Au Canada, le hockey sur glace touché par un scandale d’agressions sexuelles

Ice hockey players chase the puck during a game at Arena La Plaine in Montreal on June 10, 2022. - True Canadian pride, ice hockey and especially its national federation are living dark hours in recent weeks, tarnished by a case of gang rape that resurfaces a culture of silence too long ignored. In May, Canadians were shocked to learn that eight players on the 2018 Junior National Team had been charged with gang sexual assault of a young woman. It was even more of a surprise when they learned that the organization supposedly overseeing them had allegedly tried to cover up the case by entering into a confidential multi-million dollar settlement with the victim. (Photo by Mathiew LEISER / AFP)

SPORT - Une institution qui tombe de son piédestal. Au Canada, le hockey sur glace et sa fédération sont bouleversés depuis des mois par un immense scandale sexuel qui semble avoir ébranlé la foi de certains Canadiens dans leur sport favori.

Acculée depuis des semaines et lâchée par de nombreux sponsors, la fédération canadienne a annoncé mardi 11 octobre la démission de son président, Scott Smith, et de l’ensemble de son conseil d’administration.

Cette décision qui intervient quelques jours une déclaration incendiaire du Premier ministre Justin Trudeau : « Le fait qu’ils ne comprennent pas que les gens ont complètement perdu confiance dans ce qu’ils sont en train de faire, ça prolonge le mal. On ne voudrait pas voir disparaître Hockey Canada au complet, on peut simplement remplacer les gens et la culture. À un moment donné, les gens vont se réveiller. Il est temps qu’ils partent. »

Tout a commencé en mai, quand les Canadiens ont appris avec stupeur que huit joueurs de l’équipe nationale juniors de 2018 avaient été accusés d’agression sexuelle en groupe sur une jeune femme. Et que la fédération avait étouffé l’affaire en concluant un accord confidentiel de plusieurs millions de dollars avec la victime, permettant aux agresseurs présumés d’éviter de passer par la case tribunal.

« Perte de confiance »

Le règlement a notamment été acquitté via un fonds secret subventionné en partie par les cotisations des jeunes hockeyeurs canadiens amateurs partout dans le pays. Depuis dans les patinoires, le désarroi est immense. « Ça touche plus que le hockey, ça touche les valeurs familiales qu’on a à transmettre à nos enfants », lâche Jordan Allard, venu voir jouer son fils.

Serrés les uns contre les autres dans les tribunes d’une patinoire au nord de Montréal, ils sont plusieurs parents à se dire indignés face à ce scandale qui « ne passe pas ». « Les gens qui sont à la tête de Hockey Canada semblent avoir cautionné des crimes à caractère sexuel et je pense que le message qu’on doit passer à nos jeunes, c’est que ce n’est pas acceptable », ajoute Jordan Allard.

Parent, entraîneur, mais aussi arbitre, Martin Pronovost a aujourd’hui honte de porter le logo de Hockey Canada sur son maillot d’arbitre. Cet ancien hockeyeur à la barbe grisonnante a donc décidé de le barrer d’un ruban noir pour « créer la discussion et essayer de sensibiliser les autres ». « Malheureusement, notre sport national est entaché, gravement entaché », estime-t-il ajoutant qu’il y a « une perte de confiance de la part des parents ».

Au moins 15 dossiers depuis 1989

Et les semaines de dénégations des dirigeants de la fédération qui ont cherché à minimiser les faits ont encore plus ébranlé la population. Une attitude qui a poussé les sponsors et les autorités d’Ottawa à réagir à plusieurs reprises.

Ces derniers jours, les équipementiers sportifs Nike et Bauer et la chaîne de restauration Tim Hortons ont retiré leur soutien au programme masculin de Hockey Canada. Le gouvernement fédéral ainsi que plusieurs fédérations provinciales ont aussi coupé leurs subventions, demandant à voir de vrais changements. La ministre des Sports Pascale St-Onge a demandé un audit.

D’autant plus que plusieurs médias canadiens ont révélé qu’il n’y avait pas qu’un seul fonds secret, mais deux et qu’ils avaient servi plusieurs fois. Quelque 15 dossiers d’agressions sexuelles présumées commises en groupe ont ainsi été identifiés depuis 1989, dont la moitié dans la dernière décennie.

« Il y a quelques années, mon fils jouait au hockey et quand je pense à la culture qui est encouragée dans cette organisation, je peux comprendre pourquoi tellement de parents, qui sont si fiers de notre sport national d’hiver, sont tout à fait dégoûtés par ce qui s’est produit », a encore réagi Justin Trudeau en juillet dernier.

Et ces agressions rappellent l’affaire Sheldon Kennedy, du nom d’un joueur victime d’agressions sexuelles à plus de 300 reprises par son entraîneur dans les années 1990. « La violence sexuelle a été traitée comme un problème d’assurance à Hockey Canada plutôt que comme un problème systémique qui nécessite d’être traité à la source », s’est offusquée la ministre fédérale des Sports.

La culture du hockey sur glace remise en cause

Dans le pays, certains n’hésitent pas à dire qu’il est donc temps de s’interroger sur ce sport qui est imprégné de misogynie, d’homophobie, de violence et de racisme. « Il y a définitivement une culture dans le hockey où certaines choses ne sont pas prises assez au sérieux, car beaucoup de personnes se concentrent uniquement sur la victoire », souligne Allison Forsyth, ancienne skieuse qui a participé aux Jeux olympiques, elle-même victime d’agression sexuelle.

Outre le hockey, de nombreux sports ont ces dernières années été éclaboussés par des scandales d’abus et d’agressions sexuels, comme la gymnastique et le foot féminin aux États-Unis ou encore le patinage artistique en France.

« Nous devons apporter des changements majeurs pour apprendre à nos enfants ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas », ajoute celle qui promeut un sport sain pour tous.

Tout cela arrive à un moment où le hockey attire moins les plus jeunes qu’auparavant au profit notamment du foot et du basket. Bien que le hockey fasse partie du paysage canadien, son nombre de licenciés (plus de 607 000 en 2019) diminue depuis 2014, loin derrière le foot.

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