Guillaume Coudray ("Nitrites dans la charcuterie : le scandale") : "Il y a une certitude absolue que les additifs nitrés présents dans la charcuterie provoquent le cancer du côlon"

Les coquillettes au jambon, le traditionnel sandwich "jambon beurre", le cordon bleu… L’alimentation des français se conjugue avec le jambon. On pourrait même dire, que serait la France sans sa charcuterie ? Alors, que se passe-t-il lorsque l’on s’interroge sur son niveau de dangerosité ? On devient un paria ? Sans entrer dans l’exagération, on devient lanceur d’alerte. C’est le rôle que joue Guillaume Coudray, ce journaliste qui part en guerre contre les lobbies de la viande transformée et sort un nouveau bouquin : "Nitrites dans la charcuterie : le scandale".

Si c’est du jambon bien rose que vous recherchez, sachez que c’est du cancer que vous allez trouver. C’est du moins ce qu’explique Guillaume Coudray dans son livre "Nitrites dans la charcuterie : le scandale" (éd.Harper Collins). Guillaume Coudray est un journaliste devenu lanceur d’alerte après avoir enquêté sur le business de la viande transformée et ses conséquences mortelles sur les consommateurs. "Mortel" n’est pas un terme galvaudé. C’est bien ce qui pend au nez des consommateurs. Comme il l’explique au micro de Yahoo, la couleur rose du jambon est obtenue artificiellement en ajoutant des additifs nitrosés (nitrite de sodium et nitrate de potassium; ndlr). Dans son ouvrage, Guillaume Coudray explique comment l'ajout de ces additifs dans les charcuteries devient cancérogène : "Le jambon sec nitraté acquiert sa couleur grâce à une réaction entre l’additif nitré et le fer contenu dans la matière carnée. Cette réaction donne naissance à un pigment composé de monoxyde d’azote et de myoglobine." Le problème ? "Ce nitroso-pigment à base de fer favorise le cancer."

Selon le journaliste d’investigation, ce qui justifie l'utilisation des additifs nitrés est uniquement d'ordre économique. "Les additifs nitrés constituent un moyen rapide et peu onéreux de donner aux charcuteries une teinte appétissante en modifiant l’évolution naturelle de la couleur de la myoglobine."

Vidéo. C'est en 1964 que le nitrite s'invite dans les charcuteries en France

La petite histoire du nitrite

C’est en 1924 que les charcutiers industriels américains introduisent le nitrite dans la production de la viande. Ils le font contre l’avis des médecins qui hurlent "à la honte et au scandale", souligne Guillaume Coudray. "Les industriels de Chicago, très puissants, réussissent à faire en sorte que ça devienne la norme".

10 ans plus tard, ce sont les Allemands qui introduisent le nitrite, au nez et à la barbe des Français, qui craignent la concurrence déloyale. Le Ministère français de la Santé s’oppose à l’utilisation du nitrite. C’est en 1964, que le Ministère français de l’Agriculture, pour des raisons de concurrence, bafoue l’avis des autorités de santé pour imposer l’utilisation du nitrite de sodium. "Il a fallu faire des décrets pour sortir le nitrite de sodium de la liste officielle des poisons et l’autoriser à très petites doses dans le jambon."

Guillaume Coudray précise qu’au moment de prendre cette décision, tout le monde ignore que "même à petites doses, le nitrite a des effets cancérogènes sur l’homme." Ce n’est que quelques années plus tard, qu’un collège d’oncologues évalue, sur base d’études expérimentales, les conséquences cancérogènes du nitrite sur les humains.

La boîte de pandore des maladies provoquées par les additifs nitrés

Ces résultats expérimentaux seront corroborés bien des années plus tard par plusieurs études scientifiques. Plus alarmant encore, en 2022, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a rendu public "un épais rapport qui a été fait par les meilleurs spécialistes français dans lequel elle dit noir sur blanc que les additifs nitrosés, le nitrate de potassium et le nitrite de sodium, sont bel et bien associés à un risque augmenté de cancer du côlon, le cancer du rectum et d’autres cancers."

Guillaume Coudray insiste : "Sur le cancer du côlon, il y a une certitude absolue." Le cancer colorectal représente en France la seconde cause de décès par cancer, tous sexes confondus. "On dénombre 17100 décès par an, soit presque six fois le nombre de morts dus aux accidents de la route" explique le journaliste.

La consommation de charcuterie nitrée est soupçonnée de provoquer l'apparition d'autres tumeurs telles que le cancer de l'estomac. Un demi-millier de cas de cancer de l’estomac sont attribuables à la consommation de charcuterie".

Ce rapport de 2022 renseigne également sur les autres maladies provoquées par l’ingestion des additifs nitrosés par l’organisme humain. "Des travaux récents de l’Inserm ( l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) ont montré que le nitrate et le nitrite étaient associés non seulement à des pathologies cardiaques mais aussi au développement du diabète de type 2."

À la lumière de ces informations, on peut se demander les raisons pour lesquelles les autorités sanitaires n’interdisent pas complètement l’utilisation des additifs nitrosés ? Guillaume Coudray charge l’irresponsabilité du Ministère de l’Agriculture : "C’est parce que le gouvernement choisit de prendre ses conseils non pas auprès des spécialistes en cancérologie ou des associations de consommateurs, mais auprès des industriels de la charcuterie et des chercheurs qui sont financés par ces industriels. Le Ministère de l’agriculture qui gère ces questions choisit donc d’écouter les arguments de la filière avant le besoin de protéger la santé des consommateurs."

Vidéo. Ce qui se cache derrière les charcuteries à l'aspect bien rose et appétissant...

Les consommateurs français mangent en moyenne plus que la dose conseillée

Il serait faux de dire que les autorités sanitaires françaises ferment les yeux sur le problème de la charcuterie. Le site de Santé Publique France, mangerbouger.fr, recommande de limiter la charcuterie à 150 grammes par semaine. Dans l’onglet dédié à la question "pourquoi réduire sa consommation de charcuterie ?", Mangerbouger.fr répond : "Une consommation trop importante de sel a des effets négatifs sur la santé. Or, outre leur richesse en graisses, beaucoup de produits de charcuterie sont riches en sel." Aucune mention n’est faite quant à l’utilisation des additifs nitrés présents dans la majorité des produits de charcuterie vendus en supermarché.

Ne pas dépasser 150 grammes de charcuterie par semaine cela veut dire "qu’il ne faudrait pas dépasser 3 à 4 tranches de jambon par semaine et par personne. Sans oublier toutes les petites tranches de chorizo, les petits lardons dans les quiches, les garnitures sur les pizzas… La réalité c’est que toutes les organisations sanitaires françaises montrent qu’en moyenne, le consommateur français mange plus que la dose maximale autorisée par les autorités sanitaires."

Après avoir épluché de nombreuses études scientifiques sur le sujet, Guillaume Coudray alerte : "Si les Européens consommaient moins de 20 grammes de charcuterie par jour, c’est au total 150000 morts prématurées qui pourraient être évitées chaque année".

Comment les consommateurs peuvent-ils se protéger ?

La réponse est simple : se limiter à la consommation de charcuterie et se diriger vers des produits qui ne contiennent pas d’additifs nitrés. "L’utilisation d’applications telles que Yuka permettent de façon très claire, avec un scan, d’avoir une information franche sur la composition des produits."

Là encore, le journaliste invite les consommateurs à s’attarder plus longuement dans les rayons des magasins pour démystifier les additifs contenus dans les charcuteries. Il en appelle à la vigilance : "Ce n’est pas parce qu’un produit est bio qu’il est automatiquement sans nitrate et nitrite. Ce n’est pas parce qu’un produit est marqué "sans nitrate et nitrite ajoutés" ou "sans sel ajouté" qu’il y a pour autant absence de nitrate et nitrite. Il faut retourner le paquet, chercher "E250, E252 (noms des additifs nitrés, ndlr), sel nitrité, salpêtre." Cela permet de cette façon de reconnaître les charcuteries qui sont traitées avec des additifs nitrés et comprendre qu’en y passant un peu plus de temps, en y mettant plus d’attention, il est possible de trouver des charcuteries plus saines."

Vidéo. Les Français mangent plus que la dose maximale de 150 gr de charcuterie autorisée par les autorités sanitaires et c’est un problème pour leur santé

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