Après la mort de Mahsa Amini, l’Iran est secoué par des manifestations

Iranians hold anti US and Israeli signs and a portrait of Iran's Supreme Leader Ayatollah Ali Khamenei during a protest in support of Palestinians following the latest round of fighting between Israel and Palestinian militants, in Tehran, on August 9, 2022. (Photo by ATTA KENARE / AFP)

ATTA KENARE / AFP

Après la mort de Masha Amini, l’Iran est secoué par des manifestations ce lundi 19 septembre. (Photo d’illustration manifestations août 2022)

IRAN - Elle est devenue une icône de la liberté sur les réseaux sociaux, son nom est scandé dans les rues et son portrait fait la une des journaux iraniens, ce lundi 19 septembre. Mahsa Amini, une jeune Iranienne de 22 ans, est décédée ce vendredi 16 septembre après son arrestation par la police des mœurs, organe largement décrié pour ses méthodes violentes.

La jeune Kurde était en visite à Téhéran avec ses proches quand elle a été arrêtée, mardi 13 septembre, par cette unité spéciale de la police chargée de faire appliquer les règles vestimentaires strictes pour les femmes, dont l’obligation de se couvrir les cheveux en public. Parce que son voile était mal mis, Mahsa Amini a reçu des « instructions » sur les règles vestimentaires.

Deux jours après son arrestation, elle est tombée dans le coma, à cause d’un « problème cardiaque soudain », selon la police de Téhéran qui assure qu’il n’y a eu « aucun contact physique » entre la police et Mahsa Amini. Mais les associations de protection des droits humains contestent la thèse d’une mort accidentelle. « Des accusations de torture et d’autres mauvais traitements, doivent faire l’objet d’une enquête criminelle », a réagi Amnesty International.

Manifestations de soutien dans les rues et sur les réseaux sociaux

Le pays tout entier est choqué par ce décès brutal. Sur les réseaux sociaux, des femmes ont décidé de soutenir Masha Amini en se coupant les cheveux et en brûlant leur hijab. « We are all Mahsa Amini » commentent-elles, pour que ce nom résonne comme un symbole de la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Lors de son inhumation ce samedi dans sa ville natale, Saghez, des habitants en colère ont jeté des pierres contre le siège du gouverneur et crié des slogans hostiles aux autorités. Sur les vidéos publiées sur les réseaux sociaux, on entend clairement les manifestants crier « Mort au dictateur », en référence au guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Tandis que certaines femmes ont retiré leur foulard.

Après ces funérailles mouvementées, de nombreux habitants de Saghez se sont mis en grève. Sur Twitter, certains d’entre eux ont publié des vidéos de rues vides et de magasins fermés. « Il s’agit de protester contre le meurtre d’une jeune femme kurde, Mahsa, qui a été tuée par la police du hijab », explique Javid Irani dans un message Twitter.

D’autres images illustrent des mouvements de protestation, comme la séquence ci-dessous, où l’on voit une fumée blanche dans les rues. « Des images de Saghez, où les gens sont descendus dans la rue aujourd’hui après les grèves qui ont eu lieu dans toute la ville suite au meurtre de #MahsaAmini. », explique l’auteur de la vidéo. « Les forces de répression du régime iranien tirent des gaz lacrymogènes dans les maisons des gens et tentent désespérément d’écraser les protestations. »

Les manifestations ne se tiennent pas seulement dans cette ville du Kurdistan, mais aussi dans la capitale, Téhéran, comme l’attestent les images des médias nationaux. « 19 septembre, Téhéran, Iran, des étudiants de l’université Beheshti scandent ’Mort au dictateur’ lors des manifestations en Iran à propos de Mahsa Amini », partage sur son compte Iran News Wire.

Sur cette vidéo aussi, une foule dense d’une centaine de personnes crie « Mort au dictateur ! ».

Un soutien (presque) total des médias

La quasi-totalité des journaux consacraient ce lundi matin leur une et des pages entières à ce drame et aux manifestations qui ont suivi. « Le public est bouleversé et en colère par ce qui est arrivé à Mahsa Amini », note le journal réformateur Etemad, soulignant que les Iraniens ont constaté « à plusieurs reprises la violence de la police des mœurs ». Le journal modéré Jomhouri Eslami met lui en garde contre la « fracture sociale » provoquée par le « comportement violent » des policiers.

Du côté des journaux ultraconservateurs, on s’inquiète de la fronde populaire. Pour le journal Kayhan, « le volume de rumeurs et de mensonges soulevés après la mort de Mahsa a considérablement augmenté ». Tandis que le quotidien Iran, journal du gouvernement, accuse les réformateurs « d’exploiter les émotions du peuple en utilisant un incident malheureux pour monter la nation contre le gouvernement et le président ».

Sur les réseaux sociaux aussi, la colère gronde. Sur Twitter, le hashtag #Mahsa_Amini en persan était, ce dimanche midi, en première position des tendances avec près de 1,5 million de tweets. Les réactions de cinéastes, artistes, personnalités sportives, politiques et religieuses ont été extrêmement nombreuses. Le cinéaste Asghar Farhadi, lauréat de deux Oscars du meilleur film étranger, a observé que « Mahsa est aujourd’hui plus vivante que nous » car « nous sommes endormis, sans réaction face à cette cruauté sans fin, nous sommes complices de ce crime ».

« We are all Mahsa Amini »

Le grand ayatollah Assadollah Bayat Zanjani a dénoncé comme « illégitime » et « illégal » l’ensemble des « comportements et événements » à l’origine de « cet incident malheureux et regrettable ». « Le Coran empêche clairement les fidèles d’utiliser la force pour imposer les valeurs qu’ils considèrent comme religieuses et morales », a-t-il estimé.

L’ancien président et chef de file du courant réformateur Mohammad Khatami a lui appelé les autorités à « mettre fin aux actions contraires à la loi, à la logique et à la charia » et à « traduire devant la justice les auteurs de l’incident ».

En vertu de la charia, ou loi islamique, imposée en Iran après la révolution de 1979, les femmes sont tenues de se couvrir les cheveux et de porter des vêtements longs et amples. Les femmes qui s’y opposent s’exposent à des réprimandes publiques, des amendes ou des arrestations. Des décennies après la révolution, ces mesures sont largement contestées par la population.

À voir également sur Le HuffPost :

Vous ne pouvez visionner ce contenu car vous avez refusé les cookies associés aux contenus issus de tiers. Si vous souhaitez visionner ce contenu, vous pouvez modifier vos choix.

Lire aussi