Attaques en Israël: caché dans un arbre, le témoignage glaçant d'un survivant de la rave-party

Ouriel Balas voulait fêter ses 26 ans avec ses amis et a cassé sa tirelire d'étudiant pour une place au festival Super Nova, une rave party de deux jours dans les sous-bois du kibboutz Reim, face à Gaza. Plus de 3.000 personnes y ont participé les 6 et 7 octobre. Près d'une personne sur dix n'en est jamais revenue.

Témoignant auprès de l'AFP, Ouriel fait défiler ses dernières photos montrant les copains, pouce levé. Le camping. Le festival qui bat son plein, au milieu des lumières psychédéliques. Un ravitaillement en alcool à l'arrière de la voiture.

Il est 6 heures et le jeune Israélien et ses amis, dans les vapeurs de la fête, sont en extase. "Le lever de soleil, c'est LE moment que tout le monde attend. Tout le monde se lâche, la fête commence", témoigne-t-il dans son appartement de Tel-Aviv.

De la fête aux missiles

"Soudain, on passe de la fête, de la vulnérabilité totale aux missiles", dit-il, le regard qui s'obscurcit en décrivant les dizaines de roquettes qui volent au-dessus de la piste de danse. Lancé depuis Gaza sur tout Israël, ce barrage de missiles marque le début de l'opération "Déluge d'Al-aqsa", minutieusement préparée par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

La sécurité du festival demande à tout le monde d'évacuer dans le calme. La bande titube jusqu'à la voiture dans l'idée de trouver un "after" à Tel-Aviv. Les premiers tirs d'armes automatiques des hommes du Hamas les ramènent brutalement à la réalité.

"J'entends des rafales derrière moi et à côté de mon oreille"

"Dans la voiture, moi et mon ami, on se tient la main et on répète 'tout va bien'" entre deux gorgées de gin. Mais les tirs se rapprochent. Les véhicules tentent de faire demi-tour, puis demi-tour dans l'autre sens. "On comprend qu'on est encerclés", lâche-t-il. Le groupe abandonne le véhicule sous le déluge des kalachnikovs. "On a commencé à courir à travers un champ et j'entends des rafales derrière moi et à côté de mon oreille", dit-il en décrivant le sifflement caractéristique. "Tu vois les gens tomber devant toi, on était des centaines dans ce champ", poursuit-il. "Je me dis, c'est bon, c'est aujourd'hui que je pars, c'est aujourd'hui que je meurs", dit-il en demandant une pause pour rouler une cigarette. "Je n'en peux plus, je n'y arrive plus, je ne peux plus courir."

"Se faire le plus petit possible"

Atteignant un verger d'orangers, il monte dans un arbre touffu pour s'y cacher, avec une obsession: devenir invisible dans le feuillage. "Je rentre mes chaussettes blanches dans mes chaussures, j'enlève mes bagues." Il essaye de "se faire le plus petit possible". Il restera deux heures dans cette cachette, témoin impuissant des "tirs non-stop" sous ses pieds. Recroquevillé entre deux branches, il s'adonne à des exercices de respiration pour calmer ses tremblements, qui font bouger les feuilles et le trahissent.

"Un terroriste va venir, crier et me tirer dessus comme sur un jouet", croit-il alors, priant "pour recevoir une balle dans la tête afin de ne pas souffrir". Quand les tirs s'éloignent, il reprend sa course seul au milieu des corps, dos au festival, et retrouve d'autres survivants cachés dans les sous-bois. Ils s'abritent derrière une voiture. Dans le coffre ouvert gisent deux cadavres et un homme convulsant en train de se vider de son sang. "Je ne veux pas m'approcher, pas regarder, pour ne pas que cela m'anéantisse".

"Bonne chance"

La police prend leur appel d'urgence et raccroche, impuissante et dépassée, en leur souhaitant "bonne chance". Il est 9h00, l'attente des secours "prend plusieurs heures". L'extraction se fera entassés à onze dans une voiture, le fusil du policier braqué par la fenêtre ouverte. Depuis le début de cette guerre, le jeune homme aux yeux verts et doux, crâne rasé et tatouages, s'accroche a son petit boulot de livreur de repas, fume beaucoup, s'assomme le soir aux anxiolytiques. Après son sauvetage, alors qu'il retourne chez sa mère le 7 octobre, une voisine filme son arrivée, regard perdu, chemise déchirée, oscillant "entre rires et pleurs". Deux heures plus tard, il dit avoir ressenti "une colère et une anxiété indescriptible". Ouriel décrit un phénomène propre aux survivants en état de choc post-traumatique: l'impossibilité de "savourer chaque instant" de la vie après être passé si près de la mort.

"Une partie de mon optimisme est restée là-bas. En plus de mon sentiment de sécurité (...) Même quand je suis chez moi, comment savoir que les terroristes ne viendront pas ici ? J'ai aussi perdu un peu ma foi en l'être humain", reconnait-il.

"Eux aussi sont venus faire leur festival, leur festival de la mort", conclut-il en promettant de répondre à sa manière à ses agresseurs: "retourner 'teufer' le plus vite possible".

Selon les services de secours et l'armée israélienne, outre les otages enlevés, plus de 260 personnes ont été tuées au festival Nova, sur les 1.400 Israéliens massacrés par le Hamas, en majorité des civils le jour même de l'attaque. En riposte, les bombardements israéliens incessants sur Gaza ont fait en un mois plus de 11.000 morts, dont plus de 4.500 enfants, selon le Hamas.

Article original publié sur BFMTV.com