Bruno Latour : "Décrypter les controverses est un enjeu démocratique"

Le célèbre sociologue des sciences vient de disparaître, à l'âge de 75 ans. En 2012, il avait accordé à Sciences et Avenir un grand entretien où il exposait une méthode originale pour permettre aux citoyens de mieux appréhender les grands débats scientifiques. Des idées qui, dans une société marquée par l'épreuve du Covid, n'ont rien perdu de leur singularité.

HOMMAGE. Bruno Latour, philosophe et sociologue des sciences et techniques, est décédé à l'âge de 75 ans. De juin 2007 à juin 2012, il a été directeur adjoint de Sciences-Po Paris chargé de la recherche. De 1982 à 2006, il a enseigné à l’Ecole des mines de Paris, où il a étudié la construction sociale du fait scientifique. II a été l'auteur de plus d’une quinzaine ouvrages dont le célèbre Nous n’avons jamais été modernes (1991). En 2012, il avait répondu aux questions de Dominique Leglu et Jean-François Haït pour cet entretien publié dans Sciences et Avenir numéro 788. Ce texte est disponible ci-dessous. Une décennie après sa publication initiale, les commentaires de Bruno Latour, qui évoque ici les controverses scientifiques et le rôle contesté des experts, n'ont rien perdu de leur originalité et demeurent d'une troublante pertinence, dans notre temps durement marqué par l'épreuve du Covid-19.
O.L.

"Nous sommes tous les habitants d’un paysage controversé"

Sciences et Avenir : Dans le cadre de La Novela à Toulouse*, vous présentez une « cartographie des controverses ». De quoi s’agit-il ?

Bruno Latour : C’est une méthode pédagogique que je développe depuis près de vingt ans et qui répond à un double constat. D’une part, le public est de plus en plus confronté à des incertitudes en matière scientifique : que penser de la nocivité des ondes des téléphones portables, des nanotechnologies, etc. D’autre part, la confiance dans les institutions scientifiques diminue. La conséquence est qu’on n’arrive plus à clore un débat. Alors soit on désespère, soit on équipe le public pour décrypter ces controverses. Désormais, chaque citoyen ne doit plus seulement apprendre mais enquêter pour découvrir qui sont les producteurs de savoirs, où sont les conflits, les intérêts, qui finance la recherche, etc. Il ne s’agit pas d’une pédagogie descendante, comme celle à laquelle le public est exposé aujourd’hui dans ce que l’on appelle la diffusion des savoirs ou la « culture scientifique »[...]

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