Autonomie, langue corse, amnistie des prisonniers... Macron attendu de pied ferme en Corse

Moins de six mois après sa rencontre avec des élus corses au ministère de l'Intérieur, le revoilà. Emmanuel Macron se rend à partir de ce mercredi jusqu'à vendredi sur l'île de Beauté, trois ans après sa dernière visite. Les autonomistes l'attendent de pied ferme.

Annoncé par Gérald Darmanin mi-septembre, ce déplacement qui aura lieu à l'occasion des commémorations des 80 ans de la Libération de la Corse devrait être très scruté, dans un contexte très sensible pour l'exécutif.

"Une potentielle autonomie" mise sur la table après des échauffourées sur l'île

À trois semaines de la dernière présidentielle, l'île s'était enflammée après les obsèques d'Yvan Colonna, mort d'une agression en prison. Ce militant indépendantiste avait été condamné pour l'assassinat du préfet Érignac en 1998.

Pour calmer les esprits, le ministre de l'Intérieur s'était alors engagé à discuter de l'avenir de l'île, "jusqu'à une potentielle autonomie".

Alors que le sujet semblait au point mort depuis plusieurs années, les oppositions s'étaient agacées que cette thématique revienne dans le débat à la faveur d'une flambée de violences.

Le gouvernement coincé en pleine présidentielle

Mais le gouvernement avait-il vraiment le choix? Régulièrement attaqué sur son bilan sécuritaire, les images avaient été désastreuses pour le président, entre blocage de lycées et gendarmes qui ne parvenaient pas à débarquer, bloqués par les marins du port de Bastia.

La pression avait fini par redescendre à la faveur de l'octroi d''un régime de semi-liberté des deux autres membres du commando Erignac -une demande de longue date.

Depuis, le président s'est efforcé d'arrondir les angles. En février dernier, il s'était invité au ministère de l'Intérieur lors d'une table ronde avec les élus corses sur l'avenir de l'île.

Darmanin évoque finalement "le faisable"

Le chef de l'État s'était alors dit ouvert à toutes les solutions évoquées par les élus, de l'autonomie à la différenciation, réitérant toutefois deux "lignes rouges", à savoir le maintien de "la Corse dans la République" et "le refus de créer deux catégories de citoyens".

Gérald Darmanin a depuis continué les échanges avec les élus corses, tout en laissant entendre début septembre que l'évolution du statut de l'île n'avait rien de simple.

"La politique ce n'est pas l'idéal (..) c'est toujours le faisable", avait-il prévenu, rappelant que tout changement constitutionnel devrait être "adopté par un compromis politique institutionnel".

Comprendre: toute modification devrait passer par les fourches caudines du Parlement, réuni en Congrès.

"Nous vendre des choses qui n'ont rien à voir"

Autant dire que la mission semble quasiment impossible avec une chambre haute LR et un Palais-Bourbon sans majorité absolue pour le chef de l'État. De quoi pousser le locataire de la place Beauvau à ouvrir d'autres sujets comme "l'autonomie énergétique" pour éviter "d'envoyer ses déchets dans d'autres pays".

"À ce moment-là, chacun a bien compris qu'on s'éloignait de l'autonomie politique pour vendre des choses qui n'ont rien à voir avec tout ça", résume un député qui suit de près le dossier.

Emmanuel Macron lui-même avait évoqué d'éventuelles évolutions dans son projet de réforme de la Constitution "après l'été". Mais le président s'est ensuite gardé de remettre le sujet sur la table.

L'arrivée des nationalistes au pouvoir change la donne

Les relations entre le locataire de l'Élysée avaient pourtant commencé sous d'excellents auspices. Avant le premier tour en 2017, celui qui était alors candidat avait tenu des mots doux aux oreilles des nationalistes, se disant même prêt à "envisager de réviser la Constitution".

Mais de retour en Corse en février 2018, le ton de celui qui, entre-temps a accédé à l'Élysée, change. Plus question de parler d'autonomie. Il faut dire que le contexte politique a changé.

Les nationalistes ont remporté quelques mois plus tôt les élections territoriales et posent très vite sur la table plusieurs revendications comme un statut officiel pour la langue corse ou encore l'amnistie des "prisonniers politiques".

Jacqueline Gourault, alors ministre en charge des Collectivités territoriales, ne fait pas semblant: "Le mot autonomie ne sera pas dans la Constitution", annonce-t-elle deux mois plus tard.

Des relations compliquées ces dernières années

Après cet épisode, les relations entre Emmanuel Macron et la Corse se tendent. Au point que, lorsqu'il se rend dans le village de Cozzano en avril 2019 à l'occasion d'un Grand débat organisé pour répondre à la crise des Gilets jaunes, les indépendantistes boudent ce rendez-vous.

En 2020, l'Élysée tente bien de recoller les morceaux lors d'un dîner avec les élus insulaires, sans guère de succès. Bis repetitia lors d'un dîner à Paris en septembre 2021. Jusqu'à la mort d'Yvan Colonna et les échauffourées en Corse.

Une autonomie soutenue dans les sondages

La visite présidentielle apportera-t-elle des réponses concrètes aux autonomistes? L'Assemblée de Corse a en tout cas poussé ses pions, en faisant longuement la promotion d'une étude vantant les mérites d'un nouveau statut pour l'île.

Emmanuel Macron sait en tout cas qu'il joue sur du velours. Une majorité de Français (53%) soutient un éventuel "statut d'autonomie de plein droit et de plein exercice" pour la Corse, d'après un sondage Ifop.

Article original publié sur BFMTV.com