Arabie saoudite: une activiste condamnée à 11 ans de prison pour son "choix vestimentaire" selon des ONG

Une militante des droits des femmes est détenue en Arabie saoudite depuis plus de deux ans. Cette dernière a été condamnée à 11 ans de prison pour des accusations liées au "terrorisme" ont dénoncé ce mardi 2 mai deux ONG de défense des droits humains.

Selon Amnesty International et ALQST, basés à Londres, Manahel al-Otaibi, 29 ans, a été condamnée le 9 janvier dernier à 11 ans de prison, lors d'une "audience secrète".

Le verdict a été révélé des semaines plus tard, "dans la réponse officielle du gouvernement saoudien à une demande d'informations formulée par des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur son cas", ont indiqué les deux ONG dans un communiqué conjoint.

"Uniquement son choix vestimentaire"

"Les charges retenues contre elle concernaient uniquement son choix vestimentaire et l'expression de ses opinions en ligne, notamment le fait d'avoir appelé sur les réseaux sociaux à mettre fin au système de tutelle masculine en Arabie saoudite", selon le texte.

Elle était poursuivie aussi "pour avoir publié des vidéos d'elle portant des 'vêtements indécents' et s'être rendue 'dans des magasins sans l'abaya'", longue robe traditionnelle couvrant le corps.

La réponse saoudienne à l'ONU, datée du 24 janvier, affirme que Manahel al-Otaibi "a été condamnée pour des infractions terroristes sans aucun rapport avec l'exercice de sa liberté d'opinion et d'expression ou avec ses publications sur les réseaux sociaux". Le document ne fournit toutefois pas de détails sur les "infractions terroristes" mentionnées.

Sollicité par l'AFP, le gouvernement saoudien n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat.

"Une injustice épouvantable et cruelle"

"La condamnation de Manahel et sa peine de 11 ans de prison constituent une injustice épouvantable et cruelle", a déclaré Bissan Fakih, chargé de campagne d'Amnesty International dans la région selon SkyNews.

"Avec cette phrase, les autorités saoudiennes ont révélé le caractère creux de leurs réformes tant vantées en matière de droits des femmes ces dernières années et ont démontré leur détermination effrayante à faire taire la dissidence pacifique", a-t-elle ajouté.

Mohammed ben Salmane, dirigeant de l'Arabie saoudite -un pays longtemps associé à la répression des femmes-, est arrivé au pouvoir en 2017 en promettant de vastes réformes. Si plusieurs restrictions, comme l'interdiction de conduire et l'obligation de porter une abaya, ont été levées, les défenseurs des droits de l'homme affirment qu'une loi sur le statut personnel entrée en vigueur en 2022 reste discriminatoire à l'égard des femmes.

Ces réformes sociales, même Manahel al-Otaibi semblait y croire. Dans une interview diffusée par l'ONG ALQST -dont on ne connaît pas la date d'enregistrement mais probablement avant son arrestation-, elle explique comment il est "important" pour elle de prendre ses "propres décisions", "de ne pas être contraint par la société, les coutumes ou les traditions".

"Les règles et les règlements ici sont clairs, comme l'a dit le prince héritier (MSB) [...] j'ai le droit de choisir ce que je veux porter tant que c'est respectable", abonde-t-elle avant d'affirmer que "l'Arabie saoudite a changé de manière radicale".

Sa soeur a fui l'Arabie saoudite

Manahel al-Otaibi a été arrêtée pour la première fois le 16 novembre 2022 et détenue dans une prison pour femmes à Riyad. Amnesty avait dénoncé en février sa "disparition forcée": selon l'ONG, elle avait perdu contact avec sa famille entre novembre de l'année dernière et la mi-avril.

Sa soeur aînée, Foz al-Otaibi, suivie par 2,5 millions de personnes sur le réseau social Snapchat fait face à des accusations similaires, mais a fui l'Arabie saoudite de peur d'être arrêtée après avoir été convoquée pour un interrogatoire en 2022. Elle s'est dite "très choquée" par la condamnation de sa soeur qu'elle n'a apprise que par le biais de la réponse saoudienne à l'ONU.

Pour la responsable des plaidoyers de l'ALQST, Lina Alhathloul, "les autorités saoudiennes ont une fois de plus mis à nu la nature arbitraire et contradictoire de leurs soi-disant réformes, ainsi que leur détermination continue à contrôler les femmes saoudiennes."

"Les autorités saoudiennes doivent libérer immédiatement et sans condition Manahel al-Otaibi et toutes les personnes actuellement détenues dans le royaume pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains", a-t-elle déclaré.

Article original publié sur BFMTV.com