Au 116 000, des parents "démunis" face à la disparition de leur enfant

Belgique, le 29 mars 2020 (JASPER JACOBS)
Belgique, le 29 mars 2020 (JASPER JACOBS)

"Est-ce que mon enfant est en sécurité ? Comment savoir s'il est encore en vie ?" : au numéro d'urgence 116 000, une cellule apporte soutien et conseils à des parents "démunis" et rongés par l'angoisse face à la disparition de leur enfant.

"Ils sont dévastés psychologiquement, on les aide un peu à tenir", résume auprès de l'AFP Faiza Salem, juriste et coordinatrice du numéro de téléphone dédié aux familles d'enfants disparus, dont la journée internationale se tient samedi.

Mis en place en 2009 et piloté par la Fondation Droit d'enfance, ce numéro concerne aussi bien les disparitions inquiétantes que les fugues ou les enlèvements parentaux.

En 2023, il a reçu plus de 35.000 appels, dont plus de 1.300 ont nécessité la saisie de la cellule de suivi, composée de trois juristes, une psychologue et une éducatrice spécialisée.

Dans leurs locaux à Malakoff (Hauts-de-Seine), ces derniers ont les yeux rivés sur les signalements qui leur parviennent par mail via une plateforme d'écoute.

Dernier en date, celui d'un père qui indique ne plus avoir de nouvelles de sa fille de 4 ans depuis le déménagement de son ancienne compagne.

"Je suis dans une impasse : plus d'adresse, plus de réponse aux mails, ni au téléphone, plus rien, disparition totale", confie-t-il au téléphone. "Je voudrais juste revoir ma fille, je ne veux pas qu'elle m'oublie."

Au bout du fil, Faiza Salem lui fait préciser les conditions de sa séparation, sa situation personnelle et lui conseille de déposer une plainte pour soustraction de mineur et pour défaut de notification de nouvelle adresse.

- "Sidération et désespoir" -

La veille, la cellule avait reçu un autre signalement pour non-présentation d'enfant de la part de la mère d'une fillette de 8 ans, un signalement pour la disparition d'une mineure de 15 ans en fugue pour la troisième fois et partie rejoindre "un copain plus âgé". Ou encore un concernant la fugue de deux jeunes d'un foyer de l'aide sociale à l'enfance (ASE). En moyenne, l'équipe reçoit une huitaine de signalements par jour.

A chaque fois, les membres de la cellule du 116 000 posent les mêmes questions : l'enfant ou l'adolescent avait-il montré des signes ? Est-ce qu'il avait commencé à amasser des affaires ? Est-ce qu'il avait changé de comportement ou avait de nouvelles fréquentations ?

Dans le cas des enlèvements parentaux, le père ou la mère avait-il menacé de passer à l'acte ? Y a-t-il un risque de départ pour l'étranger ? Une plainte a-t-elle déjà été déposée  ?

"On a des parents en état de sidération ou dans le désespoir parce qu'ils ne savent plus quoi faire, ils sont totalement démunis", souligne la psychologue de l'équipe Alejandra Lecaros.

"On essaye de leur dire de rassurer leur enfant, s'ils arrivent à le joindre, en lui disant qu'il n'y aura pas de punition et ne pas lui demander +quand est-ce que tu vas rentrer ? Dis moi où tu te trouves? + mais +Es-tu en sécurité ?+".

Car loin d'être anecdotique ou romantique comme elle a pu être présentée parfois, la fugue est souvent une "pré-disparition inquiétante", insiste Julien Landureau, porte-parole de la Fondation Droit d'enfance.

"La fugue est toujours l'expression d'un mal-être", ajoute-t-il. "C'est toujours un espace de mise en danger pour l'enfant, avec un risque de mauvaises rencontres, de violences physiques, l'intégration de réseaux de délinquance ou de prostitution..."

- Signaux d'alerte -

Jade 17 ans, fugue ; Aaron 12 ans, disparition inquiétante ; Noha enlèvement parental... sur le site internet du 116 000, des visages juvéniles côtoient des figures plus connues, comme celle d'Estelle Mouzin, disparue en 2003 ou encore de Marion Wagon en 1996.

Face à des services surchargés et des délais judiciaires de plus en plus longs, certains parents n'hésitent pas à mener leur propre enquête.

Les parents de jeunes filles attrapées par des réseaux de prostitution, "vont sur des sites internet, font des captures d'écran pour les apporter au commissariat, parfois ils interviennent dans les lieux de squats ou dans les hôtels", raconte Faiza Salem. "Ils se mettent en danger mais ils le font en nous disant +si je ne le fais pas, personne ne le fera+."

mep/grd/lbx