Au pied du balcon de Buckingham, "pas mon roi" et noms d'oiseaux

Des manifestants du groupe anti-monarchie Republic tiennent des pancartes devant le balcon du palais de Buckingham où la famille royale britannique salue la foule, lors de la parade d'anniversaire du roi Charles III, le 15 juin 2024 à Londres (JUSTIN TALLIS)
Des manifestants du groupe anti-monarchie Republic tiennent des pancartes devant le balcon du palais de Buckingham où la famille royale britannique salue la foule, lors de la parade d'anniversaire du roi Charles III, le 15 juin 2024 à Londres (JUSTIN TALLIS)

Depuis le balcon de Buckingham, la famille royale a pu voir leurs slogans, entendre leurs huées: peu nombreux mais déterminés, des militants anti-monarchie se sont invités samedi à l'anniversaire officiel de Charles, sous les réactions hostiles d'inconditionnels de la couronne.

Tout avait pourtant commencé dans une ambiance plutôt bon enfant le long du Mall, la longue artère au bitume ocre qui mène au palais royal dans le centre de Londres.

Sur le trajet de la parade de "Trooping The Colour", qui marque chaque année en juin l'anniversaire du roi - né le 14 novembre - quelques dizaines de militants de Republic sont postés avec leurs drapeaux jaunes "Not My King" ("Pas mon roi").

"La monarchie est antidémocratique, corrompue dans la mesure où ils utilisent des responsabilités publiques à leur profit, dépensent des millions de livres de notre argent pour leur train de vie, exigent le secret, interfèrent dans la politique", accuse Graham Smith, directeur général de Republic.

Bien qu'existant de longue date, le mouvement qui revendique 140.000 soutiens et 10.000 membres qui cotisent n'a réellement "décollé" que depuis le début du règne de Charles III il y a un peu plus d'un an et demi.

Si les manifestations ne rassemblent que quelques dizaines de personnes, Graham Smith souligne que "c'est le mouvement et la croissance qui sont importants".

Les Britanniques restent majoritairement attachés à la monarchie, même si les jeunes sont nettement plus partagés.

- "L'argent de nos impôts" -

Sur l'échiquier politique britannique, l'anti-monarchisme est quasi inexistant, mais Graham Smith entend militer pour un référendum. A quelle échéance ? "C'est très difficile à dire, mais je crois que l'élan est de notre côté", veut-il croire.

Après l'annonce des cancers dont sont atteints Charles et Kate, qui faisait samedi sa première apparition publique de l'année, la famille royale a connu un mouvement de sympathie.

"Je leur souhaite le meilleur", "c'est très bien qu'ils se portent apparemment mieux", dit-il, "mais ça ne change pas le fait qu'ils ne devraient pas être là où ils sont, en train de faire ce qu'ils font".

Gordon Alexander, membre de Republic de 72 ans, estime que le pays "n'a pas besoin d'avoir un monarque héréditaire comme chef d'Etat".

"Ca n'a pas de sens que nous ayons toujours une structure qui permette à une personne ou une famille d'avoir une influence immense", qui ne soit "méritée ni du fait de leurs qualification, ni de leur comportement", ajoute-t-il. "L'argent de nos impôts ne devrait pas être alloué à des événements comme ça", complète son épouse, Isabelle de Zoysa.

- "Fermez-là !" -

A côté des drapeaux jaunes de Republic, un bosquet d'Union Jack, tenus par "The Royalists", groupe monarchiste venu donner la réplique, dans une ambiance veste en tweed et Barbour.

Son président James Evans juge "impertinent" que le rassemblement de anti-monarchistes ait lieu si peu de temps après l'annonce du cancer du roi en début d'année.

"J'espère que le roi nous verra aujourd'hui", lance-t-il, "et qu'il nous verra plus qu'eux". Les deux groupes donnent de la voix, cherchant à masquer les slogans de l'autre.

Quand passe le défilé, les cavaliers des chevaux rendus agités par les huées des manifestants anti-monarchie laissent parfois échapper un regard noir.

Depuis son carrosse, Charles regarde ces gens dont les pancartes proclament qu'il n'est pas leur roi, mais les salue de la main comme tous les autres.

La foule se masse pour voir la famille royale au balcon, les quelques manifestants aussi, entourés par des policiers.

Aux "Not my King" répondent des "God Save the King", mais aussi des majeurs levés, des noms d'oiseaux. Entre anti et pro-monarchie s'engagent de brefs échanges enflammés sur l'usage de l'argent public ou ce que c'est que d'être Britannique.

Après avoir lancé un "fermez-là" aux manifestants, Helen Holmes, une retraitée d'une soixantaine d'années, explique à l'AFP qu'elle juge "injurieux" de "crier +pas mon roi+ quand le roi est au balcon".

"Les royalistes pur jus sont là", constate quant à lui Graham Smith.

"On ne va pas convaincre ces gens, ce sont ceux qui voteront tous pour la monarchie au référendum, et perdront", veut-il croire.

spe/fjb