Avant les JO de Paris 2024, la prostitution est la cible de politiques répressives selon Act Up

Act Up alerte sur la hausse des contrôles policiers à l’encontre des TDS à l’approche des JO.
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP Act Up alerte sur la hausse des contrôles policiers à l’encontre des TDS à l’approche des JO.

PROSTITUTION - Les Jeux Olympiques, un prétexte pour mener des politiques répressives à l’encontre du travail du sexe ? C’est ce qu’avance un rapport d’Act Up, paru le 6 mars et qui sera présenté publiquement le 15, dans lequel l’association alerte sur les impacts négatifs des Jeux sur les travailleuses et travailleurs du sexe (TDS) à Paris.

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Selon Act Up, si des politiques répressives sont mises en place à l’approche des JO, comme lors d’autres grands événements sportifs dans le monde, c’est que les pouvoirs publics s’appuient sur un mythe : que ces moments de rassemblements entraîneraient une hausse de la prostitution.

Des contrôles renforcés…

Selon le rapport d’Act Up, qui s’appuie sur de nombreuses études, mais aussi sur les informations des associations de terrain et des TDS, la répression policière s’est accrue à l’approche des Jeux, avec parfois une évolution des pratiques. « Cette approche qu’on peut qualifier de “tout répressif” a des conséquences manifestes sur la sécurité et la santé des travailleuses du sexe », dénonce l’association.

Ainsi, les acteurs du terrain ont tous relevé une recrudescence des contrôles ciblant spécifiquement les travailleuses du sexe d’origine étrangère, comme les femmes d’origine chinoise, situées dans le quartier de Belleville, où les contrôles ont lieu trois fois par semaine. Ces TDS sont parfois ciblées par des obligations de quitter le territoire français, et celles qui ont un titre de séjour « se voient refuser le droit d’exercer le travail sexuel en rue, alors même que le délit de racolage a été abrogé en 2016 », précise le rapport.

Les forces de l’ordre effectuent également davantage de contrôles, parfois musclés, dans les bois de Boulogne, de Vincennes, ou dans le quartier de Strasbourg Saint-Denis. Elles diffuseraient aussi l’information selon laquelle les TDS n’auraient plus le droit de travailler pendant les Jeux, « sans aucune base légale », dénonce Act Up. Selon l’association Altaïr, les TDS du bois de Boulogne « sentent que leur but [des forces de l’ordre, ndlr] est de voir leurs activités se réduire avant le lancement des JO et sont donc très inquiètes ».

...aux effets néfastes

Ces contrôles accrus ne sont pas sans conséquence pour les TDS, qui sont contraintes à changer leurs modalités de travail. Ce phénomène s’observe depuis la loi sur la pénalisation des clients, selon Act Up, pour qui « les politiques de répressions du travail sexuel ne font que favoriser des formes d’exploitation ».

Les TDS sont ainsi « poussées à aller travailler dans d’autres villes, à exercer non plus en rue mais via Internet ». Et celles qui ne maîtrisent « pas suffisamment le Français n’ont pas d’autres solutions que de passer par un tiers pour la location d’un appartement de travail et la gestion de leur annonce ».

En cas de violences à l’encontre des TDS, ces dernières n’osent pas crier, appeler la police ou porter plainte, par crainte de perdre leur appartement de travail. En partant loin de Paris pendant les JO, les TDS craignent également d’être coupées de leur communauté et des associations qui les accompagnent, ce qui pourraient entraîner « une rupture dans l’accompagnement médico-social ».

Ce n’est pas la première fois que des mesures répressives sont prises à l’encontre des TDS à l’approche d’un grand événement sportif, en France comme dans le monde. Peu avant la Coupe du monde de Rugby en 2023, la préfecture du Rhône avait pris un arrêté anti-camionnettes dans les 7e et 8e arrondissements de Lyon, afin que les TDS ne soient plus aux abords du stade Gerland. Cet arrêté a été prolongé après l’événement sportif.

Autre exemple, cette fois-ci à l’étranger : à Londres, peu avant les Jeux Olympiques de 2012, le maire de l’époque - un certain Boris Johnson - avait fermé pas moins de 80 hôtels de passes, forçant ainsi les TDS à exercer dans la rue.

Le mythe de la hausse de la prostitution

Ces politiques s’appuient sur une idée reçue, selon Act Up : les grands événements sportifs augmenteraient la prostitution et la traite d’êtres humains à des fins de commerce du sexe, à cause du nombre de personnes qui affluent pendant cette période. Un mythe, selon l’association, qui cite plusieurs études pour le démontrer.

C’est lors des Jeux d’Athènes de 2004 que cette idée est apparue : « Ce discours n’est pas venu des organisations internationales de lutte contre la TEH [la traite d’êtres humains, ndlr] ou des associations communautaires de travailleuses du sexe, mais plutôt des gouvernements d’Europe du Nord qui ont voulu critiquer la politique du gouvernement grec en matière de réglementation de la prostitution. » Mais les associations de terrain n’ont « enregistré aucun cas de trafic à des fins d’exploitation sexuelle lié aux JOP de 2004 ».

Idem pour les Jeux de Londres de 2012 ou de Rio en 2016 : des rapports indiquent qu’aucune hausse de la prostitution ou de la traite des personnes à des fins d’exploitation dans le commerce du sexe n’a été constatée. Selon Christina Arnold, de l’ONG Project Hope International, citée dans le rapport, « le nombre de victimes de la traite dépend beaucoup plus de la hausse de la pauvreté, des options économiques limitées et d’un mauvais accueil des personnes migrantes que des fluctuations temporaires du nombre de clients potentiels ».

Ainsi, selon Act Up, ce mythe est plutôt utile aux politiciens. Il leur « permet de se donner une bonne image » en faisant croire qu’ils luttent contre la traite. Selon l’association, il leur permet aussi de « poursuivre des agendas politiques réactionnaires » et ainsi de justifier ces mesures répressives. Au grand dam des premières concernées, les TDS.

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