick Hansen a cité ses sources : How Bad Are Bananas ? Un livre publié en 2010 dans lequel Mike Berners-Lee, chercheur à l’université de Lancaster, au Royaume-Uni, calcule qu’avoir un chat de compagnie se traduit par l’émission de 310 kilos de CO2 par an, et un chien, par celle de 700 kilos.

Contacté par le quotidien britannique, ce spécialiste de l’empreinte carbone se dit “surpris et déçu” de voir ses travaux ainsi récupérés pour étayer “les fausses allégations écologistes de Luxaviation”. Il met en doute le chiffre de 2,1 tonnes avancé, qu’il trouve “étonnamment bas” et qui ne pourrait concerner, selon lui, “que des vols très courts sur de très petits avions”. Et il enfonce le clou : Les jets privés sont un luxe exorbitant en termes de CO2.”

Selon une étude de l’organisation européenne Transport & Environment, l’aviation d’affaires est responsable de 2 à 4 % des émissions de CO2 du secteur aérien, qui lui-même est responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales. “En soi, c’est une aiguille dans une botte de foin. Mais une aiguille particulièrement piquante”, commente Le Temps. Car, “par passager, un voyage en jet privé pollue 4 à 14 fois plus qu’un voyage en avion de ligne, et 50 fois plus qu’un trajet en train”. Pour le dire autrement, “1 % de la population mondiale est responsable de la moitié des émissions totales du transport aérien”, reprend le Financial Times, sur la foi d’un rapport d’Oxfam.

Bref, Patrick Hansen semble bien maîtriser la stratégie de la diversion, l’art de détourner l’attention du public d’un sujet important en l’embrouillant. Il promet que le secteur de l’aviation privée cherche à compenser et limiter ses émissions car il “ne veut pas faire honte à nos enfants”. Il ajoute que, en attendant l’avènement – encore très hypothétique – du moteur à hydrogène ou électrique, il n’hésite pas à dissuader les gens d’emprunter un jet privé sur de très courtes distances : “Parfois, il vaut mieux ne pas voler. Nous disons à nos clients : ‘Ne prenez pas l’avion entre Paris et Lyon.’

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