César 2023 : la nouvelle règle ne convainc pas

Roman Polanski recevant un César pour

Andréa Bescond juge « un brin absurde » l’annonce des César de « ne pas mettre en lumière » des artistes mis en cause - qui pourraient tout de même être nommés voire récompensés.

CÉSAR - « Nommer ou remettre un César à quelqu’un qui ne sera pas là, c’est le glorifier de toute manière ». Au lendemain de l’annonce des César de « ne pas mettre en lumière » lors de la prochaine cérémonie des artistes mis en cause pour des faits de violence n’est pas franchement à la hauteur de la révolution que beaucoup attendent de la part de l’institution du cinéma français.

« C’est un brin absurde, pour moi ça n’a pas de sens », réagit l’autrice et réalisatrice Andréa Bescond au micro de LCI ce mardi 3 janvier, engagée contre les violences sexuelles à qui l’on doit notamment le film autobiographique Les Chatouilles. Celle qui figure parmi les quelque 4.500 membres votants de l’Académie aurait préféré que la décision « aille au bout ». « Soit tu as une nomination et tu viens à la cérémonie, soit tu n’as pas de nomination et tu ne viens pas à la cérémonie ».

« Un manque de courage »

Dans son communiqué publié ce lundi 2 janvier, le Bureau des César indique en effet sa décision de « ne pas mettre en lumière des personnes qui seraient mises en cause par la justice pour des faits de violence ». En clair, cela prévoit que « dans l’hypothèse où une personne figurant sur la liste des nommés fait l’objet d’une mise en examen (...) ou d’une condamnation en cours », celle-ci ne sera pas invitée à la cérémonie et toute prise de parole « au nom de cette personne » sera exclue. Néanmoins, n’importe quel artiste peut toujours être nommé, et même récompensé à l’issue des deux tours de votes des membres sans qu’une mesure d’empêchement à l’éligibilité ne soit pour l’heure tranchée.

Une décision alambiquée qui fait figure de « manque de courage » pour Andréa Bescond. « Nommer ou remettre un César à quelqu’un qui ne sera pas là, c’est le glorifier de toute manière. Ce n’est pas la présence qui fait la récompense », continue la réalisatrice qui avait obtenu en 2019 les trophées de la meilleure adaptation et du meilleur second rôle féminin pour Les Chatouilles.

Le collectif Osez le féminisme, qui avait largement dénoncé en 2020 la multi-nomination puis le sacre de Roman Polanski aux César, s’est également fendu d’une réaction au lendemain de l’annonce de l’Académie. Certes, il voit en cette décision « une victoire pour toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisé·es contre la complicité de l’industrie du cinéma avec la culture du viol » et « une bonne nouvelle venant d’une institution qui a longtemps invisibilisé les femmes ».

Mais le collectif insiste sur le fait que les hommes mis en cause par la justice « pourront toujours concourir et gagner un César » est le signe que « la victoire n’est pas complète ». « Oui, le seuil de tolérance de la société vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles a baissé, mais le chemin est encore long pour en finir avec l’impunité des agresseurs », résume Osez le féminisme.

Contactée par Le HuffPost, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak n’a pas donné suite à nos sollicitations. Trois ans plus tôt, son précédesseur Franck Riester voyait en la victoire de Roman Polanski au César un « symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ».

Vers un changement du règlement ?

Cette fraîche décision des César, qui s’applique donc en vue de la prochaine cérémonie prévue le 24 février, a été prise suite à la mise en examen fin novembre, pour viols et violences sur conjoint, de l’acteur Sofiane Bennacer, au casting du film Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi. D’abord retenu dans la liste de la trentaine de « révélations » des César, il en a été sorti en urgence.

Pour les professionnels du 7e art, les accusations contre Sofiane Bennacer étaient venues rappeler le souvenir de l’affaire Polanski, régulièrement rattrapé par des accusations anciennes d’abus sexuels, ou encore les mises en examen d’acteurs comme Gérard Depardieu ou Ary Abittan pour des faits de viols, qu’ils contestent.

Pointé du doigt pour l’opacité de sa gestion et la polémique Polanski, le Bureau des César avait collectivement démissionné début 2020. Une lente mue a depuis été amorcée - avec en trois ans une nouvelle présidence, des statuts modernisés et un panel de membres rééquilibré - mais les espoirs d’y tourner la page du sexisme et de l’entre-soi ne semblent pas encore atteints.

Le Bureau de l’Académie promet désormais que « devant l’ampleur et la complexité de ces questions », un groupe de travail dédié va poursuivre les réflexions au courant du 1er semestre de 2023 avant de proposer au vote « un éventuel changement du règlement » pour prévoir l’hypothèse d’une mise en cause judiciaire d’un participant à un film éligible.

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