Attaques du Hamas contre Israël : Le « métro de Gaza », des tunnels stratégiques pour les combattants palestiniens

Des membres du Hamas entrant dans un tunnel construit dans la bande de Gaza, sur des images d’une vidéo publiée par l’AFP, le 25 avril 2022.
AFP Des membres du Hamas entrant dans un tunnel construit dans la bande de Gaza, sur des images d’une vidéo publiée par l’AFP, le 25 avril 2022.

GAZA - Comme l’a encore prouvé l’offensive du Hamas ce week-end en Israël, ils jouent un rôle clé dans la reprise du conflit israélo-palestinien, qui devrait s’accentuer dans les jours à venir. Les tunnels creusés sous la bande de Gaza, qui vont même au-delà des frontières avec Israël et l’Égypte, constituent un élément stratégique primordial pour les combattants du mouvement islamiste.

D’autant que l’enclave palestinienne ne possède avec Israël qu’un seul point de passage, celui de Kerem Shalom, qui servait, avant la mise en place du « siège complet » de la zone, au transfert des exportations et importations ainsi que de l’aide humanitaire.

Détruits puis reconstruits

Avec le temps, des centaines de tunnels ont été creusés sous la frontière de 14 kilomètres entre Gaza et le Sinaï égyptien pour faire circuler combattants, armes et autres biens de contrebande. Mais ils existent aussi à différents endroits sous la frontière avec Israël et sous la bande de Gaza. De crise en crise, beaucoup ont été détruits au sein de ce réseau surnommé le « métro de Gaza » par l’armée israélienne, notamment en juillet 2014, lors de l’opération israélienne « Bordure protectrice ».

Un Palestinien sortant de l’un des tunnels souterrains utilisés pour faire passer clandestinement des marchandises à travers la frontière à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2009.
Bloomberg / Bloomberg via Getty Images Un Palestinien sortant de l’un des tunnels souterrains utilisés pour faire passer clandestinement des marchandises à travers la frontière à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 janvier 2009.

Mais après celle-ci, le Hamas a creusé de nouvelles voies souterraines, jusqu’au sein du territoire israélien. Des combattants, installés jusqu’à 30 ou 40 mètres sous terre, y circulent ainsi hors de portée des frappes. Des batteries de lance-roquettes cachées à quelques mètres de profondeur peuvent en sortir par un système de trappe pour tirer avant de disparaître à nouveau.

Récemment, Israël avait riposté en érigeant un mur de 65 kilomètres, d’un mètre de largeur et de plusieurs dizaines de mètres de profondeur tout au long de la frontière entre Israël et la bande de Gaza. Celui-ci est doté de systèmes d’arme contrôlés à distance ainsi que de systèmes radars. Sa construction a duré quatre ans, entre 2018 à 2021.

Malgré tout, samedi dernier, les commandos du Hamas ont réussi à le franchir. « Ils ont d’abord neutralisé les caméras et les dispositifs de surveillance pour rendre aveugle et sourd l’État-major israélien, puis ils se sont emparés des points de contrôle et sont passés par des points de passages latéraux créés par Tsahal pour lui permettre de mener des incursions dans Gaza », explique au Figaro Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques. « Le Hamas a aussi creusé de nouveaux tunnels, en forme de petits boyaux de plusieurs centaines de mètres voire kilomètres, suffisants pour permettre à un groupe de combat de franchir la frontière », ajoute-t-il.

Tunnels offensifs et défensifs

Avec ce renouvellement des tunnels, certains sont donc restés secrets et pourraient entraver les mouvements de l’armée israélienne, lancée depuis dimanche dans son opération « Sabre de fer ».

Comme vous pouvez le voir dans un reportage de l’AFP ci-dessous, en date d’avril 2022, soit au moment d’un regain des tensions autour de Gaza, il existe des tunnels défensifs et offensifs. Les premiers sont utilisés par les membres du Hamas pour se cacher des avions de reconnaissance et des systèmes d’espionnage. Les seconds permettent les incursions sur le sol israélien pour repousser les invasions et capturer des soldats.

Leurs entrées sont parfois situées non pas près de la frontière, mais en pleines zones urbaines au cœur de Gaza, à l’image d’un passage localisé sous une tour de grande taille dans le nord de l’enclave, qui a été ciblée par Tshahal dimanche, a rapporté The Times of Israël, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.

Le Hamas « connaît ses tunnels par cœur », remarque auprès de l’AFP Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center à New York. « Certains sont probablement piégés. Se préparer à se battre dans un tel terrain (...) nécessiterait du renseignement étendu (...), ce dont les Israéliens ne disposent peut-être pas ».

Et plus encore que dans des combats en espace ouvert, celui qui défend sur un tel terrain - en l’occurrence le Hamas - dispose d’un avantage tactique majeur. « Tout le monde sait que ce sera long et difficile avec beaucoup de pertes », admet d’ailleurs à l’AFP Alexandre Grinberg, de l’Institut pour la sécurité et la stratégie de Jérusalem (JISS), ajoutant qu’il existe « des robots et d’autres moyens spéciaux qui permettent d’entrer dans des tunnels ».

Une cachette probable pour les otages

Pour le Hamas, assure-t-il, « c’est un avantage qui peut aussi s’avérer un piège. Lorsqu’on localise des tunnels, on peut enfermer ceux qui sont dedans. Et en l’occurrence la consigne sera “pas de quartier” ».

Selon Israël, le Hamas a étoffé son réseau de tunnels durant la dernière décennie, y investissant le plus gros de ses ressources financières. Le mouvement islamiste y aurait redéployé l’essentiel de ses infrastructures militaires, dont ses centres de commandement, indique Le Monde.

« C’est probablement par ces tunnels que du matériel est acheminé de l’étranger », affirme Amélie Ferey, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), auprès de franceinf. Depuis 2005 et le retrait d’Israël de la bande de Gaza, le Hamas importe secrètement des armes de ses alliés, l’Iran et la Syrie, notait le Times of Israël en 2021, citant l’armée israélienne. Roquettes, explosifs, métal… armes et matériel seraient ainsi expédiés depuis le Soudan par camion puis acheminés par les tunnels à la frontière de Gaza avec l’Égypte.

C’est aussi dans cet immense réseau souterrain que pourraient aujourd’hui se trouver les 150 otages détenus par le Hamas, la cachette la plus probable pour Éric Denécé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement. « L’une des choses les plus simples est de les dissimuler sous terre, dans les souterrains qui réunissent ces caves les unes ou autres et qui leur permettent de se déplacer malgré les tirs et malgré les frappes, dans une sécurité qui va être de moins en moins simple mais qui pour l’instant fonctionne encore », affirme-t-il sur Europe 1.

Le 25 juin 2006, c’est par l’un des tunnels clandestins qu’un commando palestinien s’était infiltré en Israël avant de capturer le soldat israélien Gilad Shalit, qui a aussi la nationalité française. Un enlèvement qui avait entraîné cinq mois d’opérations militaires dans la bande de Gaza. Sa libération n’était intervenue que cinq ans plus tard, permettant pour la première fois en 26 ans qu’un soldat israélien capturé soit ramené vivant dans son pays. En échange, Israël avait dû accepter de libérer des centaines de combattants du Hamas.

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