Paris soutiendra Barnier pour la Commission s'il peut l'emporter

La France soutiendra Michel Barnier pour la présidence de la Commission européenne si le négociateur en chef chargé du Brexit est en mesure de s'imposer dans cette course qui connaîtra son épilogue cet été, a dit un proche d'Emmanuel Macron. /Photo prise le 23 février 2019/Michel Euler

PARIS (Reuters) - La France soutiendra Michel Barnier pour la présidence de la Commission européenne si le négociateur en chef chargé du Brexit est en mesure de s'imposer dans cette course qui connaîtra son épilogue cet été, a dit un proche d'Emmanuel Macron.

L'ancien ministre de l'Agriculture, toujours membre des Républicains malgré ses réserves vis-à-vis du programme de sa famille politique en vue des élections européennes du 26 mai, a refusé mercredi de dire s'il était intéressé par la succession du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

"Je suis aujourd'hui (...) totalement, à 100% concentré sur ma tâche. Vous voyez bien qu'elle n'est pas finie", a-t-il déclaré sur Franceinfo en référence aux négociations pour la sortie du Royaume-Uni de l'UE, fixée au 29 mars.

"Chaque chose en son temps", a-t-il toutefois ajouté, une formule qui ne ferme pas du tout la porte à une candidature.

En réalité, l'ancien commissaire européen chargé du Marché unique, qui a grandement contribué à la construction de l'union bancaire afin de renforcer l'euro, est bien intéressé.

"Barnier joue la présidence de la Commission", explique un proche du président français. "Macron le soutiendra s'il est à un moment donné en capacité de s'imposer. Mais la stratégie lui appartient, ce n'est pas une stratégie de Macron."

BILLARD À TROIS BANDES

Cette stratégie s'apparente à un billard à trois bandes.

En temps normal, la présidence de la Commission devrait revenir à l'Allemand Manfred Weber, un disciple de la chancelière Angela Merkel, qui a obtenu le 8 décembre le soutien du Parti populaire européen (PPE), un groupe de centre-droit qui est le plus important de l'Assemblée.

C'est ce qui avait permis à Jean-Claude Juncker de l'emporter en 2014 en étant "Spitzenkandidat" (tête de liste) du PPE, un mécanisme contesté par la France selon lequel le candidat de la liste arrivée en tête obtient le poste.

Si les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE font un autre choix, le Parlement menace de ne pas investir la Commission lors d'un vote en juillet prochain.

Mais les sondages montrent que le PPE chutera et que même une alliance - classique dans le passé - avec le deuxième groupe en importance, constitué de sociaux-démocrates et également en forte baisse annoncée, ne serait pas majoritaire à Strasbourg.

Emmanuel Macron oeuvre, lui, à la construction d'une alliance avec une série de formations centristes européennes pour contester la suprématie des deux grands groupes à Strasbourg afin de peser ensuite, en coalition avec les Verts, les libéraux et les sociaux-démocrates pour, en premier lieu, peser sur le choix du président de la Commission.

"Une forme de coalition est possible avec un degré d'ambition important", explique un proche du président.

La candidature de Michel Barnier ne peut donc être qu'une candidature de "recours", ajoute cette source, dans le cas - souhaité par l'exécutif français - où Manfred Weber échouerait à rallier une majorité derrière son nom.

UNE GRANDE ALLIANCE NÉCESSAIRE, DIT BARNIER

Le négociateur européen pour le Brexit, dont le travail a été salué à de multiples reprises par Emmanuel Macron et les autres dirigeants européens, a de son côté apporté mercredi un satisfecit à la politique européenne du président, demandant aux Républicains de "clarifier" leurs positions.

"Davantage que de vouloir régler des comptes au niveau national, ce qui m'intéresse, c'est que mon pays, comme il l'est aujourd'hui sous l'impulsion du président Macron - et je veux le dire parce que je le pense - reste un grand pays en tête du projet européen", a-t-il déclaré sur Franceinfo.

Michel Barnier a estimé qu'une alliance du PPE avec les autres partis "classiques", hors extrême droite et extrême gauche, allait être une nécessité au sein du prochain Parlement européen.

"Ce parti a toujours travaillé avec les autres et ça va être cette fois-ci une obligation, que le centre-droit, le Parti socialiste, les libéraux, la grande nouvelle famille centriste à laquelle appartiendra sans doute le parti En Marche, et sans doute aussi les Verts, travaillent ensemble pour changer ce qui doit l'être et maintenir ce qui doit l'être au niveau européen", a-t-il dit.

Il a néanmoins suggéré qu'il voterait pour son camp politique aux élections européennes du 26 mai.

"Je reste dans ma famille qui est du Parti populaire européen", a-t-il expliqué.

Les Républicains, qui ont pourtant appuyé la candidature de Manfred Weber, ne sont d'ailleurs pas opposés à une éventuelle nomination de Michel Barnier.

"Dans l'absolu, évidemment, Michel Barnier est quelqu'un dont les qualités ne sont pas à démontrer et dont la compétence sur les questions européennes est incontournable", a dit François-Xavier Bellamy, la tête de liste LR pour le scrutin du 26 mai, lors d'un déjeuner avec des journalistes d'Europresse.

(Yves Clarisse, avec Danielle Rouquié, édité par Elizabeth Pineau)