Que sont les "bean bags", ces armes anti-émeutes utilisées par le Raid?

Que sont les "bean bags", ces armes anti-émeutes utilisées par le Raid?

Une enquête a été ouverte après l'hospitalisation en urgence absolue, vendredi, d'un jeune homme de 25 ans, qui pourrait avoir été la cible d'un projectile tiré par le Raid, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle). Selon sa famille, Aimène Bahouh se trouvait dans sa voiture, vitre ouverte, en rentrant de sa journée de travail, quand il a reçu "un 'bean bag' sur la tempe".

Le jeune homme, hospitalisé en urgence, a été opéré "pendant près de six heures" à l’hôpital d’Arlon (Belgique), avant d'être plongé dans un coma artificiel. La famille d'Aimène Bahouh a déposé plainte pour "violence volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique". Les investigations ont été confiées à l’inspection générale de la police nationale (IGPN), notamment pour déterminer si un "bean bag" est bien à l'origine des blessures du jeune homme. Il faut dire que la nature de ces projectiles tirés par les forces de l'ordre intrigue.

• Qu'est ce qu'un "bean bag"?

Un "bean bag", ou "sac de haricot" en français, est un projectile, qui se présente sous forme de sachet en coton rond, rectangulaire ou carré, tiré depuis un fusil ou un lance-grenades. Ce sachet, qui ressemble à une "chaussette", est rempli d'un matériau granulaire qui, selon les cas, peut être du plomb, du sable ou des billes d'acier.

Ce sac s'insère dans la douille de la cartouche de tir et, une fois lancé, il se déplie et frappe la personne ciblée par son côté plat. Le sachet peut également être imprégné de teinture pour repérer la cible par la suite. Selon nos confrères du Point, il s'agit d'une munition antiémeute, classée dans la catégorie des "moyens de forces intermédiaires", qui utilise la force cinétique, comme les flash-balls.

• Dans quel cadre cette munition est-elle utilisée?

Dans un rapport, l'École nationale de police du Québec explique que l'utilisation de ces projectiles vise à "dissuader, à repousser ou à induire de la douleur dans le but d'inciter à obéir, lors de prises d'otages ou en présence de barricades", mais aussi par les policiers pour "se protéger eux-mêmes".

Ce type de munitions a déjà été utilisé en France, notamment pendant les manifestations des "gilets jaunes". Selon le Midi Libre, des "bean bag" avaient été tirés par les policiers de la brigade de recherche et d'intervention (BRI), le 12 janvier 2019, pour disperser les casseurs. Elles ont également été employées par le Raid lors des émeutes de novembre 2022 à Mayotte, rapporte Le Figaro.

Mais la France n'est pas la seule. Ces munitions ont été utilisées lors des manifestations de Ferguson en 2014 aux États-Unis, dans celles de 2019 à Hong Kong contre la loi d'extradition ou lors des manifestations de 2019 au Chili.

Aux Etats-Unis, des "bean bags" ont été tirés par les policiers lors de manifestations liées à la mort de George Floyd au printemps 2020 à Austin, au Texas. Quatre hommes âgés de 18 à 26 ans ont été hospitalisés à la suite de blessures au niveau du crâne, dont deux avaient été pris en charge en soins intensifs.

• Ces armes peuvent-elles tuer?

Selon une étude de l'Université du Texas publiée en septembre 2020 par le New England Journal of Medecine, les "bean bags" sont des munitions "censées être moins létales et qui ne devraient pas causer de blessures pénétrantes lorsqu'elles sont utilisées à des distances appropriées". Mais elles "peuvent causer des dommages graves et ne sont pas appropriées pour une utilisation dans le contrôle des foules", soutiennent les universitaires.

"Il existe un risque de mort inhérent à l'usage de ces armes", explique l'universitaire Paul Rocher, auteur de Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l'arme non létale. "Le caractère prétendument non létal de l'arme incite à une utilisation moins prudente et plus abondante, rendant ces munitions plus dangereuses que par exemple les balles en caoutchouc".

Selon un rapport sur la prise en charge des personnes visées par ce type de tirs aux urgences, réalisé par la Société Française de Médecine d'Urgence en 2013, ce projectile, "même lorsqu'il est correctement déployé, et tiré à sept mètres de distance, peut occasionner des lésions sévères, voire mortelles", expliquent les médecins.

De son côté, l'ONU recommande de n'utiliser ce type de munitions "qu'en tir direct, dans le but de frapper le bas de l'abdomen ou les jambes d'un individu violent, et uniquement s'il existe un risque imminent de blessure". Car un tir au visage ou à la tête "peut entraîner une fracture du crâne et des lésions cérébrales, des blessures aux yeux, y compris la cécité permanente, et même la mort", explique l'ONU dans son rapport.

Article original publié sur BFMTV.com