Blocages, nombre de manifestants... La grève contre la réforme des retraites est-elle comparable à celle de 1995?

"Un parfum de 1995", tweetait la députée La France Insoumise Clémentine Autain le 19 janvier dernier, mettant en avant les taux élevés de grévistes dans certaines entreprises au début de la mobilisation contre la réforme des retraites.

Les grandes grèves de 1995, contre une réforme des retraites proposée alors par le Premier ministre Alain Juppé, restent en effet des années plus tard une référence dans l'histoire des luttes sociales.

D'une part par la mobilisation en elle-même: les grèves ont été très suivies, bloquant le pays pendant trois semaines, et les manifestations ont réuni jusqu'à 2 millions de personnes dans les rues selon les syndicats, un million selon la police.

D'autre part, le mouvement avait finalement obtenu le retrait de la réforme des retraites. Or toutes les réformes des retraites qui ont suivi ont été finalement mises en place malgré l'opposition forte dans la rue.

Chaque nouveau mouvement contre une réforme des retraites est donc systématiquement ramené à ces semaines de novembre et de décembre 1995. Et les mobilisations de ce début 2023 ne sont pas épargnées.

C'est une bonne référence, on peut faire mieux", lançait début janvier sur BFMTV Philippe Martinez. Actuellement, "il y a du ras le bol, on est dans une autre situation, le contexte est différent".

La barre des deux millions de manifestants dépassée

Niveau chiffres, les manifestations de ce début 2023 ont déjà surpassé le pic de la mobilisation de 1995. Cette année-là, la "manifestation du 12 décembre réunit 2 millions de personnes dans toute la France selon les syndicats. Du jamais vu depuis mai 68", rappelle l'INA. La police parle de son côté d'un million de personnes.

Ce chiffre impressionnant entraînera le retrait de la réforme sur les retraites du gouvernement d'Alain Juppé dès le 15 janvier.

Au niveau des chiffres syndicaux, la barre a été nettement dépassée en ce début d'année, d'après les organisations syndicales, qui ont relevé 2,8 millions de manifestants le 31 janvier (1,2 million selon la police) et 2,5 millions le 11 février (963.000 selon la police).

Trois semaines de grève d'affilée

Il est plus difficile de comparer 2023 et 1995 sur la mobilisation des grévistes, car elles sont différentes: en 1995 des grèves sont reconduites d'un jour sur l'autre, d'une semaine sur l'autre, et bloquent le pays pendant trois semaines d'affilée.

"La grève des transports par voie ferrée [paralyse] une grande partie de l'activité du pays", écrit ainsi la plateforme Lumni de l'INA, en lien avec le ministère de l'Éducation. Les images caractéristiques de ces grandes grèves sont d'ailleurs celles de Parisiens et Franciliens faisant du stop, traversant la capitale en rollers, en vélo ou à pied, et des routes saturées par les bouchons.

Pour le moment, la mobilisation contre la réforme de ce début 2023 se fait par journées, qui restent assez espacées les unes des autres. Avant ce 7 mars, le dernier jour de grève nationale était le 16 février. Mais au-delà de mettre "la France à l'arrêt" ce mardi, plusieurs syndicats ont appelé à des grèves reconductibles pour la suite du mouvement.

L'organisation temporelle des grèves de 1995 ressemble plus à celles de décembre 2019, qui avaient été particulièrement suivies dans les transports. Les journées de grève étaient reconduites l'une après l'autre, battant même en longévité le mouvement de 1995. "Avec ce 23e jour de grève consécutif à la SNCF et à la RATP, le conflit, entamé le 5 décembre, dépasse dans la durée celui de 1995 contre la réforme d'Alain Juppé sur les retraites", écrivait ainsi le Parisien fin décembre 2019.

Un mouvement très soutenu

Ce qui a permis au mouvement de 1995 de tenir dans la durée et l'intensité, c'est aussi le soutien de la population aux revendications. "Dès le premier jour, la grève a été très populaire", racontait en 2019 à BFMTV.com Alain Lamassoure, alors porte-parole du gouvernement et ministre délégué du Budget.

"Au gouvernement, on suivait jour après jour dans les sondages la popularité du mouvement. Elle a un peu baissé vers la fin, mais le mouvement est resté très soutenu tout du long".

La mobilisation actuelle rencontre également un certain engouement. D'après le dernier sondage Elabe pour BFMTV publié ce lundi, 64% des Français la soutiennent et 21% s'y opposent.

Interrogé début janvier sur la possibilité de réitérer le succès de 1995, le porte-parole du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) Olivier Besancenot prévenait qu'il était difficile de faire des comparaisons, car cela "ne se passe jamais de la même manière", déclarait-il sur BFMTV. "Je n'ai pas de modèle, il n'y a pas de recette, s'il y avait une recette cela fait belle lurette qu'on l'aurait déjà employée".

Article original publié sur BFMTV.com