La carrière politique de Benjamin Griveaux est-elle ruinée ?

Benjamin Griveaux pourra-t-il se relever politiquement de l'affaire autour des vidéos à caractère sexuel dévoilées sur internet ?
Benjamin Griveaux pourra-t-il se relever politiquement de l'affaire autour des vidéos à caractère sexuel dévoilées sur internet ?

Benjamin Griveaux a décidé d’abandonner la course aux municipales après la diffusion de vidéos à caractère sexuel. Un choix motivé par des raisons personnelles. Mais, politiquement, pourra-t-il poursuivre sa carrière ?

Les élections municipales de Paris ont pris un nouveau tournant, ce vendredi 14 février. Le candidat de La République en Marche, Benjamin Griveaux, a renoncé à sa candidature. En cause, la diffusion de vidéos à caractère sexuel, présentées comme ayant été envoyées par l’ancien secrétaire d’État.

Le 12 février, un article a été publié sur le site “pornopolitique”, signé de l’artiste russe Piotr Pavlenski. Il regroupe plusieurs citations de Benjamin Griveaux au sujet de sa femme et de ses enfants, ainsi que de sa volonté d’être “le maire des enfants et du quotidien des parents”. Après cette mise en contexte, deux vidéos à caractère sexuel ont été dévoilées. Elles auraient été envoyées via le compte Instagram de Benjamin Griveaux en message privé.

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Rapidement, le candidat LREM de Paris a convoqué une cellule de crise, avant finalement d’annoncer son abandon ce 14 février, sans attendre les réactions des futurs électeurs. “Je ne souhaite pas nous exposer davantage, ma famille et moi, quand tous les coups sont désormais permis, cela va trop loin”, a-t-il expliqué lors d’une courte conférence de presse. “Cette décision me coûte, mais mes priorités sont claires, c’est d’abord ma famille”. Un choix qui semble donc avant tout motivé par des raisons personnelles.

Mais d’un point de vue politique, aurait-il pu poursuivre sa campagne ou cette affaire risque-t-elle d'entacher sa carrière à jamais ?

“Ni fiable, ni cohérent”

Pour Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences d'histoire contemporaine à l'université Paris Créteil et auteur de Michel Rocard, tout est une question “d’image donnée”. “Jusque-là, il a beaucoup joué sur son côté gendre modèle, bon père de famille, intervenant notamment dans l’émission La maison des Maternelles”, rappelle-t-il. Après avoir instauré une telle apparence, difficile donc, “de poursuivre sa campagne si ces vidéos étaient bien de lui”.

Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po et président de MCBG Conseil, abonde dans ce sens. Pour lui, “ce n’est pas un problème sexuel ou moral, mais un problème de cohérence et de fiabilité. Un homme politique, qui fait campagne avec son épouse, promeut la famille le jour et envoie des sextos à une inconnue la nuit n’est ni fiable, ni cohérent”. Plus largement, cette affaire renforce l’image que le grand public se fait des hommes politiques, qui apparaissent comme des “menteurs qui ont une double vie”.

Un contexte de défiance

“Il y a le sentiment qu’une fois de plus, un personnage politique tombe pour une question de vie personnelle, mais ça n’aurait pas fait une grande différence s’il était question de corruption”, avance de son côté Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences Po.

“Il sera difficile de revenir dans le jeu après une telle humiliation publique”

Pour le spécialiste en communication politique, l’image de Benjamin Griveaux est définitivement écornée. D’autant que l’ex-candidat LREM à Paris “était déjà impopulaire” et accusé de “faire perdre son camps” dans la capitale, rappelle Philippe Moreau-Chevrolet. Selon un sondage Odexa datant de fin janvier, il n’occupait que la troisième marche du podium avec 16% des intentions de vote.

“Il sera difficile de revenir dans le jeu après une telle humiliation publique” pour Philippe Moeau-Chevrolet, qui assure que la meilleure chose à faire pour l'ancien secrétaire d’État est “pour le moment, de se taire et disparaître”.

“Benjamin Griveaux a pris la bonne décision” en renonçant aux municipales, estime Philippe Moreau-Chevrolet, d’autant que “d’autres choses vont peut-être sortir, c’était intenable pour lui”. Bien que “difficile et courageuse”, “cette décision a vraisemblablement été plus facile à prendre que s’il avait été en tête des sondages”, relativise-t-il. “Être candidat à une telle élection nécessite d’être totalement mobilisé intellectuellement, émotionnellement, politiquement”, nous décrit Brunos Cautrès. Ce qui serait tout bonnement impossible dans ce contexte.

Vie politique et vie privée

De nos jours, “les hommes politiques ne peuvent plus avoir la vie privée de Monsieur Tout-le-monde”, décrit Philippe Moreau-Chevrolet. Une idée partagée par Bruno Cautrès, selon qui “la vie publique de la classe politique et la vie privée - voire intime - sont de plus en plus étroitement liées”

“L’affaire DSK reste en cela un tournant”, poursuit Philippe Moreau-Chevrolet. Même si, ici, les conditions sont bien différentes, puisque rien de répréhensible n’a - à ce jour - été dévoilé sur Benjamin Griveaux. “Nous sommes passé d’une époque d’un grand laxisme à l’égard de la vie privée de nos hommes politiques à une autre, où à l’inverse, on ne pardonne plus rien.”

En France pourtant, “les affaires privées des politiques choquent moins qu’aux États-Unis”, nous explique Pierre-Emmanuel Guigo, “les premières réactions semblent le confirmer”. De nombreux concurrents ont notamment fait valoir que ce type de révélations était “indigne”, “une honte” et un “abomination”. Pas sûr, cependant, que cet avis soit partagé par l’opinion publique.

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