Brest: au club comme en ville, un engouement sans précédent avant un sprint final... historique ?

"J'ai l'impression d'être en mode carrière dans Football manager. Je prends toujours Brest et je les emmène tout en haut." Attablé au mythique bar des supporters Le Pénalty, situé à 20 mètres à peine du stade Francis-Le Blé, un café devant lui, Jean, jeune supporteur d'une vingtaine d'années, a des étoiles dans les yeux au moment d'évoquer la saison que lui fait vivre le Stade Brestois.

Comme un jeu vidéo qui devient réalité. Son équipe est deuxième du championnat à huit journées de la fin. Les performances des Ty Zefs, "tout le monde en parle à Brest de près ou de loin", assure-t-il. "C'est le sujet numéro 1 au travail, avec les amis, la famille. Le lundi, mardi, mercredi, on parle du match du week-end passé. Le jeudi et vendredi, de celui du week-end à venir. Je n'ai jamais senti un engouement comme celui-là".

L'engouement est inédit car la saison des Brestois l'est tout autant. Cette ferveur se ressent bien sûr au quotidien dans le club. Bruno Grougi, la légende brestoise aux 307 matchs, aujourd'hui adjoint d'Eric Roy, est bien placé pour en parler, lui, le Brestois depuis bientôt 15 ans.

"Personnellement, je suis très heureux qu'on parle autant du club et qu'on en dise autant de bien. Ici, on est une terre de foot. Les gens sont fiers de la saison. Ils se reconnaissent dans cette équipe qui défend les valeurs du club. Ils nous donnent de la force, nous poussent à continuer jusqu'au bout", ressent-il. "Et puis, il y a cet engouement local qui devient aussi national. Entendre les mots des spécialistes, les interviews qui parlent de nous. Toutes ces marques de reconnaissance, on travaille dur tous les jours pour qu'on parle bien du club."

Un engouement local qui devient de plus en plus national

Bruno Grougi l'assure en revanche: "les supporteurs que je croise tous les jours ne me parlent pas d'Europe. Ils demandent juste de ne pas lâcher." On a quand même du mal à le croire. Le sujet d'une qualification européenne, à huit journées de la fin du championnat, et avec huit points d'avance sur le septième, ne peut plus être tabou. Reste que Grougi tout comme Eric Roy attendront les quatre prochains matchs avant de sortir du bois, éventuellement.

Pascal Robert, le directeur général du club, lui, n'a pas résisté: "Même si on a mis une 10e place dans nos réajustements prévisionnels du budget, oui, on aimerait bien être dans les six maintenant. Tout le monde en parle. Il y aurait une déception si on n'y est pas, même si ce n'était pas programmé", avoue-t-il en souriant. Cette saison inattendue a des conséquences positives notables dans toutes les strates du club. Les chiffres sont parlants.

"En termes de billetterie, on enchaîne les guichets fermés. On a quasiment plus de produits à vendre. Si on compare à la saison dernière, on va être à 400.000 euros de plus pour 2023-2024", liste Pascal Robert. Les partenaires et sponsors sont eux aussi ravis. "On rappelle d'ailleurs souvent aux partenaires maillots qu'ils ont cette année des retombées medias bien plus importantes. Ils nous parlent beaucoup de l'avenir, de la Coupe d'Europe si jamais. Alors on leur dit:  mettez des sous de côté car si on y va, il va falloir prendre des trucs en plus", plaisante Pascal Robert.

Pour les entreprises partenaires, quasiment toutes bretonnes voire finistériennes, l'image renvoyée par les performances brestoises et l'état d'esprit de l'équipe sont très positives. Au point que des entreprises nationales viennent taper à la porte ces derniers mois, attirées par cette bonne publicité. Mais "ça ne nous ressemble pas trop, considère Pascal Robert. On est plutôt dans le terroir et les entreprises locales à l'image de nos sponsors maillots. On reste sur cette position et cette ligne définie par le Président Denis Le Saint qui veut garder notre identité."

Le maire de Brest, François Cuillandre, ressent lui aussi toute la bonne publicité que fait le club pour sa ville. "Cela me fait chaud au coeur. Je suis un supporteur fidèle bien avant d'être maire. On a connu des hauts et des bas, le Brest Armorique, la descente aux enfers. Beaucoup de personnes que je croise, amoureux du foot ou non, sont étonnées des performances du club. Et des Bretons, il y en a partout dans le monde dont pas mal de Brestois. De plus, l'image renvoyée par le club est populaire. On n'a pas de joueurs stars, pas de Mbappé, pas de joueurs au plus haut des prix de transferts et de salaires, mais on a un vrai esprit d'équipe, une volonté de ne pas jouer individuellement mais collectif."

Chardonnet, Lees-Melou, Del Castillo... leurs maillots s'arrachent

Le club brestois est bien parti pour battre son record de points en championnat (54 pts en 1986-1987, contre 47 aujourd'hui), son record de classement (8e la même année). Sachant qu'il a déjà battu son record d'invincibilité avec une série de 13 matchs sans défaite cette saison. Hors terrain aussi, le club est déjà assuré de battre des records commerciaux. "On va passer de 1,2 millions d'euros à 1,4 millions à ce jour en termes de merchandising, ce qui devient très intéressant", anticipe Pascal Robert, assurant que le club s'apprête à dépasser "les 7.000 maillots vendus". On grandit et peut-être que l'année prochaine, on aura un maillot supplémentaire (rires). Cela grandirait beaucoup."

Direction la boutique officielle du club alors, où un maillot européen dans quelques mois "serait à coup sûr un best-seller ou en tout cas un maillot historique", estime Yohan Guyader, le responsable merchandising du club. Mais pour le moment, "le produit numéro un est sans surprise le maillot domicile en rouge. On est même en rupture de stock sur certaines tailles. On a demandé un réassort à notre équipementier Adidas ce qui ne nous arrive jamais un mois de mars". Un top 3 pour les flocages les plus populaires "Brendan Chardonnet, Pierre Lees-Lelou et Romain Del Castillo".

Un autre produit sort particulièrement du lot: "la fameuse casquette noire pirate du coach pour laquelle on est en totale rupture. Dès son arrivée, Eric Roy est venu pour choisir un produit pour s'identifier au club. Le fait qu'il la porte et qu'il gagne avec, les supporteurs adorent. Beaucoup veulent la même." Avis aux amateurs, un peu de patience, la casquette fétiche devrait être de retour dans les rayons d'ici 15 jours.

"La Ligue des champions? Je me souviens encore des Brest-Béziers en Ligue 2"

Retour avec notre supporteur du Pénalty. Jean n'a pas encore ajouté la casquette d'Eric Roy à sa garde-robe. Il s'offrirait en revanche à coup sûr l'éventuel maillot européen du SB29. Car, voir Brest en Coupe d'Europe, c'est "inimaginable". "Cela me donne des frissons. Je me souviens encore des vendredis soir où j'allais en Ligue 2 avec mon père voir des Brest-Béziers, des Brest-Grenoble. On revient de loin."

Dans un monde idéal, Jean aimerait "la Ligue des Champions bien sûr, mais même une Conference League on prend. On voit que Lille va loin dans la compétition et des déplacements aux Iles Féroé, ça peut être sympa pour les supporteurs".

En attendant d'arpenter le Vieux-continent, les fans brestois auront un déplacement moins dépaysant ce dimanche (13 heures) pour rejoindre Lorient et lancer le sprint final de la saison par un derby breton. Le parcage visiteur du Moustoir sera bien sûr plein à craquer. Il s'est rempli en quelques heures.

Article original publié sur RMC Sport