Au second tour des législatives, le poids de l’abstention qui peut tout changer

Photo d’illustration prise lors du 1er tour le 30 juin à la Réunion.
RICHARD BOUHET / AFP Photo d’illustration prise lors du 1er tour le 30 juin à la Réunion.

POLITIQUE - « Rien n’est fait ». À trois jours du second tour des élections législatives, les injonctions à se rendre aux urnes viennent de tous les camps. Au premier tour pourtant, la participation a frôlé des records, 18 points en plus par rapport à 2022. Mais depuis le début de l’entre-deux-tours, le risque d’une abstention élevée le 7 juillet est dans toutes les têtes.

La carte des candidats aux législatives pour le second tour, par ville et circonscription

« J’espère que la participation sera massive au second tour car rien n’est fait », déclare Gabriel Attal sur BFMTV le 3 juillet. Le lendemain, Raphaël Glucksmann s’inquiète de sentir « déjà le sentiment d’urgence disparaître ». En face, Marine Le Pen s’adresse directement sur BFMTV aux « quelques millions d’électeurs » RN de la présidentielle 2022 qui se sont abstenus le 30 juin.

Pour le parti lepéniste, l’enjeu est d’avoir le plus de députés possibles, idéalement la majorité absolue. Pour Renaissance, ses alliés et la coalition du Nouveau Front Populaire, la mobilisation doit au contraire empêcher cette majorité absolue, susceptible de faire entrer Jordan Bardella à Matignon. C’est dans cette logique que se sont organisés les désistements en macronie et à gauche. À la clôture des dépôts de candidatures, l’AFP en dénombrait 214. Ce qui ne laisse plus que 110 triangulaires et quadrangulaires, sur les 311 prévues à la sortie des urnes, avec un effet visible sur le rapport des forces à l’Assemblée selon un premier sondage.

Les désistements à double tranchant

Les inquiétudes persistent malgré tout. « Nous avons absolument besoin que celles et ceux qui comme moi, ne veulent pas se résoudre à la victoire de Front national, aillent voter », exhorte Xavier Bertrand sur France Inter le 3 juillet. Le président LR de région identifie le risque que beaucoup de Français renoncent à se déplacer « parce que le candidat qu’ils avaient choisi au premier tour n’est plus forcément là au second ».

Soutenir un parti contre lequel on ferraille à longueur de journée n’est pas simple. Le constat est valable aussi bien pour l’alliance de gauche en direction du camp présidentiel que l’inverse. Dans une tribune parue dans Le Monde le 3 juillet, les politologues Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, président de l’institut Cluster 17 en font même une des explications aux incertitudes qui pèsent sur les résultats du 2nd tour. « Le comportement des électeurs dont le candidat a été éliminé à l’issue du premier tour ou se sera désisté reste très hésitant », écrivent les politologues.

Exemple, côté Ensemble, où il est très difficile d’appeler ouvertement à soutenir des candidats LFI. C’est d’ailleurs sur cet argument que Loïc Signor, candidat Renaissance dans le Val-de-Marne arrivé 3e au premier tour s’est maintenu, avec le soutien du parti, face à un candidat RN et à l’insoumis Louis Boyard. Côté NFP, un coup d’œil dans la circonscription d’Élisabeth Borne dans le Calvados suffit. L’ex-Première ministre est arrivée deuxième, derrière le RN et devant un candidat LFI qui s’est donc retiré. Dimanche, les électeurs NFP sont donc appelés à voter pour celle qu’ils surnommaient « Madame 49.3 » et qui a fait passer la réforme des retraites. « J’assume que nous allons sauver Mme Borne », a dû justifier le patron du PS Olivier Faure, tout en reconnaissant que « beaucoup » lui reprocheraient cette décision.

« Réhabiliter le vote contre »

Pour mobiliser, NFP et Ensemble tentent de faire ressurgir la notion d’urgence à faire barrage au RN. Ce 4 juillet, Raphaël Glucksmann tente ainsi de « réhabiliter le vote contre » : « Ce n’est pas un vote indigne de voter contre », plaide l’eurodéputé au micro de France Inter. Gabriel Attal appelle, lui, à la « responsabilité » même si « cela ne fait pas plaisir évidemment à beaucoup de Français de devoir faire barrage au Rassemblement national en utilisant un autre bulletin qu’ils n’auraient pas voulu ».

Convoquer cette notion de barrage sera-t-il suffisant ? « Échaudés par la pratique du front républicain dans les urnes en 2017 et en 2022, les électeurs de gauche ont nourri un fort rejet à l’égard du président de la République (...), ce qui accroît sans doute, pour nombre d’entre eux, le coût à payer en 2024 pour empêcher le RN d’accéder au pouvoir » mettent en garde les politologues Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen. Coté Ensemble, la difficulté consiste surtout à soutenir un parti (LFI) mis pendant des mois sur le même plan que l’extrême droite. Quant à la consigne de vote - un appel clair à voter pour un autre camp que le sien -, elles sont « davantage symboliques que proactives » avec des « effets très faibles », estime Pierre-Hadrien Bartoli, directeur d’études chez Harris Interactive, dans Le Figaro.

Selon une enquête Ipsos Talan pour France Télévisions, Radio France et Public Sénat réalisée le jour du premier tour, une majorité de sondés disait se rendre aux urnes pour faire gagner candidat de leur coalition. Ils n’étaient alors que 34 % à s’y rendre pour faire barrage à d’autres. La percée de l’extrême droite au premier tour pourrait bien rebattre les cartes, d’autant que selon la même étude, la volonté de faire barrage « en premier » au RN domine. Mais la lassitude d’un vote « contre » et les désistements pourraient aussi encourager une abstention plus forte au second tour qu’au premier, sur le modèle des législatives 2022. Ils étaient alors 18 % à l’expliquer au motif qu’« aucun candidat ne correspond(ait) à leurs idées ». Un chiffre passé à 27 %, dans l’étude Ipsos réalisée le 30 juin.

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