Après la mort de Khader Adnane, la bande de Gaza de nouveau sous tensions

Khader Adnan, ici lors d’un rassemblement en son honneur après sa libération, près de la ville cisjordanienne de Jénine le 12 juillet 2015.
Khader Adnan, ici lors d’un rassemblement en son honneur après sa libération, près de la ville cisjordanienne de Jénine le 12 juillet 2015.

INTERNATIONAL - Il était en grève de la faim depuis plus de 80 jours. Après le décès ce mardi 2 mai de Khader Adnane, un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Jihad islamique après une grève de la faim entamée début février, des tirs de roquettes de la bande de Gaza vers Israël ont été observés. De quoi raviver une fois de plus des tensions déjà exacerbées dans cette région du globe.

« Nous ne voulons pas qu’une goutte de sang soit versée, nous ne voulons pas que quelqu’un réponde au martyre de cheikh (Khader Adnane), nous ne voulons pas que quelqu’un tire des roquettes et qu’on frappe Gaza par la suite », a clamé ce mardi l’épouse de Khader Adnane, le prisonnier retrouvé mort dans sa cellule.

Mais depuis l’aube, Vingt-deux roquettes ont été tirées au total, dont 16 sont tombées dans des terrains vagues et quatre ont été interceptées par le système de défense anti-aérien, comme l’a fait savoir l’armée israélienne.

Deux roquettes sont toutefois tombées dans la ville israélienne de Sdérot. Trois personnes y ont été blessées par des éclats d’obus, selon des secouristes israéliens. Des échanges de tirs ont ensuite eu lieu dans l’après-midi : des chars israéliens ont tiré en direction de la bande de Gaza, a indiqué l’armée, tandis que de nouvelles salves de roquettes ont été lancées vers Israël, selon des journalistes de l’AFP.

Ces nouveaux tirs ont été revendiqués, dans un communiqué conjoint, par les groupes armés de Gaza, qui les ont présentés comme « une première riposte » à la mort de Khader Adnane. Dans la soirée, six obus de mortiers ont été tirés en direction du territoire israélien, tombant dans la bande de Gaza et dans la zone de la barrière de sécurité, selon un communiqué de l’armée israélienne.

· « Retrouvé inconscient dans sa cellule »

Si d’autres détenus en grève de la faim ont succombé des suites d’une alimentation forcée, Khader Adnane, 45 ans, est le premier à décéder directement d’une telle action, a indiqué à l’AFP le président du Club des prisonniers palestiniens, Qaddoura Fares.

Inculpé en raison de son implication au sein du Jihad islamique et pour des discours en soutien à une organisation hostile, selon un responsable israélien à l’AFP, Khader Adnane « refusait de subir des examens médicaux et de recevoir des soins ».

Ce décès a été présenté ce mardi par l’administration pénitentiaire israélienne comme celle d’un prisonnier affilié au Jihad islamique, « retrouvé inconscient dans sa cellule » puis hospitalisé. Pourtant, l’organisation Physicians for human rights Israël lui avait récemment rendu visite et appelé à son hospitalisation « immédiate », affirmant que sa vie était en danger.

« Les instructions aux services pénitentiaires sont celles d’une tolérance zéro envers les grèves de la faim et les perturbations dans les prisons », a pour sa part déclaré le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, ajoutant que des cellules avaient été fermées dans la foulée de ce décès, afin d’« éviter des émeutes ».

· Khader Adnane, symbole des prisonniers palestiniens

Au cours de sa vie, Khader Adnane aura été incarcéré à 13 reprises par Israël. Il était étroitement associé à la grève de la faim comme forme de protestation contre les conditions de détention.

Haut responsable du mouvement palestinien armé Jihad islamique, qu’il avait rejoint lors de ses études à la fin des années 1990, Khader Adnane avait enchaîné à partir de 1999 les incarcérations en Israël, qui l’accuse d’être impliqué dans des activités « terroristes ».

Mais c’est à partir de 2012 qu’il devient un héros auprès des Palestiniens après une grève de la faim record de 66 jours. En 2015  ce boulanger de métier, qui a également travaillé en tant que banquier, cesse de nouveau de s’alimenter pendant 56 jours, puis durant 58 jours en 2018. D’après le Club des prisonniers palestiniens, Adnane avait déjà mené au total cinq grèves de la faim avant celle-ci.

Adnane, dont le portrait orne déjà des murs en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, a été décrit mardi par un responsable israélien comme un membre du Jihad islamique ayant « participé à des dizaines d’activités opérationnelles » et ayant « tenu des discours incitant à la haine, en soutien à une organisation hostile ».

Depuis la France, Khader Adnane était également connu pour avoir été interpellé en 2000 pour avoir incité d’autres étudiants à jeter des pierres sur le Premier ministre français Lionel Jospin, en visite à Bir Zeit. Il avait alors observé une première grève de la faim de 10 jours.

· Un décès, mais une « fierté »

Le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, a accusé Israël d’avoir « assassiné » Adnane « en rejetant ses appels à le libérer, en le négligeant médicalement et en le gardant dans sa cellule malgré la gravité de son état de santé ». La Ligue arabe a estimé que sa mort était « le résultat d’une politique délibérée de négligence médicale ».

Lors d’une conférence de presse à leur domicile d’Arraba, dans le nord de la Cisjordanie occupée, son épouse Randa Moussa a toutefois déclaré que son décès était une « fierté ». Vendredi, déjà, elle avait confié que les conditions de détention de son mari étaient « très difficiles » et qu’Israël avait refusé de le transférer vers un hôpital civil et d’autoriser la visite de son avocat.

Après l’annonce du décès, le Jihad islamique, une organisation considérée comme « terroriste » par Israël, les États-Unis et l’Union européenne, a affirmé qu’Israël « paiera(it) le prix de ce crime ».

Ce mardi matin, des commerçants palestiniens ont par ailleurs fermé leurs boutiques en Cisjordanie occupée, répondant à un appel à la grève générale, ont constaté des journalistes de l’AFP. Dans le nord de ce territoire, un Israélien a été blessé par des éclats de verre et deux véhicules ont été endommagés par des coups de feu, selon l’armée israélienne, à la recherche de suspects.

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