Avortement remis en cause aux États-Unis: le témoignage déchirant d'une élue démocrate au Congrès

Mercredi, les républicains ont lancé leur offensive contre le droit à l'avortement à la Chambre des représentants américaine où ils sont désormais majoritaires. Une représentante démocrate de Floride est alors montée à la tribune pour faire d'une expérience personnelle, remontant à l'époque où l'IVG était interdit au plan national.

Forts de leur majorité dans la nouvelle Chambre des représentants, les républicains sont passés à l'attaque dès mercredi pour remettre en cause davantage encore le droit à l'avortement aux États-Unis.

Les textes présentés par la droite américaine visent notamment à enjoindre les médecins officiant lors de l'intervention à tout mettre en œuvre pour "sauver le fœtus" avorté, ou à permettre aux pharmaciens de faire valoir une clause de conscience afin de refuser de vendre la pilule abortive. Pilule dont l'Agence nationale du médicament a tout juste signé l'autorisation de mise sur le marché, le 3 janvier dernier.

Des mesures qui n'ont toutefois aucune chance d'être adoptées par le Congrès, les démocrates conservant la main au Sénat. Mais tandis que la Cour suprême a abrogé l'arrêt Roe vs. Wade en juin dernier, permettant à de nombreux États d'interdire l'IVG localement, l'offensive législative n'a rien d'anecdotique. C'est en tout cas dans ce contexte qu'il faut resituer le discours prononcé mercredi par Frederica Wilson, au sujet d'une expérience encore douloureuse une cinquantaine d'années après.

Dans cette intervention mise en ligne sur Twitter et relayée par le Guardian, la représentante démocrate de Floride a ainsi raconté avoir dû conserver jusqu'à terme son fœtus mort dans son ventre, en raison de la législation du temps.

"L'une des plus grandes souffrances de ma vie"

Le tweet introduisant la vidéo de son passage au micro de la Chambre des représentants a prévenu son auditoire.

"Aujourd'hui, j'ai revécu à la Chambre l'une des plus grandes souffrances de ma vie. J'ai raconté comment j'avais été forcée de porter mon bébé mort. La loi interdisant à l'époque de provoquer l'accouchement, j'ai dû garder mon enfant décédé dans mon corps deux mois de plus et j'ai failli en mourir. On ne peut pas en revenir là", affirme-t-elle.

Un rêve qui cesse de bouger

L'histoire de Frederica Wilson, aujourd'hui âgée de 80 ans, n'est donc pas le récit d'une grossesse non-désirée et impromptue. Au contraire, comme elle le souligne en ouverture, jeune fille, elle s'était toujours imaginée avec des enfants. Et dans un premier temps, il a paru que son rêve était sur de bons rails.

"Après mon mariage dans les années 1960, je suis vite tombée enceinte. C'était la plus grande joie de ma vie, l'extase. Mon mari était aux anges. Tous les deux, on touchait sans arrêt mon ventre pour sentir notre petit garçon bouger et la beauté de cette vie croissant en moi", a-t-elle ainsi témoigné.

Malheureusement, au bout de sept mois de grossesse, elle cesse de sentir les mouvements du fœtus. Direction l'hôpital, où le corps médical lui confirme que celui-ci est mort dans son ventre.

Les médecins ne peuvent rien pour elle

Les médecins ne peuvent pas lui venir en aide en revanche: provoquer la sortie du fœtus reviendrait à avorter la patiente, or, quelques années avant l'arrêt Roe Vs. Wade de 1973, la chose est illégale dans tout le pays.

C'est l'amorce de terribles semaines pour Frederica Wilson:

"Je pleurais jour et nuit. Mon petit corps était perclus de douleurs, de fragilités, de faiblesses. J'ai perdu une vingtaine de kilos. Je me lovais en position fœtale sur les genoux de ma mère toute la journée, et de mon mari toute la nuit".

Au bout de huit mois et demi, elle accouche enfin. Après être sortie la maternité, on organise une cérémonie pour le tout jeune défunt: "On a fait un petit enterrement pour le bébé Wilson et les docteurs avaient une peur bleue que mon petit enterrement à moi soit pour bientôt". En effet, alors qu'elle portait encore le fœtus inanimé, les praticiens lui ont dit que la décomposition de ses tissus l'exposait à des complications ultérieures.

Frederica Wilson interpelle les républicains

Il n'en sera rien heureusement et Frederica Wilson a eu plus tard trois fois le bonheur de donner la vie, comme l'indique sa notice biographique officielle. Mais l'octogénaire craint que ses cadettes croisent son destin si le droit venait à changer. "Ne nous ramenez pas aux jours d'avant Roe vs. Wade!", a-t-elle lancé aux élus républicains. Comme le montre la séquence ci-dessous, elle a également fulminé une harangue plus offensive:

Un autre facteur a poussé Frederica Wilson jusqu'à la tribune. La parlementaire a expliqué avoir lu une étude publiée en juin dernier, évaluant les conséquences d'une interdiction de l'avortement au plan fédéral sur les taux de mortalité en couches selon les États. Or, c'est dans la Floride qui l'a élue que ce taux serait le plus important - à égalité avec la Géorgie - après une hausse de 29%, avec une prévalence des femmes noires ou hispaniques parmi les victimes.

Article original publié sur BFMTV.com

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