Attaque au marteau devant Notre-Dame: aux assises, l'assaillant assume un geste "politique"

Farid Ikken a blessé un policier à coups de marteau le 6 juin 2017 sur le parvis de Notre-Dame de Paris - Martin BUREAU / AFP
Farid Ikken a blessé un policier à coups de marteau le 6 juin 2017 sur le parvis de Notre-Dame de Paris - Martin BUREAU / AFP

Il vit coupé du monde en prison et assume son "geste politique": au début de son procès à Paris ce lundi, l'étudiant algérien qui a attaqué un policier au marteau devant Notre-Dame en 2017 s'est défendu d'être "radicalisé" et a dit avoir voulu ainsi dénoncer la mort de milliers de musulmans en Irak et Syrie.

Debout dans le box des accusés de la cour d'assises spéciale de Paris, Farid Ikken, 43 ans, ne semble pas en grande forme après plus de trois ans de détention passés en très grande partie à l'isolement. Vêtu d'un jogging sombre et d'un pull gris plus larges que sa silhouette chétive, il n'est plus ce jeune étudiant juvénile et sans histoire, cheveux courts et rasé de près, qui apparaissait sur les photos publiées par la presse au lendemain de son geste qui a stupéfié ses proches.

Il refuse d'être qualifié d'individu "radicalisé"

Incarcéré en région parisienne puis à Nantes, il arbore désormais une barbe plutôt fournie et sa chevelure frisée en bataille se dégarnit. Au président de la cour qui lui demande de décliner son identité et sa nationalité, il répond d'une voix aigüe et étouffée. "Je suis musulman, j'appartiens à la communauté musulmane de l'oumma", lâche-t-il, "administrativement, je suis Algérien".

Il récuse ensuite ses avocats et déclare vouloir se défendre seul. Puis il refuse de répondre aux questions, un nouveau signe de défiance vis-à-vis d'un système judiciaire qui, estime-t-il, se trompe en parlant de lui comme d'un "radicalisé" lié à une "entreprise terroriste".

"Un acte de résistance"

Le 6 juin 2017, sur le parvis de Notre-Dame, Farid Ikken a bondi sur un groupe de trois policiers, frappant l'un d'eux avec un marteau à deux mains en criant "C'est pour la Syrie !". Le policier, légèrement blessé à la tête, et un de ses collègues ouvrent le feu. Blessé au thorax, Farid Ikken est interpellé.

Dans ses affaires, les policiers trouveront un ordinateur et des clés USB remplis de propagande jihadiste, ainsi qu'une vidéo où il prête allégeance au groupe Etat islamique (EI) et annonce; "c'est l'heure de la vengeance, c'est l'heure du jihad".

Cette attaque au marteau, souligne-t-il à la barre, est "un engagement politique", un "acte de résistance" destiné à attirer l'attention de l'opinion publique française sur le sort des "milliers de musulmans" tués dans des bombardements occidentaux en Irak et Syrie.

Plongé dans le mutisme

Au fil de la matinée, l'accusé se fait plus disert, comme s'il lui avait fallu du temps pour se réhabituer à parler après des années de mutisme total. Après avoir donné quelques espoirs de coopération, il s'est renfermé totalement sur lui même, selon les rapports de l'administration pénitentiaire. Il a refusé des visites familiales au parloir, et de participer à toutes les activités et rendez-vous d'évaluation.

Il ne sort plus de sa cellule où il passe son temps entre lectures, prières et télévision. Il a une "hygiène douteuse" et ne communique plus que par écrit avec les gardiens. Il porte des bouchons d'oreilles et un casque à écouteurs pour ne plus entendre aucun bruit.

La suite du procès, qui doit s'achever mercredi, doit notamment se pencher sur ce qui a fait basculer cet étudiant multidiplômé et sans histoires dans la violence. Et sur ses motivations: accusé notamment de "tentative d'homicides volontaires", Farid Ikken affirme avoir "frappé mollement" pour blesser, et non tuer, les policiers.

Une version que les enquêteurs ont peine à croire. Interrogé dans l'après-midi à la barre, l'un d'eux, un policier antiterroriste, a souligné "la violence du coup" de marteau porté à la tête du policier, "qui n'a été légèrement blessé que parce qu'il a eu le réflexe de se recroqueviller quand sa collègue a vu arriver l'agresseur et crié" pour le prévenir.

Article original publié sur BFMTV.com