BUSINESS 2024: le secteur de l'hôtellerie-restauration se prépare à des JO moins lucratifs qu'attendu

Ce devait être l'un des secteurs qui tirerait le plus profit des Jeux olympiques et paralympiques. À moins d'un mois de la cérémonie d'ouverture, certains acteurs parisiens de l'hôtellerie-restauration ne sont plus si sûrs que l'événement sera une aubaine pour leur activité. Il faut dire que les professionnels de ce secteur d'activité se sont vus imposer plusieurs freins au cours des derniers mois, en raison d'une vigilance accrue quant à la problématique sécuritaire.

Les plus touchés seront sans doute les établissements situés à proximité des sites de compétition. La préfecture de police de Paris a mis au point une carte qui prévoit des restrictions de circulation dans ces zones. Dans les huit jours précédant la cérémonie d'ouverture, il faudra présenter un QR code pour y pénétrer, ce qui pourrait constituer un obstacle à la fréquentation aux yeux de certains restaurateurs. Durant la quinzaine, les véhicules devront également obtenir une dérogation afin de circuler dans ces périmètres.

Jack Klein gère un restaurant situé en bordure du Champ de Mars, où auront lieu les épreuves de beach-volley, et non-loin du Grand Palais éphémère, où se tiendront les épreuves de judo et de lutte. S'il évoque les incertitudes autour de la potentielle concurrence de buvettes, le restaurateur estime que ses tables trouveront facilement preneurs parmi les dizaines de milliers de supporters qui passeront quotidiennement dans le quartier. Il a néanmoins dû réorganiser les livraisons de produits avec ses grossistes:

"Ils nous ont d’ores et déjà envoyés un message en disant qu’ils ont besoin des clés et de savoir nos zones d’accès et en nous expliquant que les livraisons se feraient entre 2 et 5 heures du matin au lieu d’entre 7 et 8 heures habituellement."

Des compensations financières espérées pour les restaurateurs

Mais ces restrictions de circulation ne sont pas les seules menaces qui planent sur l'activité des restaurants. Dans les quartiers d'affaires, les établissements redoutent les incitations au télétravail destinées à désengorger les transports en commun pour assurer la fluidité des déplacements des touristes olympiques. "Quand vous voyez que dès le 1er juillet, bon nombre d’entreprises passent en télétravail alors que les JO ne démarrent que le 26 juillet, comment on fait du 1er au 25 juillet?", s'interroge Frank Delvau, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) Paris Île-de-France.

Alors que la Ville de Paris avait décidé de prolonger les horaires des terrasses estivales jusqu'à minuit, la préfecture de police de Paris a indiqué début juin que 6% des terrasses parisiennes seraient tout de même interdites entre le 1er juillet et le 11 septembre.

Face à toutes ces contraintes directement liées à l'organisation des Jeux, le représentant de l'Umih francilienne espère obtenir des compensations financières auprès des pouvoirs publics pour les établissements dont les pertes de chiffres d'affaires seraient avérées. D'autant plus le contexte économique est déjà difficile pour les restaurateurs qui doivent rembourser les prêts garantis par l'État tandis que les factures énergétiques et le coût des matières premières restent élevés.

Un taux de réservation de 70% dans les hôtels

L'autre segment majeur du secteur, l'hôtellerie, n'est pas en reste à l'approche de l'événement. Selon l'Umih Paris Île-de-France, le taux de réservation moyen des établissements franciliens et leur quelques 200.000 chambres devrait tout juste dépasser les 70%. La situation est encore plus critique pour certains hôtels comme le quatre étoiles que gère Suzan Akyol au pied de Montmartre, un quartier particulièrement prisé des touristes en visite dans la capitale:

"On est actuellement à 40%, ce qui est faible aujourd’hui mais tend à s’accélérer dans les prochaines semaines [...] On espère atteindre autour de 80-90% comme ce qu’on a fait l’année dernière."

Plusieurs facteurs expliquent ces taux de réservation décevants, à commencer par le profil des détenteurs de billets pour les épreuves olympiques. Une large majorité sont des Français, voire même des Franciliens qui ont soit déjà un logement en région parisienne ou des connaissances pouvant les héberger.

"L’été, il y a plus de sept millions de touristes dont trois millions et demi d’étrangers à Paris, rappelle Frank Delvau. Or là, c’est à peine 1,5 million de touristes étrangers qui vont venir."

À cette typologie des détenteurs de billets s'ajoutent les tarifs exorbitants un temps pratiqués par les hôtels parisiens: selon l'Office de tourisme de la capitale, le prix moyen d'une nuit d'hôtel pendant les Jeux avait bondi à près de 700 euros en novembre dernier, contre à peine 170 euros en juillet, et reste encore aujourd'hui autour des 400 euros.

"Aujourd’hui, on est dans la moyenne, voire même en dessous par rapport à ce qu’il se pratique en termes de prix dans chaque ville où il y a les JO: on est descendu à x2, x2,5, indique Frank Delvau. Je connais des hôteliers qui ont vendu à même pas deux fois le prix de la chambre."

Suzan Akyol distingue deux stratégies parmi ses confrères: "Des hôtels vont baisser drastiquement le prix moyen pour s’assurer un matelas de réservations confortable pendant la période des Jeux olympiques. Il y en a d'autres qui privilégient le prix moyen au détriment du taux d’occupation".

Si elle se range plutôt dans la deuxième catégorie, elle reste attentive au marché et ne ferme pas la porte à des baisses de tarifs dans les prochaines semaines si la situation n'évolue pas. "On sait que la demande sera là et en dernière minute, même sur des touristes étrangers, ajoute-t-elle. Il y en a qui nous appellent pour avoir des informations sur les tarifs, sur les tendances du marché et pour savoir si les prix vont baisser à l’avenir."

10.000 contrôles de la Répression des fraudes

Ce phénomène de "douche froide" s'observe également du côté des locations meublées touristiques de courte durée qui sont vite apparues comme de sérieux concurrents aux hôteliers au cours de l'année passé. Alors que la plateforme Airbnb ne recensait que 65.000 offres pendant la période des Jeux l'été dernier, il en existe désormais 150.O00.

Une explosion qui reflète l'effet d'aubaine dont espérait profiter des particuliers durant l'évènement et qui a participé à faire grimper les prix. "Au départ, certains pensaient avoir gagné la poule aux œufs d’or, ils ont mis leur locataire dehors et regardez où ils en sont aujourd’hui", constate Frank Delvau qui pointe aussi d'importantes baisses de prix sur ce segment du marché de l'hébergement pour s'adapter à une demande moins au rendez-vous qu'escompté.

Face au risque de mauvaises pratiques de certains établissements de l'hôtellerie-restauration dans la perspective des JO, la Répression des fraudes a renforcé ses contrôles et prévoit d'en réaliser 10.000 entre le début de l'année et l'événement inclus. Parmi les problèmes identifiés par la DGCCRF, des défauts d’affichage des prix des chambres d’hôtel, à l’accueil ou dans les chambres, mais aussi certains établissements qui mettent en avant des étoiles qu’ils n’ont pas ou n’affichent sur leur site que les bons avis en cachant les mauvais.

Malgré ces incertitudes, voire inquiétudes des professionnels qui demeurent en vue des Jeux, le président de l'Umih Paris Île-de-France préfère adopter une vision à long terme pour appréhender les effets de l'événement: "Pendant les JO à Londres, les hôtels, les cafés, les bars et les établissements de nuit ont moins bien travaillé. Mais sur une période de 12 à 18 mois post-Jeux, c’est là qu’il y a eu du retour".

"Paris va être le centre du monde, des images formidables de la capitale vont sûrement être diffusées et ça va donner à certains touristes étrangers l’envie de venir ou de revenir. On mise beaucoup sur cette période post-JO."

Article original publié sur RMC Sport