Attaques contre Canal+, défense de CVC... Ce que les présidents de L1 ont dit devant le Sénat

Une table ronde s’est tenue ce jeudi matin au Sénat dans le cadre de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français. Jean-Michel Aulas, vice-président délégué de la Fédération française de football, ancien président de l’Olympique Lyonnais, Jean-Pierre Caillot, président du conseil d'administration et directeur général du Stade de Reims, Olivier Létang, président-directeur général du Lille Olympique Sporting Club (Losc), Maarten Petermann, représentant du fonds Merlyn Partners, propriétaire du Losc et Joseph Oughourlian, président du RC Lens étaient présents. Cinq membres qui ont commencé par prêter serment devant la commission.

Pendant deux heures, Laurent Lafon, président de la commission culture, de l'éducation, de la communication et du sport et rapporteur du dossier Michel Savin ont interrogé les cinq hommes sur la situation du football français qui inquiète particulièrement les observateurs à l’heure où les droits TV pour la prochaine saison de Ligue 1 ne sont toujours pas attribués. Les différents interlocuteurs sont revenus sur les multiples épisodes de ces dernières années avec le Covid, le fiasco Médiapro et le deal avec CVC.

Premières salves contre Canal+

Il n’aura fallu attendre que quelques minutes pour entendre Jean-Michel Aulas accuser Canal+ d’être en partie responsable de la situation actuelle. "Le grand bénéficiaire de l’arrêt du championnat (en 2020, NDLR), c’est Canal+: il n’a pas payé la fin du championnat. C’est bizarre que personne ne le dise. Ensuite, après avoir perdu le premier appel d’offre, Canal+ a fait des enchères à un euro donc ils n’en voulaient plus."

Une attaque complétée par Jean-Pierre Caillot: "On a accepté de brader à 35 millions d’euros la fin du championnat. On était reparti dans des bases saines de négociations. Canal+ a eu une vexation de voir le président de la Ligue et ses équipes trouver un autre diffuseur, Amazon Prime. Canal+ n'a pas imaginé à l'époque que des intervenants américains arriveraient."

Pour Olivier Létang c’est même le cœur du problème actuel: "On a la meilleure formation du monde, on a de plus en plus de monde dans les stades, tout est positif. Aujourd’hui la vérité c’est qu’il y a un élément qui est négatif, ce sont les droits TV. On a un diffuseur, Canal+, qui a le monopole. J’ai un profond respect pour ce qu’ils ont fait pour le football pendant 30 ans mais aujourd’hui pour les droits domestiques de la Ligue 1 c’est un acteur bloquant."

"Le deal CVC est inespéré, on a fait une bonne affaire"

Les représentants du Sénat se sont surtout interrogés sur l’avenir du football français et le nouveau deal signé avec CVC en 2022. "Le plan prévoit des recettes à hauteur de 1,1 milliard d’euros dont 863 millions d’euros de droits TV domestiques. Vous validez ça aujourd’hui alors que le président de la Ligue évoque désormais la somme de 500 millions d’euros pour les prochains droits? Comment les clubs vont parvenir à équilibrer leur budget? Quelle est la vraie valeur du foot français?"

Des questions auxquelles les présidents et propriétaires ont tenté de répondre tout en se disant gênés par la concomitance entre cette table ronde et la négociation pour les prochains droits TV. Mais pour Joseph Oughourlian et ses collègues, l’idée était avant tout de développer le football français. "Ça devrait vous réjouir de voir des capitaux étrangers puisque malheureusement trop peu de Français investissent dans le football français. Le prix détermine le produit: vous nous donnez plus d’argent, on investit dans nos clubs. C’est ça le deal CVC, c’est une spirale vertueuse. Le deal avec CVC est inespéré. C’est une bonne affaire. À court terme, ils se sont ratés mais la vie est longue, on va voir."

CVC, un choix d’élitisme

Une vision qui inquiète Michel Savin, rapporteur de la mission d’information, si CVC venait à faire jouer ses garanties financières signées dans le pacte d’associés. "Il peut y avoir un impact fort sur la Ligue, ce qu’on n'espère pas. Certains clubs risquent de subir la fin des versements de CVC et les effets de la nouvelle répartition des droits TV, s’ils ne sont pas à la hauteur de ceux espérés, car au détriment des clubs non-européens."

Pour Jean-Michel Aulas les fondements de la répartition adoptés sont un choix d’élitisme. "On se disait qu’il y aurait un ruissellement vers l’ensemble des clubs. C’était dans le cas où le plan proposé réussirait, si les choses devenaient différentes probablement qu’il y aurait matière de manière démocratique à revoir les clés de répartition, c’est mon sentiment. Pour le moment ce plan ambitieux n’a pas échoué, il réussira peut-être avec un décalage. Je suis convaincu que les cartes ne sont pas jouées. Mais la commission d’enquête qui intervient en plein appel d’offre (des droits TV) perturbe pas mal nos projets." Une commission qui entendra justement ce jeudi après-midi à partir de 16h les représentants de CVC.

Article original publié sur RMC Sport