Comment le béluga et d’autres animaux marins se retrouvent-ils dans la Seine ?

A beluga whale is seen swimming up France's Seine river, near a lock in Courcelles-sur-Seine, western France on August 5, 2022. - The beluga whale appears to be underweight and officials are worried about its health, regional authorities said. The protected species, usually found in cold Arctic waters, had made its way up the waterway and reached a lock some 70 kilometres (44 miles) from Paris. The whale was first spotted on August 2, 2022 in the river that flows through the French capital to the English Channel, and follows the rare appearance of a killer whale in the Seine just over two months ago. (Photo by Jean-François MONIER / AFP)

JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Le béluga a été sorti de l’eau et a dû être euthanasié ce mercredi 10 août mais on ignore toujours les raisons de sa présence dans la Seine.

BÉLUGA - Comment est-il arrivé là ? Ce mardi 9 août dans la soirée, près d’une centaine de personnes étaient mobilisées pour une opération d'extraction d’un béluga d’une enclave dans la Seine. Malheureusement, l’animal mal en point depuis plusieurs jours, a finalement dû être euthanasié.

Une issue fatale qui relance aussi la question de la présence de l’animal dans ce fleuve alors qu’il évolue traditionnellement dans des eaux froides. Avant le cétacé, d’autres animaux, comme une orque en mai dernier, un crocodile en 1974 et un python en 2012, se sont eux aussi retrouvés piégés dans la Seine.

Dans le cas du béluga, l’autopsie devrait permettre d’éclairer en partie son parcours. « Soit l’animal meurt et on peut faire des autopsies pour déterminer les raisons de sa présence et les causes de la mort, comme ça a été le cas pour l’orque. Soit l’animal s’en sort, et ça reste des hypothèses », explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association Bloom oeuvrant pour la conservation marine, interrogé par Le HuffPost.

Pollution sonore, la piste privilégiée

Il faut donc rester prudent avec les suppositions car les bélugas sont des espèces très complexes composées de différents groupes aux comportements variés. Des éléments du fonctionnement des sociétés de cétacés restent encore incompris précise au HuffPost Jean-Luc Jung, enseignant Chercheur au Muséum national d’Histoire Naturelle : « même si ce cas est très très spectaculaire, on trouve des individus solitaires chez ces mammifères. Mais la question c’est d’où ça vient : est-ce que ce comportement est normal ? Est-ce que des bélugas vont devenir solitaires ? Est-ce que les activités humaines peuvent induire des comportements solitaires ? Tout ça est possible. »

Trois pistes sont pour l’instant privilégiées par les associations de protection du milieu marin. La première : le béluga serait un jeune mâle dont le goût pour l’exploration l’aurait poussé à quitter son groupe. La deuxième évoque plutôt son état de santé dégradé (maladie, isolement social…) qui expliquerait son égarement. Enfin, la troisième hypothèse penche plutôt pour la pollution sonore due à un chantier à l’embouchure du Havre, qui aurait désorienté l’animal.

Cette dernière piste est pour le moment privilégiée par Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France, qui exprime son inquiétude dans les colonnes du JDD : « ​​Les cétacés sont très sensibles au bruit et l’estuaire du Havre est une zone où le trafic maritime est très intense, ce qui a toujours été le cas. Récemment, le nouvel élément qui pourrait être en partie en cause est le chantier d’éoliennes au large de Courseulles-sur-Mer(...) »

Une communication brouillée par les activités humaines

Cette piste est aussi jugée « très probable » par Frédéric Le Manach. Les mammifères marins possèdent des systèmes acoustiques très sensibles pour se repérer dans leur environnement. Certains sont dotés d’un sonar interne, dont l’écho les renseigne sur la distance et la nature des reliefs qui les entourent mais aussi sur la présence de congénères : « leurs sonars peuvent être perturbés par les transports maritimes, les bateaux militaires qui utilisent aussi des sonars. On a régulièrement des cas dans le monde de cétacés qui échouent, qui se perdent ou qui deviennent sourds à cause des sonars liés aux activités humaines. »

Ces perturbations sonores empêchent donc les cétacés de communiquer entre eux, de chasser, et peuvent même leur être mortelles. D’autres activités humaines ont des impacts très forts sur le milieu marin, complète Jean-Luc Jung : « les pollutions sonores et chimiques, les modifications des habitats, trafic maritime et collisions, sont autant d’exemples de ces impacts ».

La pollution chimique de l’eau liée notamment aux rejets industriels, a d’ailleurs très bien pu provoquer les problèmes digestifs révélés lors des examens médicaux effectués sur le béluga ce matin, nous confirme le chercheur.

Des animaux sauvages en captivité ou abandonnés

Autre activité anthropique à risque pour les animaux marins : le trafic. Une femelle crocodile, une tortue alligator, ou un python de 40kg kilos et trois mètres de long ont été retrouvés dans les profondeurs du fleuve ces dernières années. Souvent ce ne sont pas des animaux sauvages, explique Frédéric Le Manach, « ils sont détenus par des zoos, des parcs animaliers ou même par des particuliers. Parfois l’animal s’échappe, parfois ce sont les particuliers qui en ont marre et s’en débarrassent. »

Un destin tragique pour ces nouveaux animaux de compagnie dont l’acquisition est pourtant soumise à une législation stricte, surtout si leur dangerosité est avérée. Quand le python a été repêché en 2012, la Préfecture de police a déploré dans un communiqué que des particuliers achètent sur un coup de tête des espèces exotiques : « à taille adulte, ils finissent souvent par poser un véritable problème de cohabitation en milieu urbain, dans des espaces et sous des climats inappropriés. »

« Il y a aussi des cétacés comme des dauphins et des bélugas en captivité qui sont ensuite relâchés », rappelle Jean-Luc Jung. En 2002, la libération de l’orque Keiko s’est mal terminée, l’animal ne s’est jamais adapté à sa liberté et est mort en quelques mois. « Ça pourrait aussi faire partie des pistes… Mais qu’importe les raisons de comment les animaux arrivent dans la Seine, l’important c’est que maintenant ils deviennent des emblèmes de la protection des espèces », poursuit-il.

D’autant plus que les bélugas sont des indicateurs de la qualité des milieux naturels, « ce sont des animaux avec une très longue durée de vie, et particulièrement exposés aux pollutions humaines. Quand on voit des groupes de cétacés avec des problèmes de santé, qui disparaissent, avec des comportements aberrants, c’est que les impacts de nos activités sont importants ». Le chercheur conclut avec insistance : « Il faut que l’accident avec le béluga devienne un symbole pour protéger l’ensemble des espèces dans leur milieu naturel. »

À voir aussi sur Le HuffPost : Béluga dans la Seine : pourquoi l’animal n’est pas extrait

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