INFOGRAPHIES. Assemblée: ces chiffres qui montrent qu'il n'y a jamais eu autant de sanctions de députés

Jamais, ces dernières années, les bureaux de l'Assemblée nationale ne se seront autant réunis pour décider d'une sanction. Dernier conciliabule en date: mardi 28 mai, après que le député LFI Sébastien Delogu a brandi un drapeau palestinien lors d'une séance de question au gouvernement.

Pour ce geste qui a engendré "trouble" et "tumulte" au sein de l'hémicycle, l'élu des Bouches-du-Rhône a écopé de la sanction la plus sévère du règlement: la censure avec exclusion temporaire.

Des sanctions de plus en plus nombreuses

Après avoir collecté les données de l'Assemblée nationale, BFMTV.com a constaté une hausse très significative des peines distribuées aux parlementaires depuis 2017, comme vous pouvez le voir dans notre infographie ci-dessous:

On observe que sur 69 sanctions depuis 1958, 50 ont été prises entre 2017 et mai 2024. L'avènement d'Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 marque une hausse de 4 condamnations par rapport à l'année précédente et dernière du règne Hollande où il n'y en a une aucune. Et depuis les chiffres ne font qu'augmenter.

Tandis que l'année 2017 marquait déjà un record de sanctions, depuis la première donnée en 1961, l'année 2023 marque un pic jamais atteint de toute la 5e République. En douze mois, 24 sanctions ont été données et 99 députés ont été concernés.

Depuis le début de l'année 2024, ce sont déjà quatre punitions qui ont été distribuées.

Un calendrier parlementaire aux textes sulfureux

Cette augmentation significative s'explique par un calendrier parlementaire particulièrement houleux. Des textes comme la réforme des retraites (février 2023) et la loi asile immigration (décembre 2023) ont fortement fait claquer les pupitres de l'hémicycle.

Dans cette 16e législature également, l'arrivée de 75 députés insoumis et 21 députés verts face à celle de 88 députés du Rassemblement national a polarisé les débats autour des partis extrêmes. Et de leurs désaccords très fermes.

Des sanctions plus sévères qu'auparavant

Au-delà de l'augmentation du nombre de sanctions, BFMTV.com a constaté que la sévérité des punitions données a elle aussi augmenté, comme vous pouvez le lire dans notre infographie ci-dessous.

À partir de la page 8, on observe qu'entre 2022 et 2024, quatre peines parmi les plus strictes ont été votées dans l'hémicycle sur décision du bureau de l'Assemblée: une censure et trois censures avec exclusion temporaire, soit la peine maximale.

Avant Sébastien Delogu mardi 28 mai, le député RN Grégoire de Fournas, le 4 novembre 2022, et l'Insoumis Thomas Portes, le 10 février 2023, ont écopé de cette censure avec exclusion temporaire.

Une présidente de l'Assemblée "intransigeante"

Un facteur, souligné par une enquête de Médiapart de janvier 2024, explique cette sévérité accrue: la personnalité de la présidente de l'Assemblée nationale.

Arrivée lors des législatives du deuxième mandat Macron, la députée Renaissance Yaël Braun-Pivet est la première femme élue au perchoir. D'après nos collègues qui ont recueilli le ressenti d'un bon nombre de parlementaires, la présidente est réputée pour ne pas avoir la main légère sur l'attribution des sanctions.

"On dit que je suis celle qui a le plus sanctionné et je continuerai: je ne laisserai plus rien passer", assume l'élue des Yvelines sur France inter, en octobre 2023.

"Je ne dois pas tolérer le bazar que l’on voit, parce que les Français m’en parlent matin, midi et soir, quand je suis dans la rue. Moi, depuis le début, je suis intransigeante", avait-elle ajouté.

Un deux poids, deux mesures?

Comme le montre notre dernière infographie, les principaux concernés par cette "intransigeance" revendiquée par la présidente de l'Assemblée nationale semblent se trouver dans la gauche de l'hémicycle. Au point que les députés LFI, à l'instar de Sébastien Delogu sur notre antenne après son exclusion, crient au "deux poids deux mesures".

En effet, sur les 106 sanctions prononcées, seules trois concernent des députés issus de la majorité (les Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet et Remy Rebeyrotte – qui avait mimé un salut nazi dans l’hémicycle – et Laurent Croizier du MoDem).

Dans l'opposition, une seule sanction concerne un député du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), deux visent des députés Les Républicains (LR), et six des élus RN.

À l'inverse, 97 sanctions ont été octroyées à des députés de la feu Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes): une à un communiste, deux autres à un socialiste, six à des écologistes et 88 à des Insoumis (dont 68 rappels à l'ordre donnés au même moment, lors de l'"affaire des pancartes" au cours des débats sur la réforme des retraites).

Les sanctions infligées aux Insoumis représentent ainsi 50% du total des sanctions émises par Yaël Braun-Pivet depuis les débuts de son arrivée à la présidence de l'AN.

Article original publié sur BFMTV.com