"C'est presque du harcèlement": le groupe Telegram de la majorité met à bout certains députés

"C'est presque du harcèlement": le groupe Telegram de la majorité met à bout certains députés

Les députés Renaissance ont beau en avoir fini avec le budget 2023 depuis le recours au 49.3 ce mercredi, l'heure est moins au soulagement qu'à l'inquiétude. Car les débats animés vont vite reprendre, dès ce jeudi, avec l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Contraints à une très grande présence à l'Assemblée nationale pour cause de majorité étriquée, les élus macronistes sont en permanence sollicités via l'application Telegram: une conversation commune permet de rameuter les troupes. Au grand dam de certains, qui dénonce une "infantilisation complète".

"C'est presque du harcèlement physique", s'énerve un député francilien auprès de BFMTV.com. "Toutes les dix minutes, on reçoit un message pour nous dire qu'on doit être dans l'hémicycle. On n'a quasiment pas le droit d'aller aux toilettes."

Un "rappel d'agenda" insistant

Il faut dire que Renaissance n'a guère d'autre choix que de battre le rappel de ses députés. Avec 170 députés auxquels il faut ajouter les 51 Modem et les 30 Horizons, la majorité présidentielle est très loin des 289 élus nécessaires pour s'assurer le passage sans difficulté de ses textes. De quoi pousser les piliers du groupe à assumer la démarche.

"Très concrètement, cette boucle ressemble à un rappel d'agenda qui nous dit 'attention, on aura besoin de vous dans 15 minutes'. Ça nous rend tous responsables collectivement", détaille la porte-parole du groupe, Prisca Thevenot.

Avec un but affiché: éviter tout couac. C'est que l'exécutif a gardé de mauvais souvenir d'un épisode estival. Le projet de loi sur le Covid-19, le tout premier du début de la mandature, avait bien failli être rejeté avant même que son examen ne commence. En cause: des élus macronistes en trop faible nombre pour contrer des députés RN qui avaient voté une motion de rejet préalable déposée par la France insoumise.

Le gouvernement avait finalement sauvé son texte à seulement une dizaine de voix près, et grâce à l'absence des députés écologistes. De quoi mettre la pression sur les députés pendant le très sensible projet de loi de finances.

"On savait dès le début qu'on allait finir avec le 49.3. Et au lieu de s'épargner ça, on nous a demandé d'être là tous les jours de 9h à 3h du matin. Ce n'est pas possible. On est tous très dévoué mais on n'est pas Superman", s'énerve encore un élu Renaissance.

Car l'exercice n'est pas simple et implique de souvent courir dans les couloirs de l'Assemblée nationale pour alterner la présence en commission et dans l'hémicycle. Avec, parfois, de vraies courses d'obstacle: certaines commissions comme celles de la défense sont à une dizaine de minutes à pied des bancs des députés.

Goldman et Vilard pour détendre l'atmosphère

Pour tenter de désamorcer la situation, le groupe tente désormais l'humour en envoyant sur la boucle Telegram des... chansons comme Je marche seul de Jean-Jacques Goldman ou encore Reviens d'Hervé Vilard pour faire passer le message.

"Ces petits clins d'œil permettent de détendre l'atmosphère, de rire un peu dans un contexte très tendu en hémicycle. On fait même des concours de GIF !", sourit Anne Genetet, la vice-présidente du groupe à l'Assemblée nationale.

Pour arrondir les angles, la consigne a aussi été passée de privilégier les coups de fil ou les SMS personnalisés. Pas question non plus que ce ne soit que les cadres du groupe qui puissent demander du renfort dans l'hémicycle. Tous les députés en séance sont donc désormais encouragés à demander à leurs collègues si nécessaire de venir.

"On va s'y habituer", veut rassurer la députée Constance Le Grip. "D'une certaine façon, on est en train d'apprendre la configuration d'une Assemblée nationale qui n'avait pas existé depuis Michel Rocard et qui ne laisse guère de place pour les états d'âme."

Pas de place pour les doutes

La consigne a été passée en haut lieu à plusieurs reprises: pas de plainte des députés sur leur rythme de travail. Le contexte ne s'y prête guère entre inflation record, pénurie d'essence et mobilisation sociale.

"Les contraintes que nous avons sont sans commune mesure avec celles que subissent beaucoup de nos concitoyens dans leur vie", insiste Marc Ferracci, vice-président du groupe.

Suffisant pour faire taire la grogne montante? "On a tous bataillé pour être élu. Si on se rend compte que ce n'est pas fait pour nous, on peut toujours démissionner", répond Prisca Thevenot tout en reconnaissant l'impact de "la fatigue morale". L'heure n'est pas à encore à s'envoyer des "big bisous" de Carlos sur la boucle Telegram.

Article original publié sur BFMTV.com