Au Kosovo, des heurts entre minorité serbe et soldats de l’Otan

INTERNATIONAL - Une trentaine de membres de la force internationale emmenée par l’Otan au Kosovo (KFOR) ont été blessés, ce lundi 29 mai, dans des heurts avec des manifestants de la minorité serbe, qui réclament le départ de maires d’origine albanaise récemment élus aux élections locales.

Depuis quelques jours, la situation est très tendue dans le nord du jeune pays de 1,9 million d’habitants, où de nombreux membres de la communauté serbe, majoritaire dans quatre villes de cette région, ne reconnaissent pas l’autorité de Pristina et restent fidèles à Belgrade.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, ces tensions ont débouché ce lundi sur des heurts particulièrement violents entre les forces de l’ordre et les protestataires serbes, qui se sont notamment rassemblés devant la mairie de Zvecan pour réclamer le retrait d’édiles d’origine albanaise.

Les soldats de la KFOR, munis de boucliers et de bâtons, ont initialement tenté de séparer les deux parties avant de commencer à disperser la foule. Des manifestants ont répliqué en lançant des pierres et des cocktails Molotov en direction des soldats avant d’être repoussés à plusieurs centaines de mètres de la mairie de Zvecan.

Les élections locales boycottées

Depuis l’indépendance du Kosovo proclamée en 2008, la Serbie n’a jamais reconnu son ancienne province et des tensions éclatent régulièrement entre Belgrade et Pristina. Quelque 120 000 Serbes vivent au Kosovo, dont un tiers environ dans le nord du territoire.

Fin 2022, des élus de la communauté avaient démissionné en masse des institutions locales dans la région et Pristina avait décidé d’organiser des scrutins municipaux pour tenter de mettre fin au vide institutionnel. Les Serbes ont par la suite boycotté les élections organisées, ce qui a abouti à l’élection de maires albanais avec une participation de moins de 3,5 %.

Les édiles ont été intronisés la semaine dernière par le gouvernement d’Albin Kurti, le Premier ministre de ce territoire en très large majorité peuplé d’Albanais, faisant fi des appels à l’apaisement lancés par l’Union européenne et les États-Unis.

Des incidents s’étaient déjà produits les jours précédents, lorsque les maires kosovars albanais avaient pris leurs fonctions accompagnés par la police.

Des attaques « inacceptables »

Selon le ministère hongrois de la Défense, plus de 20 soldats hongrois figurent parmi les blessés dans les rangs de l’Otan, et sept d’entre eux ont été grièvement atteints. Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a quant à lui fait état dans un tweet de 11 soldats italiens blessés.

Au moins 52 manifestants serbes ont été blessés dans ces incidents, dont trois grièvement, a par ailleurs précisé à Belgrade le président serbe Aleksandar Vucic, ajoutant qu’un homme de 50 ans avait été blessé par balles par « les forces spéciales » de la police kosovare.

Ces soldats « ont été la cible d’attaques non provoquées et ont subi des blessures traumatiques avec des fractures et des brûlures dues à l’explosion d’engins incendiaires », a déclaré la KFOR dans un communiqué, en évoquant « environ 25 soldats » blessés.

Ces attaques ont été qualifiées de « totalement inacceptables » par l’Otan à Bruxelles. « La violence doit cesser immédiatement ». La France « condamne ces violences avec la plus grande fermeté », a aussi déclaré le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué, appelant Belgrade et Pristina à retourner « à la table des négociations avec une attitude de compromis ».

« On ne peut tolérer que soit mise en danger la stabilité régionale dans un contexte aussi critique sur le plan international. Il s’agit d’une question de sécurité européenne », a-t-il ajouté.

« Grande explosion »

La KFOR a dit avoir « renforcé sa présence » dans le nord et a exhorté la Serbie et le Kosovo à reprendre le dialogue sous les auspices de l’Union européenne.

En visite au Kenya, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé que « les Serbes combattaient pour leurs droits dans le nord du Kosovo ». Logique de la part d’une puissance dont Belgrade reste l’un des très rares alliés en Europe depuis l’invasion de l’Ukraine. « Une grande explosion menace (de se produire) au cœur de l’Europe, où l’Otan s’est livrée en 1999 à une agression contre la Yougoslavie », a poursuivi Sergueï Lavrov, évoquant l’intervention de l’Alliance atlantique contre Belgrade qui a de facto mis fin à la guerre entre les forces serbes et les combattants indépendantistes kosovars albanais.

Aleksandar Vucic, qui avait donné vendredi l’ordre à l’armée serbe de se placer en état d’alerte maximale, comme cela a été régulièrement le cas ces dernières années, a précisé lundi soir que les unités dépêchées à proximité de la frontière avec le Kosovo étaient déployées sur des positions « indispensables ».

« Nous ne permettrons pas un pogrom du peuple serbe », a-t-il lancé, appelant « la communauté internationale à ramener Albin Kurti à la raison ». « S’ils ne font pas ça, j’ai peur qu’il soit trop tard pour nous tous ».

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