Canada: pourquoi la région du Grand Nord est-elle frappée par des mégafeux de forêt?

Canada: pourquoi la région du Grand Nord est-elle frappée par des mégafeux de forêt?

Le Grand Nord canadien frappé par les flammes. Avec 230 feux actuellement actifs, le Canada est confronté à des incendies particulièrement intenses touchant les Territoires du Nord-Ouest du pays, une région nordique deux fois plus grande que la France métropolitaine.

Plus de 13 millions d'hectares brûlés

Les feux ont actuellement brûlé au moins 13,5 millions d'hectares, l'équivalent de la superficie de la Grèce. Il s'agit de quasiment le double de la superficie du dernier record absolu, daté de 1989. 7,3 millions d'hectares étaient alors partis en fumée, selon le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC).

En raison de ces incendies, près de 168.000 personnes ont dû être évacuées dans le pays depuis le début de la saison des feux. Les Territoires du Nord-Ouest ont été placés en état d'urgence et plus de 6000 personnes, soit 15% de la population, ont été déplacées.

La province voisine de la Colombie-Britannique, elle aussi durement frappée par les feux de forêt, a enregistré cette semaine des températures au-dessus des 40°C, une première cette année au Canada, selon le ministère de l'Environnement.

Des départs de feux multiples

Si les feux de forêt ne sont pas inhabituels au Canada, la particularité cette année est qu'ils commencé "tôt et à de multiples endroits en même temps", souligne une porte-parole du CIFFC Jennifer Kamau, auprès du New York Times.

Ces incendies sont par ailleurs plus vastes que les années passées et suivent une tendance croissante. Alors que dans les années 1980, les feux faisaient en moyenne 112 hectares, ils couvrent 509 hectares en général entre 2013 et 2022, d'après le CIFFC.

Pour les pompiers canadiens, l'extinction des incendies est donc d'autant plus complexe. Près de 2000 pompiers ont afflué depuis les États-Unis pour les aider à accomplir leur tâche.

Fortes chaleurs et sécheresse

Les incendies s'expliquent d'abord par les conditions météorologiques que connaît actuellement le pays d'Amérique du Nord. "Le Canada a connu une chaleur et une sécheresse inhabituelles au printemps, permettant aux combustibles qui nourrissent les feux de forêt de sécher plus vite et plus tôt qu'observé auparavant", indique le professeur en ressources environnementales et forestières Robert Scheller à l'université publique de Caroline du Nord à College of Natural Resources News.

Le pays a en effet connu des températures record ces dernières semaines. Lundi dernier, 16 records de température sont tombés, selon CBC. Dans le village de Lytton, situé dans la région de Vancouver, sur la côte ouest, 41,4°C ont été notamment enregistrés, une première depuis le début de l'année. Selon les données du gouvernement canadien, 59% du territoire canadien était fin juillet confronté à une sécheresse dite inhabituelle ou de modérée à exceptionnelle.

Par ailleurs, pendant l'hiver, les chutes de neige ont été bien plus faibles que les années précédentes dans l'Est du pays notamment. Même chose pour les précipitations, avec trois fois moins de pluies tombées de mars à mai à Halifax, en Nouvelle-Écosse, rapporte le météorologiste de Weather Network, au Canada, à Reuters.

Un jet stream plus faible

À cette météo spécifique à cet été 2023 s'ajoute, selon Edward Struzik, professeur à l'Institut pour la politique environnementale et énergétique à l'université de la Reine au Canada, un autre phénomène: le jet stream, ce courant rapide situé en altitude, dont l'influence a évolué ces dernières années.

"Maintenant que l'Arctique se réchauffe plus vite que le reste du monde, le jet stream est plus faible et un peu plus irrégulier", indique-t-il auprès de CBS News.

Conséquence: des températures plus élevées et des épisodes de sécheresse plus fréquents "permettant la mise en place de dômes de chaleur, ce qui prépare le terrain pour des incendies".

Une situation géographique spécifique

Pour Waldir Da Cruz, météorologue chez Radio-Canada, le pays est aussi particulièrement à risques concernant les phénomènes climatiques extrêmes en raison de sa situation géographique.

"Le Canada se trouve dans une position entre les masses d’air chaud, qui viennent directement du golfe du Mexique, et les masses d’air froides, qui nous parviennent de l’Arctique. Ces deux masses s'affrontent, ce qui crée un fort contraste à travers le pays", explique-t-il.

"Ces contrastes thermiques entre les masses d’air chaud et froid ont le potentiel d'intensifier certains phénomènes", dont "les vagues de sécheresse" ou "les canicules" et donc d'accroître les risques d'incendies dans cette région du monde plus qu'ailleurs.

Selon les autorités canadiennes, les feux de forêt ont émis au moins l'équivalent de plus d'un milliard de tonnes de dioxyde de carbone, une première.

Article original publié sur BFMTV.com