Au procès d'Éric Dupond-Moretti, Jean Castex défend son ex ministre

L'affaire des "fadettes", les factures téléphoniques détaillées d'avocats que des magistrats du parquet national financier (PNF) ont fait éplucher dans un dossier de Nicolas Sarkozy, provoquant la fureur d'Éric Dupond-Moretti encore ténor du barreau, Jean Castex n'en avait pas entendu parler, à l'époque.
"À ce moment", juste avant sa nomination à Matignon à l'été 2020, il s'occupe d''"un sujet peut-être pas aussi important": le déconfinement post-Covid, ironise-t-il.

Un sujet "délicat"

L'actuel patron de la RATP est cité au procès inédit pour "prise illégale d'intérêt" d'Éric Dupond-Moretti - le ministre de la Justice est soupçonné d'avoir utilisé ses fonctions pour régler des comptes avec ces magistrats du PNF - parce qu'il avait hérité, trop tardivement selon l'accusation, des dossiers problématiques de son garde des Sceaux.
Avant cela, Éric Dupond-Moretti avait déjà lancé une enquête administrative - c'est ce qu'on lui reproche - contre les magistrats, mais c'est le Premier ministre qui récupère "le bébé", comme il dit. Et doit décider s'il faut saisir, ou non, le Conseil supérieur de la magistrature, chargé de la discipline des magistrats.

Le sujet est "délicat", dit Jean Castex, qui parle fort et à renfort de grands gestes. "C'est quand même le PNF !"

"Pas sensible à quelque pression"

Alors, il décide de lire lui-même les rapports, "des heures entières le week-end". Et arrive à une conclusion, en son "âme et conscience": "il y a des dysfonctionnements importants".
"Tout cela, c'est moi qui le fais", jure-t-il solennel." Je ne suis pas sensible à quelque pression, je ne suis pas l'instrument de je ne sais quel complot, et j'ai beaucoup de respect pour le PNF". Et s'il avait à l'époque un "excellent garde des Sceaux", sourit Jean Castex, il n'est pas son "avocat", mais "le défenseur de la fonction publique". "Quand même", lance toutefois l'ex-Premier ministre. "Ce serait quoi la prise illégale d'intérêt" reprochée au garde des Sceaux ? D'avoir saisi l'Inspection générale de la justice, qui n'a pas elle-même le pouvoir de "sanctionner" les magistrats ? "C'est ça les faits !", s'exclame celui qui ironise sur l'"acte gravissime".

Dupond-Moretti à l'offensive

Vu les "dysfonctionnements", assure l'ancien locataire de Matignon, n'importe qui aurait fait la même chose. "Le problème", répète une fois encore Rémy Heitz - procureur général près la Cour de cassation, qui porte l'accusation au procès -, ce n'est pas "l'enquête", mais celui qui la déclenche.

"Je voudrais demander à monsieur le Premier ministre si, dans les très très nombreux échanges que nous avons eus pendant les années, je lui ai fait part une seule fois du ressentiment que j'aurais eu à l'encontre de tel ou tel magistrat", demande de son côté le garde des Sceaux quand il peut reprendre la parole. Jean Castex répond alors que "la réponse est évidemment non".

"Dans la nasse"

"J'ai le sentiment de longue date d'être dans une nasse", reprend à la barre Eric Dupond-Moretti, qui a toujours considéré ses ennuis judiciaires comme le résultat d'une "guerre" menée par des magistrats n'ayant jamais accepté sa nomination place Vendôme.

Éric Dupond-Moretti, pour une fois, a l'air un peu dépité : "que je fasse ou que je ne fasse pas, je suis dans la nasse".

L'audience se poursuit avec l'audition d'anciens conseillers du gouvernement. Les réquisitions sont attendues mercredi.

Article original publié sur BFMTV.com