Charline Picon, Sarah Steyaert et Camille Lecointre, la voile olympique à l’ère des mamans en or

"C’est beaucoup d’organisation!" Comme un cri du cœur, Charline Picon, Sarah Steyaert et Camille Lecointre répondent par la même formule quand on leur demande leur secret pour associer une sélection olympique et le rôle de maman. Une gestion en famille que précise Sarah Steayaert qui a donné naissance à Rose et Capucine en 2018 et 2021. "J’ai un conjoint qui est dévoué et qui aménage son temps mais c'est une organisation à chaque fois qu'on part en déplacement: savoir qui récupère les enfants le soir, comment ça se passe les week-ends... Nous, on part un peu la tête libérée. C'est quand même un projet assez égoïste car c'est moi qui le vis mais c'est du partage. On a beaucoup parlé et il m'a dit 'mais vas-y fonce, on a qu'une vie et tu as l'opportunité devant toi pour Paris donc ça ne s'offrira pas deux fois.'"

Une décision prise en famille et un soutien que met également en avant Camille Lecointre, maman de Gabriel né en 2017 et Alma en 2022 et médaillée d’argent lors des deux derniers Jeux. "Il n’y a pas des 'super-mamans' sans des 'super-papas' ou des 'super-familles'. Je ne l'aurais pas fait si mon conjoint n’avait pas lui-même mis de côté certaines choses dans sa carrière. L'un ne va pas sans l'autre. On n'est pas non plus des superwomen avec des supers pouvoirs."

Pas de "super-maman" sans "super-papa"

Actuellement en famille pour la semaine olympique à Hyères Camille Lecointre se mettra dans sa bulle lors des Jeux à Marseille. "J'ai déjà un petit peu fait mes choix pour les JO. Je serai sans mes enfants, au village avec le reste de l'équipe, avec la famille pas très loin. J'ai fait ce choix car je sais qu'ils seront bien occupés avec les cousins et cousines et qu'ils seront bien gardés donc j'ai vraiment aucun souci là-dessus. Moi je pourrai vraiment me focaliser sur les Jeux. Je sais que je vais bien dormir, je n'aurais pas des réveils nocturnes comme cette semaine (rires). Je suis aussi très heureuse qu’ils m'accompagnent le reste de l'année parce que je n'envisageais pas de faire des préparations olympiques sans les emmener et être loin d'eux. J'ai trouvé mon petit équilibre."

Les trois femmes ont également conscience de l’apport de cette expérience maternelle pour performer dans leurs disciplines respectives. Camille Lecointre, la Brestoise, a entraîné toute sa famille à Marseille il y a deux ans pour être dans les meilleurs conditions avant les Jeux. "C'est clairement un équilibre dans ma vie pour mon mental. Quand je suis sur l'eau je vais être une autre personne. Quand je vais rentrer à terre je vais me retransformer en maman et ça me permet une fois que la journée est passée, qu'on a bien tout analysé, de relativiser et de rebondir si ça n’a pas été pour repartir vraiment du bon pied le lendemain matin. Et puis si ça a été de ne pas non plus m'enflammer."

Après une longue pause, Sarah Steyaert, institutrice près de La Rochelle, n’a pas pu résister quand son amie Charline Picon médaillée d’or à Rio lui a proposé de replonger dans le grand bain. "J'ai eu besoin de retrouver la femme qui existait avant ces deux maternités. Je reviens après cinq ans d'arrêt, le challenge est complètement dingue. C'est déjà incroyable d'être arrivé jusqu'ici et on va marquer l'histoire."

Enlever des barrières à certaines athlètes femmes

Soutenues par leurs instances les trois mamans ont pu vivre pleinement leur maternité dans des conditions favorables et avec une écoute que ne connaissaient pas les générations précédentes. Charline Picon a bénéficié de ces adaptations. "Quand on a eu nos projets de maternité avec 'Cam' (Camille Lecointre) tout en voulant continuer pour Tokyo, la fédération était d’accord. On avait nos contrats avec l'armée et on a continué à avoir notre salaire. C'est quand même très confortable… La fédération de voile a été aidante dans nos projets."

Ces parcours sont observés avec admiration par d’autres athlètes. Camille Lecointre espère d’ailleurs que certaines barrières sont tombées. "On a montré de bons exemples avec Charline, Sarah et d'autres sportives. On a été plus visibles et ça peut servir de modèle aux futures générations. Avant il y avait aussi des mamans athlètes, sauf qu'elles étaient invisibles. Du coup nous on s'imaginait que ça n’existait pas. Ça peut enlever des barrières à certaines athlètes femmes."

La société avance et le sport de haut niveau essaye de suivre le rythme mais pour Sarah Steayaert les progrès n’effaceront pas certaines différences. "C'est plus difficile quand même pour une femme de faire ces projets là, notamment parce qu'on est en majorité quand même la personne affective en lien avec l'enfant. Quand je compare avec des papas qui sont sur le circuit ils n’ont par exemple pas les mêmes problèmes de sommeil. Il y a aussi une peur de l'abandon qui se crée chez l'enfant et qui n’est pas si facile à compenser. Il y a des peurs qui se sont créées et tout ça on le gère avec mon conjoint, mais mine de rien c'est ce n'est pas facile pour elle non plus."

Dans un peu plus de trois mois, médaille autour du cou ou pas Charline, Sarah et Camille seront évidemment des mamans en or.

Article original publié sur RMC Sport