Des auberges mexicaines pour migrants LGBT+, refuges contre les discriminations

Victoria Davila, jeune femme trans vénézuélienne, lors d'une interview au centre d'accueil de migrants LGBT+ "Casa Frida", le 24 juin 2024 à Mexico (ALFREDO ESTRELLA)
Victoria Davila, jeune femme trans vénézuélienne, lors d'une interview au centre d'accueil de migrants LGBT+ "Casa Frida", le 24 juin 2024 à Mexico (ALFREDO ESTRELLA)

Vulnérables entre toutes et tous, les migrantes et migrants de la communauté LGBT+ disposent d'au moins deux auberges au Mexique qui les protègent des discriminations multiples subies sur leur chemin vers les Etats-Unis.

De la capitale Mexico, qui se prépare pour la marche des fiertés samedi, à la ville-frontière Tijuana, des activistes mexicains accueillent ces personnes qui fuient comme d'autres migrants d'Amérique centrale la violence et la pauvreté, mais aussi la transphobie.

"Migrer, ça veut dire refaire sa vie ailleurs", affirme Victoria Davila, une femme trans de 23 ans, qui a abandonné son Venezuela natal en raison des "situations de risques" qu'elle affirme ressentir là-bas au quotidien.

"Par exemple, la transphobie, les attaques dans la rue, et le rejet de notre identité, ou le fait que l'on ne nous donne pas de travail", explique-t-elle dans la Casa Frida, un refuge ouvert en 2020 à Mexico pour faire face à l'arrivée croissante de migrants LGBT+.

La jeune femme vit depuis deux mois dans cette structure qui a des antennes à Tapachula, à la frontière avec le Guatemala, et à Monterrey, dans le nord, à 220 km du Texas.

Artiste drag queen, Victoria a été victime d'un employeur mexicain qui lui a confisqué ses papiers et l'a forcée à se prostituer sans la payer.

Dans ce contexte, elle affirme avoir trouvé "une famille" au refuge, un endroit où elle assure avoir été "reçue à bras ouverts, et respectée dans ses choix".

"La Casa Frida est un espace de paix. Un espace de liberté pour certaines personnes, pour pouvoir exprimer ce qu'elles sont réellement", affirme Angélica Guzman, une avocate de 24 ans, et travailleuse sociale au centre d'accueil.

"La scène drag ici à Mexico est très bonne et très bien reçue", se félicite-t-elle.

Victoria Davila a décidé de rester dans la capitale mexicaine, à la différence de la plupart des migrants qui ont les Etats-Unis en ligne de mire.

- Mourir "parce que gay" -

Originaire du Guatemala, Shirlei Vazquez, 27 ans, se trouve à Tijuana, à la frontière des Etats-Unis, dans la Casa Arcoiris (maison Arc-en-ciel), un espace créé en 2019 pour fournir un toit, des repas et des soins médicaux et psychologiques aux migrants LGBT+.

"J'ai été victime d'agression dans mon pays. On me disait qu'on allait me brûler parce que je suis gay, qu'on allait me frapper", affirme la jeune femme trans de 27 ans. "J'avais deux solutions: ou bien mourir dans mon pays, ou bien chercher l'asile".

Pour Shirlei et d'autres personnes transgenres, la traversée du Mexique a été rythmée par la peur des extorsions perpétrées notamment par la police, et par les violences sexuelles.

Les personnes LGBT+ préféraient avancer seules lors des grandes caravanes de migrants de 2018, à l'intérieur desquelles elles étaient discriminées, se souvient Andrea Gonzalez, directrice de la maison Arcoiris.

"La discrimination se fait également sentir dans les choix économiques, dans la possibilité d'accéder à l'éducation et à l'emploi. Généralement dans notre communauté, la famille est la première qui t'expulse", explique-t-elle.

Les difficultés et les vulnérabilités des membres de la communauté LGBT+ "sont exacerbées par leur statut de migrants, de demandeurs d'asile, de réfugiés ou de déplacés internes", d'après un rapport d'un groupe d'experts de l'ONU en 2022.

- "Si je ne te plais pas, regarde ailleurs" -

Sandy Montoya, une femme transgenre originaire du Honduras, affirme que les sociétés conservatrices d'Amérique centrale génèrent de "nombreuses discriminations" envers "les jeunes femmes et les jeunes hommes trans".

"Il y a eu plusieurs morts. Le gouvernement ne fait rien pour que la justice soit rendue", dénonce Mme Montoya, arrivée au centre d'accueil en mai avec l'intention de demander l'asile aux autorités américaines.

L'attente pour un rendez-vous est passée de deux à neuf mois, raison pour laquelle beaucoup de migrants ont choisi de chercher un emploi à Tijuana.

A Mexico, Victoria Davila affirme avoir "tout le courage" nécessaire pour construire son "propre avenir". "Je dois démontrer que je suis et que j'existe. Si je ne plais pas à quelqu'un, que cette personne regarde ailleurs."

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