Bac 2023: sujet par sujet, voici ce qu'attendent les correcteurs dans les copies de philosophie

Une épreuve aux enjeux amoindris, mais à la symbolique intacte. Ce mercredi, 530.000 lycéens planchent sur l'épreuve de philosophie du baccalauréat. Jusqu'à cette année, cette matière appréciée ou redoutée lançait une série d'épreuves mettant les nerfs de lycéens à rude épreuve. Avec l'entrée en vigueur de la réforme, la plupart des lycéens savent avant de prendre leur stylo s'ils obtiendront leur diplôme.

Reste que la séance de réflexion de 4 heures n'a pas tant changé dans la forme. Les futurs bacheliers ont dû choisir entre deux sujets de dissertation et un commentaire de texte. Pour BFMTV, le professeur de philosophie Gilles Vervisch a décodé les sujets proposés, les idées à mettre en avant et les pièges à éviter. Une cuvée très "classique".

SÉRIE GÉNÉRALE

Dissertation 1 - Le bonheur est-il une affaire de raison?

Pour les élèves, il s'agit d'un sujet "assez banal" selon Gilles Vervisch. Il implique deux notions au programme: le bonheur et la raison. "La problématique de base, la raison est-elle un obstacle au bonheur? Le bonheur est-il une affaire de raison?", ébauche l'enseignant. Deux courants de pensée peuvent être attendus dans les copies. D'abord, les stoïciens grecs.

"Ils pensent que le bonheur est une affaire de raison, qu'il faut être raisonnable pour être heureux", détaille le professeur.

Pour démontrer la pensée inverse, les philosophes en herbe pouvent citer la philosophie d'Emmanuel Kant. "Il dit plutôt qu'on ne peut pas savoir comment être heureux puisqu'on ne sait pas ce qu'est le bonheur. Il est donc difficile de l'atteindre".

Ce qu'il fallait éviter

Réciter son cours sans faire attention à la question. "Il ne fallait pas trop réciter son cours sur le bonheur", et "ne pas dévier sur le désir". Mais globalement, le sujet n'était "pas trop piégeux", selon Gilles Vervisch.

Dissertation 2 - Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice?

C'est le sujet glissant, car, contrairement à la justice, la paix n'est pas une notion au programme. "La difficulté réside dans le fait de savoir si l'on parle de justice à titre individuel ou collectif", estime le professeur.

"Il y a aussi une notion un peu cachée dans ce sujet, celle de l'État et de la politique".

Dans les auteurs qui pouvent agrémenter les copies, Thomas Hobbes qui s'intéresse à l'état de nature et pense qu'on peut "maintenir la paix en portant atteinte à la justice". Blaise Pascal peut aussi être attendu.

Ce qu'il fallait éviter

Parler trop d'actualité. Le risque pour les élèves est de "trop faire du café du commerce", craint le professeur de philosophie. Autre piège, trop réciter le cours sur la justice et la politique, au risque de passer à côté de la notion importante de paix. Ce sujet étant un peu plus corsé, les correcteurs devraient être plus indulgents et ouverts à la réflexion, surtout sur le concept de paix.

SÉRIE TECHNOLOGIQUE

Dissertation 1 - L'art nous apprend-il quelque chose?

Pour Gilles Vervisch, l'art est un grand classique qui tombe chaque année. L'idée générale à en tirer: "savoir si l'art est un divertissement qui nous détourne de la réalité, qui s'adresse simplement aux sentiments ou s'il y a un contenu intellectuel ou spirituel dans celui-ci". Pour lui, la réponse à la question est plutôt claire, l'art apprend quelque chose, "il faut plutôt se demander quoi".

Pour les auteurs, les élèves peuvent s'appuyer sur les écrits de Georg Wilhelm Friedrich Hegel, par exemple. Il pense que le beau est une manifestation des idées. Henri Bergson, lui, estime que le langage n'est pas un bon moyen de connaître le monde, contrairement à une forme de l'expression comme l'art. Au contraire, Aristote peut servir à nourrir l'antithèse. Celui-ci avance que l'art dramatique sert à la "catharsis", à se défouler, plutôt qu'à apprendre.

Ce qu'il fallait éviter

Les références hasardeuses. "Il est intéressant pour ce sujet de trouver des œuvres", explique l'enseignant. Certaines sont à éviter, comme le tableau Guernica de Picasso, jugé trop peu original. Par ailleurs, il faut éviter les références à la pop culture.

"Il est mieux d'éviter de parler simplement de mangas (...) il y en a qui vont même jusqu'à amener des joueurs de foot dans les copies. Je conseille de privilégier les références classiques", résume le professeur.

Les correcteurs pourront également reprocher l'aspect "liste de course" des copies, si la pensée résumée n'était qu'une accumulation d'exemples.

Dissertation 2 - Transformer la nature, est-ce gagner en liberté?

Pour cette deuxième option du bac technologique, la réponse ne coulait pas de source. Une réflexion pertinente dans le cadre de ce sujet était l'ambiguïté de la réponse à la question. "Transformer la nature nous libère justement de la nature, la question pourrait être: 'comment on la transforme?'", émet le spécialiste. Autre piste, "en transformant la nature, l'homme se rend-il dépendant de ce qu'il a lui-même amené?". Spontanément, le professeur pense à l'exemple concret de l'intelligence artificielle qui pourrait nous servir jusqu'au point de la dépendance.

Pour les auteurs attendus dans les copies, on peut citer Karl Marx, qui pense que le travail libère l'homme, mais que l'organisation sociale du travail qui en découle l'aliène. Les élèves pouvaient aussi faire référence au mythe de Prométhée, qui raconte que l'homme est devenu libre après s'être libéré de la nature.

La pensée de Jean-Jacques Rousseau peut aussi être développée pour ce sujet, ou, pour une touche d'originalité, le naturaliste Henry David Thoreau. "Il explique que l'homme sauvage est plus libre, car la technique nous rend moins libres en nous rendant dépendants de toutes nos machines".

Ce qu'il fallait éviter

Mal problématiser. Pour l'enseignant, le risque de ce sujet est que les élèves soient trop restés collés à leurs cours et passent à côté de la problématique sous-jacente du travail.

Article original publié sur BFMTV.com