Après la mort de Nahel, Emmanuel Macron convoque une cellule de crise interministérielle

Gérald Darmanin a dénoncé une deuxième nuit de « violences insupportables ». Le ministre de l’Intérieur rapporte 150 interpellations.

FRANCE - Nanterre, Toulouse, Lille… Pour la deuxième nuit consécutive, de fortes tensions ont éclaté en banlieue parisienne et dans de nombreuses autres communes françaises après la mort de Nahel, 17 ans, abattu mardi à Nanterre par un tir policier lors d’un contrôle routier qui a mal tourné. Des « symboles de la République » ont été attaqués, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui dénonce ce jeudi 29 juin des « violences insupportables » et assure que « 150 interpellations » ont eu lieu dans la nuit.

« Une nuit de violences insupportables contre des symboles de la République : mairies, écoles et commissariats incendiés ou attaqués, a-t-il écrit sur Twitter. 150 interpellations. Soutien aux policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui font face avec courage. Honte à ceux qui n’ont pas appelé au calme. »

Une cellule interministérielle de crise doit être convoquée ce jeudi matin à huit heures par le président Emmanuel Macron, a rapporté l’Élysée. Elle se tiendra Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur.

La banlieue parisienne s’embrase

Sur le seul ressort de la préfecture de police de Paris (la capitale et les trois départements de la petite couronne), 35 interpellations avaient été effectuées peu avant 2 h 00 jeudi, contre 31 dans toute la France la nuit précédente. Plutôt calme en début de soirée, la situation s’est ensuite particulièrement tendue à Nanterre, déjà théâtre d’affrontements la nuit précédente.

Plus d’une dizaine de voitures et nombre de poubelles ont été incendiées, et des barrières ont été placées sur la route, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les murs d’un immeuble ont été tagués des mots « Justice pour Nahel » et « Police tue ». Des violences se sont poursuivies jusqu’en milieu de nuit dans la cité Pablo-Picasso, avec des jets de pavés auxquels les forces de l’ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène.

Le poste de sécurité de l’entrée du domaine de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) a été attaqué au mortier d’artifice, selon une source policière. Dans le nord-est de Paris, des jeunes ont affronté de manière sporadique les forces de l’ordre pendant plus de 3 heures, a constaté un journaliste de l’AFP.

La situation de la Seine-Saint-Denis a particulièrement marqué les observateurs, avec de nombreuses exactions commises par des groupes d’émeutiers très mobiles. Des sources policières ont fait état auprès de l’AFP de feux multiples de voitures et magasins, de pillages, de commissariats attaqués, de mairies dégradées, d’une médiathèque incendiée… Presque toutes les communes du département ont été touchées.

De nombreuses communes concernées

Dans l’Essonne, un groupe de personnes a détruit par le feu un bus vers 21 h 00, après avoir fait descendre les passagers à Viry-Châtillon. Des incidents ont été déplorés également dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine. À Clamart, une rame de tramway a été incendiée.

Des heurts ont aussi éclaté peu après 20 h 00 au Mirail à Toulouse, où plusieurs véhicules ont été incendiés et des policiers et pompiers ont reçu des projectiles. Dans des quartiers de Dijon, les autorités ont fait état de containers de poubelles incendiés et de tirs de fusées d’artifice tandis qu’à Lyon et dans son agglomération, les forces de l’ordre ont été visées par des mortiers d’artifice.

À Villeurbanne, un incendie s’est produit dans un immeuble, faisant quatre blessés légers, selon les pompiers. À Vaulx-en-Velin, le commissariat a été pris pour cible et des tensions ont aussi été recensées à Roubaix, Amiens et Nice. Certains incidents, comme à Saint-Etienne, Lille et Rennes, ont eu lieu en marge de rassemblements de soutien aux Soulèvements de la Terre, mouvement écologiste récemment dissous.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé la mobilisation pour la soirée de mercredi de 2 000 policiers et gendarmes à Paris et dans sa petite couronne, 800 de plus que la nuit passée.

Une marche blanche ce jeudi

Les appels au calme ont fusé de toutes parts, et les pouvoirs publics ont multiplié les prises de parole pour prévenir la contagion des violences. Emmanuel Macron a évoqué un acte « inexplicable » et « inexcusable », des mots qui ont été critiqués par l’extrême droite et les syndicats de policiers.

La mère de Nahel a, elle, appelé dans une vidéo à une marche blanche jeudi à 14 h 00 devant la préfecture des Hauts-de-Seine, tout près des lieux du tir mortel, en exprimant sa « révolte pour (son) fils ».

Le drame s’est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, à la suite d’un refus d’obtempérer. Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a montré qu’un des deux policiers intervenus tenait le jeune conducteur en joue, puis qu’il a tiré à bout portant quand la voiture a redémarré. Dans la vidéo, on entend « tu vas te prendre une balle dans la tête », sans que l’on puisse attribuer cette phrase à quelqu’un en particulier. Nahel M. est décédé peu de temps après avoir été atteint au thorax.

Le policier soupçonné du tir mortel, âgé de 38 ans, a été interrogé par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) dans le cadre d’une enquête pour homicide volontaire ouverte par le parquet de Nanterre. Sa garde à vue a été prolongée mercredi, dans « la perspective d’une ouverture d’information judiciaire envisagée » jeudi, selon le parquet. « Nous prendrons les décisions administratives de suspension si jamais des charges étaient retenues contre lui », a assuré Gérald Darmanin.

L’affaire a relancé la controverse sur l’action des forces de l’ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers.

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