Attention, cette video ne montre pas des exactions en RDC mais au Cameroun

L'Est de la République démocratique du Congo est en proie à un sanglant conflit qui oppose l'armée congolaise et le M23, une rébellion armée soutenue par le Rwanda et responsable de nombreuses exactions. Mi-mars, plusieurs internautes ont partagé sur Facebook et sur X une vidéo, où l'on voit plusieurs jeunes se déshabiller sous la contrainte, soutenant qu'il s'agissait d'une scène de viols commis par des combattants du M23 dans l'Est de la RDC. Mais c'est faux, la vidéo montre en réalité des sécessionistes armés forçant des jeunes lycéens à se dénuder dans l'Ouest du Cameroun, où sévit un conflit séparatiste à plus de 2.000 kilomètres de la RDC.

"C'est le calvaire pour nos frères et soeurs de Rwindi, Nyanzale, les terroristes rwandais se lancent dans le viol à ciel ouvert",  écrit un internaute en légende d'une vidéo extrêmement choquante publiée sur X le 17 mars 2024. Dans cet extrait de plus de 90 secondes, des hommes armés en tenue miliaire forcent un groupe d'adolescents à se dévêtir entièrement.

Partagée plus de 1.000 fois, la publication fait référence à deux villes de l'Est de la République démocratique du Congo, dans le territoire de Rutshuru, où les rebelles du M23 ont lancé une offensive début mars (dépêche AFP archivée).

<span>Capture d'écran sur X prise le 04 avril 2024 / croix ajoutée par l'AFP</span>
Capture d'écran sur X prise le 04 avril 2024 / croix ajoutée par l'AFP

La vidéo avec la même légende est également partagée sur Facebook, comme ici.

Après huit ans de sommeil, le M23 ("Mouvement du 23 mars"), rébellion majoritairement tutsi, a repris les armes fin 2021 et, avec l'appui de l'armée rwandaise, s'est emparé de larges pans du Nord-Kivu.

Les organisations de défense des droits humains, telle Human Rights Watch, ont documenté "des meurtres, des viols et d’autres crimes de guerre manifestes" dans l’Est de la RDC commis par des combattants du M23 (archivé ici).

Attention cependant, cette vidéo ne montre pas des exactions du M23 dans l'Est de la RDC, mais de combattants séparatistes dans la région du Sud-Ouest du Cameroun.

Pour retrouver les images originales, nous avons effectué une recherche d’image inversée sur Google Lens, à partir d'une capture d’écran d'une des scènes de la vidéo virale.

Nous retrouvons la même vidéo publiée sur Facebook il y a plus de deux ans, le 13 janvier 2022. La légende (traduite de l'anglais) indique qu'il "s'agit de terroristes d'Ambazonie ciblant des élèves au Cameroun, le 12 janvier 2022" (archivée ici) .

Sur la vidéo, un logo est apposé, celui de Mimi Mefo, un média camerounais en ligne.

<span>Capture d'écran prise le 03 avril 2024 sur Facebook </span>
Capture d'écran prise le 03 avril 2024 sur Facebook

En faisant une recherche sur la page Facebook de Mimi Mefo Info, on retrouve un post datant du 12 janvier 2022, avec des captures d'écran de la vidéo originale, faisant état de cet incident (archivé ici). Des sépartistes armés ont forcé des élèves portant des uniformes d'une école publique à se dénuder "probablement à Buea, dans la région du Sud-Ouest", selon ce média connu pour être particulièrement bien informé sur les violences au Cameroun anglophone.

Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun sont le théâtre, depuis 2017, d'un conflit meurtrier entre des groupes armés réclamant l'indépendance d'un Etat anglophone qu'ils appellent l'"Ambazonie" et des forces de sécurités massivement déployées par le pouvoir du président Paul Biya qui dirige le pays sans partage depuis 41 ans.

Les écoles, élèves et professionels de l'éducation sont régulièrement ciblés par des séparatistes qui leur reprochent d'enseigner le français. Selon l'ONU, au moins 2.245 écoles ne fonctionnent pas dans ces régions en raison de ces menaces (archivé ici).

<div><span>AFP</span></div>
AFP

L'ONG Human Rights Watch, qui mène régulièrement des enquêtes sur les exactions commises par les groupes séparatistes et l'armée au Cameroun anglophone, avait par ailleur fait état de l'incident de la vidéo virale dans un rapport publié le 27 juin 2022 sur son site (archivé ici).

"Des combattants séparatistes ont agressé physiquement, menacé et humilié un groupe de 11 élèves, dont au moins 4 filles, âgés de 14 à 18 ans, qui se rendaient au lycée Bokova le 12 janvier", avait rapporté HRW, affirmant s'être entretenu avec un responsable de l’école des victimes et deux des élèves agressés. Ces derniers leur avaient confirmé l'authenticité de la vidéo qui avait circulé sur les réseaux sociaux.

Bokova est un village en périphérie de Buéa, la capitale de la région du Sud-Ouest.